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Nos églises rurales : des haltes pour Dieu sur notre terre

Publié le : 26 Juin 2009
Ces bâtiments ne sont pas comme les autres ...
Romanes, gothiques ou baroques, visibles ou cachées, plus ou moins ouvertes ou fermées, nos églises rurales sont incontestablement des lieux de mémoire.

À travers leur architecture, leurs clochers, leur décoration, c’est la foi catholique qui s’inscrit durablement sur notre terre. Pour affirmer leur valeur irremplaçable, on pourrait se contenter d’évoquer cette dimension historique et culturelle. On risquerait alors de succomber à une tentation très générale en notre temps où l’appel aux racines risque de se réduire à la nostalgie du passé ou à la sauvegarde du patrimoine.

On peut très bien saluer et honorer ces traces glorieuses d’une histoire marquée par le christianisme, sans reconnaître la place actuelle et même la vocation actuelle de ces églises rurales aussi bien pour la société que pour l’Église. Beaucoup se souviennent de cette image si parlante où un candidat à une élection présidentielle avait choisi d’adosser son visage à un clocher dressé dans un paysage indéterminé. Cette image n’était pas seulement un appel à la mémoire. Elle était, même de façon très utilitaire, un acte de reconnaissance. « Voyez ! nous disait à peu près ce candidat. Ces églises, qui sont la propriété des communes et de l’État, font partie de notre identité française ! Elles sont des bâtiments qui témoignent, à leur manière, du caractère public de ce qu’ils évoquent ! »

Eglise Saint-Etienne de Lugdares, Viviers © SNPLS

Même si ce candidat se servait des églises pour soutenir sa campagne électorale, il avait osé, dans ce but discutable, faire apparaître la dimension politique des églises rurales : ces bâtiments ne sont pas comme les autres, non seulement parce qu’ils n’ont aucune rentabilité immédiate, mais parce qu’ils sont dotés d’une valeur symbolique qui ne laisse personne indifférent, ni les catholiques qui s’y rassemblent, ni les agnostiques qui y cherchent le silence et la paix, ni les touristes et les pèlerins qui s’y arrêtent.

Par conséquent, un siècle après la fameuse loi de 1905 qui a affirmé la distinction entre les communes propriétaires et les ministres du culte affectataires de ces églises, l’heure est venue pour l’Église catholique de tout faire, non pas pour modifier la loi, mais pour l’appliquer vraiment. Ce qui implique au moins deux tâches urgentes et indispensables.

La première consiste à instaurer un dialogue honnête et exigeant entre les diverses autorités et instances qui ont à faire vivre ces bâtiments : d’un côté les élus locaux, les responsables culturels, les services du patrimoine et des Monuments Historiques, les Architectes des Bâtiments de France et, de l’autre, les animateurs de la vie chrétienne, les prêtres et les laïcs, dans nos communes.

Nous ne pouvons pas nous résigner à cette idée, qui tente certains esprits, selon laquelle beaucoup de nos églises rurales seraient devenues inutiles et qu’il faudrait donc les désaffecter et les convertir en salles de concerts, voire en gymnases ! Je le sais par expérience d’évêque d’un diocèse à dominante rurale : quand on prend les moyens de faire se rencontrer des élus locaux et des « relais paroissiaux » pour confronter leurs responsabilités au sujet des bâtiments du culte, on s’aperçoit que ces rencontres ne résolvent pas toutes les difficultés techniques, mais elles suscitent un état d’esprit de compréhension mutuelle qui aide grandement à affronter ces difficultés.

Pour vivre de Dieu dans nos églises …

Il nous reste encore à comprendre l’essentiel : nos églises rurales ne vivent pas seulement du passé dont elles témoignent. Elles vivent de la vie des croyants qui prennent l’initiative de les ouvrir, de les entretenir et de s’y rassembler.

Les églises rurales attendent aussi ces passants qui y font halte et qui ne sont connus que de Dieu. Elles vérifient alors leur mission : elles sont des haltes offertes à tous pour la rencontre et le dialogue avec Dieu.

Marcel Gauchet1, dans son dernier livre, montre à quel point les institutions religieuses peuvent être aujourd’hui reconnues comme des institutions de mémoire très originales : « Dans un monde détraditionalisé, elles sont les seules institutions à entretenir un rapport direct et constitutif avec le passé, à côté des musées et des institutions patrimoniales en général. Sauf que les musées et les institutions de mémoire ne font que conserver, alors que les institutions religieuses font vivre ».

Nos églises ne peuvent pas être confondues avec des musées : elles sont des lieux où l’on n’en finit pas d’apprendre à vivre de Dieu sur notre terre, parce que Dieu lui-même a choisi de demeurer parmi nous, aussi bien dans le silence et la solitude que dans le Corps de l’Église qui le célèbre, qui le prie et qui s’engage à témoigner de Lui. Si nous faisons tout ce que nous pouvons, avec nos moyens pauvres, pour que nos églises soient ouvertes, c’est dans un but qu’il faut bien avouer : c’est pour que la Révélation de Dieu en Jésus Christ passe par ces structures de pierres et vienne s’inscrire dans la chair de notre humanité, surtout quand cette chair est visiblement blessée.

Cette symbolique-là n’est pas seulement historique et culturelle. Elle est sociale et spirituelle. Dans ce monde rural qui s’inquiète pour son avenir, nos églises témoignent à leur manière de l’essentiel de la foi : une puissance de vie, de résurrection et de lumière agit au coeur même de nos peurs et de nos inquiétudes. Nos églises participent ainsi, humblement, au mystère même de l’Église présente en notre société.

Monseigneur Claude Dagens, Evêque d’Angoulême

 Notes :

1) Un monde désenchanté ? Débat avec Marcel Gauchet sur «Le désenchantement du monde » publié sous la direction de P. Colin et O. Mongin, éditions du Cerf. Paris, 2004, p. 246.

Article extrait des Chroniques d'art sacré, numéro 82, 2005, © SNPLS

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