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Abbaye Blanche de Mortain (Manche)

Publié le : 10 Août 2018
En lisière du bocage normand, dans le département de la Manche, se dresse l’imposante Abbaye Blanche au cœur de la commune de Mortain. De grands corps de bâtiments du XIXe siècle viennent encadrer l'église abbatiale et les vestiges ancien cloître, datant tous deux de la deuxième moitié du XIIIe siècle, dans la sobriété ornementale qui caractérise l'art d'obédience cistercienne.

(en h.) Vue extérieure avec le cloître et l'église à gauche, et les bâtiments du XIXe siècle à droite © PanierAvide // Ancien cloître de l'Abbaye Blanche © Xfigpower
(en b.) Salle capitulaire © Romain Bréget // Vierge monumentale © petit-patrimoine

La Normandie est une des régions à l’origine du monachisme en France. Dès l’ère mérovingienne, elle accueillit une grande partie des saints ermites, et évêques qui développèrent ces modes de vie communautaires : saint Samson y fonda plusieurs abbayes avant de partir vers la Bretagne, mais également saint Vigor, saint Marcouf, saint Pair, saint Ouen, saint Wandrille et saint Phillibert. Aux VIIe et VIIIe siècles, le nombre de communautés monastiques se développa très rapidement autour de règles de vie dures et ascétiques souvent inspirées de la règle de saint Colomban.

Ce premier monachisme normand fut presque entièrement anéanti aux IXe et Xe siècles sous l’impact des invasions normandes dans un contexte d’effondrement de l’empire carolingien. La région retrouva une stabilité durable et devint véritablement la « Normandie » lorsque les anciens vikings devinrent les nouveaux maitres du pays. L’important réseau d’abbayes et de prieurés du VIIIe siècle était alors réduit à néant, laissant la place vierge à de nouvelles édifications dans une région où la culture du monachisme était fortement imprégnée. Les ducs normands comprirent vite l’intérêt qu’ils avaient à favoriser cet élan religieux qui favorisait une certaine prospérité et les anciens persécuteurs devinrent les protecteurs ardents des congrégations religieuses.

Les abbayes se développèrent principalement aux XIe et XIIe siècles. Lorsque la Normandie envahit l’Angleterre, ces abbayes reçurent d’importantes donations de terres outre-mer. Dès lors, l’argent coula à profusion dans les mains des abbés normands et ils bâtirent la multitude d'abbayes romanes qui fait aujourd’hui la fierté de cette région.

L’abbaye Blanche à Mortain est une des traces encore visibles de cet essor roman lié à la manne anglaise (En anglais l’art roman se nomme Norman style). L’abbaye fut fondée probablement en 1105 grâce à une aumône de Guillaume de Mortain, neveu de Guillaume le Conquérant et, de fait, elle hérita de quelques terres en Normandie et en Angleterre qui lui assurèrent les rentes nécessaires à son développement. C'est une abbaye de femmes dont la première abbesse fut sans doute sainte Adeline, la sœur de saint Vital, le fondateur de l’ordre de Savigny. Comme tous les religieux de cet ordre, les religieuses portaient un habit blanc et c’est probablement à cette tenue que l’abbaye doit son nom d’Abbaye Blanche.

En 1147, l’ordre de Savigny se rattache à l’ordre de Cîteaux. Or, l’architecture de l’église abbatiale est typiquement cistercienne. Nous savons que l’église fut consacrée par l’évêque d’Avranches en 1206. Nous pouvons donc affirmer avec certitude que l’église actuelle fut bâtie entre ces deux dates. L’église ayant très peu subi de modifications au fil des siècles, elle est aujourd’hui un des témoins les mieux conservés de cette architecture cistercienne. Fidèle à la pensée de l’ordre de Cîteaux, l’ensemble est très sobre et les fioritures architecturales sont peu nombreuses. L’église est composée d’une nef unique tout en hauteur croisée d’un grand transept et s’achève par un chevet droit percé de deux baies jumelles de plein cintres surmontées d’un oculus.

Selon les plans cisterciens, l’abbaye était organisée de manière concentrique autour de son cloître. La nef et le transept de l’église longeaient eux-mêmes deux des quatre bras du cloitre. Les deux bras du cloître accolés à l’église ont survécu jusqu’à nos jours et sont probablement contemporains de l’église.

Le bras du transept longeant le cloître est prolongé par la salle capitulaire de l’abbaye. Avec l’église et le cloître, la salle capitulaire constitue le dernier des trois éléments médiévaux de l’abbaye antérieurs au XIIIe siècle et protégés aujourd’hui au titre des Monuments Historiques.

Comme partout ailleurs, l’abbaye connut des usages variés à partir de la Révolution Française dont, par deux fois, celui d’hôpital (une première fois sous la Convention nationale entre 1792 et 1795, puis durant la Première Guerre mondiale où elle accueillit et secourut près de huit mille blessés). La silhouette actuelle de l’abbaye reflète surtout l’usage du lieu comme séminaire sur une grande partie du XIXe siècle. L’abbaye s’est vue augmentée par l’adjonction de deux immenses ailes de bâtiments. Cet ajout, froid et austère, ponctué de quelques frontons néo-classiques soulignant le caractère massif de l’ensemble, est typique des bâtiments congrégationnistes et des séminaires de cette époque. De cette même période date également l’érection d’une statue monumentale de la Vierge Marie dans les hauteurs du jardin. La Vierge Marie surplombe toujours l’abbaye Blanche.

L’immensité des bâtiments du XIXe rend la reconversion actuelle des bâtiments extrêmement difficile. Propriété des pères du Saint-Esprit, ils furent confiés à la Communauté des Béatitudes qui s’est retirée définitivement des lieux en 2011. Depuis lors, les bâtiments sont plus ou moins à l’abandon. Les spiritains réunis en comité avec les élus locaux, les architectes des bâtiments de France et la drac cherchent depuis dix ans un projet susceptible de réunir les vingt-deux millions d’euros nécessaires à la restauration des lieux tout en respectant le caractère éminemment patrimonial des lieux.

Après dix années d’errance, les bonnes nouvelles arrivent enfin avec, d’une part, l’inscription du site à la liste des monuments en péril de la mission Bern et surtout, d’autre part, une proposition de reconversion de l’abbaye en un centre d’artisanat traditionnel porté par maitre Véronique Michel-Gicquel, une avocate malouine très engagée dans la sauvegarde du patrimoine. Le projet est jumelé avec un projet de sauvegarde de la filature Mauriel, voisine de l’abbaye. Sa réalisation dépend à l’heure actuelle du rachat de la filature et d’un accord des spiritains. Les deux réponses sont attendues dans le courant de l’été. Un projet à suivre donc !

 

Pierre-Marie Vautier

Sources

L'abbaye Blanche sur Gallica (La Normandie monumentale et pittoresque, édifices publics, églises, châteaux, manoirs, etc., 1899).

L'histoire des abbayes normandes

Le projet de reconversion

La « mission Bern »

En septembre 2017, l’animateur de télévision et de radio Stéphane Bern, se voit confier la mission d’identifier, avec l’appui des structures existantes et de la mobilisation citoyenne, les sites patrimoniaux en péril sur tout le territoire français. Une liste de 251 monuments a été établie, qui seront aidés en priorité pour l’année 2018, grâce à deux projets principaux de financement : le Loto du Patrimoine (vendredi 13 septembre 2018) et la grande souscription nationale avec la Fondation du Patrimoine.

Découvrir la liste des 251 monuments en péril

Soutenir la restauration du patrimoine français

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