Jour 24 : La Nativité par Robert Campin
Publié le : 24 Décembre 2014Cette huile sur panneau, exposée au musée des beaux-arts de Dijon depuis 1828, est extrêmement originale et comporte quelques différences avec d'autres œuvres du même thème.
Parmi toutes les figures représentées, nous remarquons à droite deux femmes. Qui sont-elles ? Il s'agit des sages-femmes, Zelemi (de dos) et Salomé (de face), des personnages qui apparaissent dans les Évangiles apocryphes. Leur identification est permise grâce aux phylactères qui portent leurs noms. Mais pourquoi des accoucheuses durant la Nativité ? Selon les Evangiles apocryphes, Joseph voyant que l'accouchement était imminent, parti demander de l'aide et trouva Zelemi. Il lui expliqua la situation, et reussit à la convaincre de l'accompagner ; Salomé les rejoignit plus tard.
Selon La Légende dorée de Jacques de Voragine, Zelemi reconnut que la naissance de Jésus n'avait pas altéré la virginité de Marie, alors que Salomé refusa de le croire jusqu'à ce qu'elle en ait la preuve. Le phylactère déployé au-dessus de sa tête porte l'inscription latine « Credam quin probavero » : "Je ne croirai rien tant que ne n'aurai pas vérifié". Au même instant, elle essuie sa main droite qui se desséche. Ll'inquiétude se lit clairement sur le visage de Salomé. L'ange qui vole au-dessus d'elle porte un autre phylactère sur lequel est inscrit : « Tange puerum et sanaveris »: "Touche l'Enfant et tu seras guérie", ce qu'elle fait et retrouve alors l'usage de sa main.
A cet épisode s'ajoute également l'épisode de l'adoration des bergers. Nous distinguons trois bergers dans le centre du tableau derrière Marie.
Sous un édifice de bois en ruine, la Vierge est à genoux avec les mains levées en signe d'adoration. Elle porte une tunique blanche avec un manteau de la même couleur orné de broderies d'or, ce qui rompt avec les représentations habituelles où l'on voit Marie habillée de bleu. L’Enfant Jésus est couché à même la terre battue et son corps est entouré d'un nimbe. Contrairement à ce que décrit l'Évangile selon Luc, il est représenté ici dépouillé de tout vêtement.
Cette représentation n'est pas sans rappeller l'histoire de sainte Brigitte de Suède, grande mystique qui reçut vers la fin de sa vie des révélations surnaturelles, notamment sur la naissance de Jésus. Dans son récit elle dit que Marie enleva son grand manteau blanc, retira son voile et dénoua ses cheveux blonds. Elle prépara des langes près d'elle puis se mit à genoux. Pendant qu'elle priait, mains levées, l'Enfant naquit soudain, sans aucune aide, environné d'une vive lumière. Il était nu sur le sol.
La représentation de Robert Campin est très senblable au récit de Brigitte de Suède bien qu'il prend la liberté de représenter des accoucheuses, qui, si l'on suit la logique du récit mystique, ne sont pas utiles en raison de la naissance "soudaine" et sans effort de l'Enfant.
Trois anges, au-dessus de l'étable, chantent le Gloria dont les paroles sont inscrites sur leur phylactère. Les trois anges à gauche sont vêtus de bleu, de vert et de rouge. Les deux premières couleurs symbolisaient au Moyen Âge l'espoir et le rouge à la charité. Une combinaison qui symbolise directement l'espérance du Salut avec la venue de Jésus et son sacrifice pour toute l'humanité.
Joseph n'est pas ici écarté dans un coin de la scène. Il tient d'une main une bougie qu'il protège du vent. Une bougie qui rapelle que Jésus est né dans la nuit et que l'obscurité fait place à la lumière. Car effectivement, bien que la naissance ait eu lieu de nuit, la scène est représentée à l'aube, un symbole qui fait de la naissance de Jésus la lumière qui efface l'obscurité des ténèbres.
Ce style, caractérisé par une grande rigueur, la minutie et l'attention portée aux détails dans la reproduction objets et des paysages est typiquement flamand.
Demain, nous vous ferons découvrir une seconde Nativité dans un tout autre style...Nous vous dévoilons un indice ici. Saurez deviner de quelle toile il s'agit ?