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Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

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Rendre visible la lumière

Publié le : 4 Octobre 2017
Sixième article de la chronique du projet Lumière à l'église Saint-Ignace de Paris. Les verres de lumières de Patrick Rimoux sont désormais visibles, dans une église Saint-Ignace renouvelée. Les travaux de nettoyages continuent jusqu’à Noël, mais déjà avec la moitié de l’église achevée, il est possible de sentir qu’une lumière nouvelle fera vivre ce lieu. Quel est le sens donné à la lumière en architecture gothique et comment des verres rétro-éclairés peuvent y trouver leur place ?

Les Verres de lumières, sans rétro-éclairage - Patrick Rimoux 2017

A l’église Saint-Ignace, à Paris, la clarté des murs et les anciens vitraux supérieurs nettoyés font rentrer la lumière et la couleur de manière surprenante. Les verres de lumières, œuvres d’art d'aujourd’hui, rétro-éclairés, sont à découvrir dans ce nouvel espace. La suite du projet de l’ensemble du triforium est suspendue, pour se donner le temps d’accueillir ce qui a déjà été fait. Centrale dans l’architecture gothique, la place de la lumière est de nouveau honorée.

En régime chrétien, la lumière divine vient nous illuminer de l’intérieur. La lumière cohabite avec le monde, tout comme Dieu vient à la rencontre des hommes. Ce n’est pas une lutte où la lumière est à l’horizon, mais une présence déjà là depuis le début de la création. Le prologue de l’évangile de Saint Jean nous aide à mieux saisir comment la lumière ne peut se penser sans la Parole originelle. Il écrit « en la parole était la vie, et la vie était la lumière des hommes » (Jn 1,4) et « cette parole s’est fait chair, et a habité parmi nous » (Jn1,14). Par l’incarnation, la cohabitation de l’homme et de Dieu est rendue possible. En disant lui-même qu'il est « la lumière du monde » (Jn 8,12), Jésus indique que la lumière divine se fait proche de nous pour éclairer notre chemin. C’est lui la source d’illumination intérieure. Une caractéristique centrale de la lumière apparaît : elle illumine ce qui est autour d’elle en les rendant visible, c’est-à-dire que sans objet à éclairer, on ne peut pas la voir ou bien seulement de manière éblouissante en regardant avec difficulté la source.

En disant lui-même qu'il est « la lumière du monde » (Jn 8,12), Jésus indique que la lumière divine se fait proche de nous pour éclairer notre chemin.

Pour faire mémoire de l’habitation de Dieu avec son peuple, la communauté chrétienne va donc très vite chercher à se réunir dans des espaces lumineux, où l’autel, tout autant que l’assemblée sont clairement visibles et éclairés. L’ombre et les ténèbres sont vaincues, et la clarté donne à voir Dieu à l’œuvre, dans l’assemblée. Les basiliques paléochrétiennes, puis l’architecture romane et gothique vont dans ce sens : rassembler dans des espaces de clarté, en utilisant la lumière naturelle autant pour illuminer la pierre, que pour symboliser la lutte chaque jour recommencée entre le jour et les ténèbres par l’orientation Est-Ouest. Saint Bernard ira jusqu’à parler d’espace devenant lumière quand il écrit « l’air semble n’être plus illuminé, mais lumière »* . La lumière immatérielle paraît alors comme une matière solide. L’architecture gothique poussera très loin cette conception, jusqu’à tenter de construire des murs de lumière, grâce aux vitraux. Ces verres ne sont jamais transparents, mais montre une lumière spirituelle "matérialisée". La Parole de l’évangile se diffuse dans ces représentations lumineuses. Le mystère de l’habitation de Dieu parmi son peuple est ainsi rendu sensible.

Les vitraux supérieurs – Église Saint-Ignace

L’église Saint-Ignace, construite en 1855 dans un style néo-gothique reprend de manière partielle cette symbolique chrétienne de la lumière : les chapelles et le triforium sont entourés de bâtiments existants, rendant impossible l’ajout de vitraux, et la course du soleil est contrariée par les hauts édifices du quartier. Mais les vitraux supérieurs, constitués de motifs floraux nous montrent la lumière divine dans un autre sens : c’est dans le jardin de l’intimité, comme au jardin d’Eden, que nous sommes appelés à rencontrer Dieu.

Pour les verres de lumières de l’église Saint-Ignace, la lumière ne provient pas des rayons naturels du soleil ; par la technologie électronique des LED, la puissance et la couleur sont contrôlées et programmées au fil de temps. La nouveauté n’est pas dans l’usage de la technique, car l’élaboration des vitraux depuis plus de 10 siècles a toujours demandé une connaissance technique très poussée. Abandonnant la transformant de la lumière naturelle, il s’agit désormais d’une mise en scène, totalement commandée. Ce qui est recherché ici, dans une dynamique baroque, c’est l’effet produit, et pour cela, tout ce dont l’homme est capable est convoqué. Réinterprétant le jeu de la lumière rendue visible par les vitraux, les techniques nouvelles employées pour la mise en scène des verres de lumières indiquent une confiance dans l’usage des habiletés de l’homme : tous les talents sont reçus du créateur et peuvent prendre part à sa louange. Le texte du principe et fondement ne dit pas autre chose : « l'homme doit user de ces choses [créés pour lui] dans la mesure où elles l'aident pour sa fin et qu'il doit s'en dégager dans la mesure où elles sont, pour lui, un obstacle à cette fin ». (ES 23)

- Jean Berger, s.j.

Scolastique jésuite, étudiant en philosophie et théologie

 

* Saint Bernard, dans son Traité sur l’Amour de Dieu

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