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Star Wars, légende sacrée ?

Publié le : 29 Janvier 2016
A moins que vous ne viviez au fond d’une grotte, vous n’avez pu échapper ces derniers mois à la vague médiatique déferlante de Star Wars liée à la sortie de son 7ème épisode. Rien qu’en France, en deux semaines d’exploitation, 8 345 000 billets ont été vendus : un record inégalé. Star Wars-The Force Awakens est devenu le plus gros succès français de la saga, toutes époques et ressorties confondues.
Outre la campagne de marketing colossale, - première raison de ce succès -, et le talent du réalisateur J.J. Abrams qui a réuni des générations de fans, une troisième raison, plus profonde explique cet engouement : la dimension sacrée de la saga issue d’une mythologie populaire et moderne.

 

Lorsque l’on parle ici de « sacré » on parle de l’homme face à ce qui le dépasse : des forces, des destinées qui soumettent les personnages à une puissance supérieure. Star Wars depuis le départ puise son univers dans les mythes, en les modernisant et en les vulgarisant à l’intention du grand public. Ces films nous touchent parce qu’ils font écho à des récits imagés qui travaillent directement les structures de notre conscience. La quête de Luke Skywalker et aujourd’hui celle de Rey forgent un imaginaire qui rejoint de manière plus profonde et symbolique notre propre quête. Ces mythes puissants s’adressent à une dimension de la conscience humaine qu’on appelle sacrée en ce sens.

Une mythologie moderne

De quoi est faite cette mythologie moderne ? Tout d’abord d’un concept appelé «monomythe» qui nous fait revenir trente ans en arrière. En 1977, George Lucas s’empare de cette notion forgée par le mythologue Joseph Campbell et s’en sert pour construire le premier épisode de la saga, A New Hope, qui allait lancer le succès mondial de Star Wars et faire de lui le fondateur de Lucasfilm. Le « monomythe » désigne un récit unique commun à tous les mythes anciens. La mise en place d’une sorte de fusion cohérente de différentes cultures et récits fondateurs.

Joseph Campbell ©DR

Seul un américain comme lui pouvait s’emparer d’un tel schéma de pensée. Les Etats-Unis, terres neuves, sont nés de la conquête. Ils ne disposent pas d’une Histoire ancienne comme la nôtre, d’où la recherche d’une culture qui opère la synthèse de récits archaïques, ancestraux et permettent de se forger une identité. Ce fameux « monomythe » participe à l’élaboration de toute la saga Star Wars jusqu’à l’épisode d’aujourd’hui. Il explique en grande partie son succès populaire et sa dimension sacrée.

Dans The Force Awakens, ce syncrétisme est perceptible à travers des thématiques qui construisent cette mythologie populaire. Différentes traditions spirituelles et religieuses s’entremêlent, même si l’on peut observer une fascination dominante pour des traditions venues de l’Orient, notamment à travers la présence régulière de temples. On apprend d’ailleurs au début du film que Luke est parti à la recherche de celui de Jedi. Alexis Lavis, professeur de philosophie, précise même en parlant de Star Wars dans Philosophie Magazine, que « la Force est l’un des plus grands emprunts au Taoïsme ».

Autre exemple intéressant qui montre comment Star Wars puise dans les grands récits religieux fondateurs : celui de la scène de l’appel de Rey à devenir Jedi. Un véritable récit de vocation dont des éléments ne sont pas sans rappeler ceux de la Bible. Dans une sorte de temple, Rey descend dans une grotte et aperçoit une malle mystérieuse. Elle sent un appel à ouvrir la malle. Intriguée elle s’exécute et découvre un sabre laser. En touchant le sabre, elle éprouve une force et tombe à la renverse sur le sol, terrassée par la puissance de l’appel ressenti. Terrifiée de ce qu’elle peut découvrir sur elle, elle niera et refusera au départ cet appel.

N’est-il pas frappant de voir combien la structure de cette scène rappelle celle des récits de vocation de grands saints, eux-mêmes terrassés par l’appel de Dieu dans le Nouveau Testament ?

Mixité religieuse mais aussi mixité culturelle, générationnelle, historique. Aux termes de « République » et de « Résistance » qui évoquent nos guerres mondiales, s’opposent celle de « Premier Ordre » notion plus floue et atemporelle. Retour du nazisme et du totalitarisme, angoisse de la bombe nucléaire, rêve de maîtriser le soleil et de devenir tout puissant, fascination pour la technologie et la robotique, défense d’un monde écologique, non-violence (cf. désertion de Finn) : quelques éléments parmi tant d’autres qui se superposent dans Star Wars pour constituer un univers visuel unique, futuriste et moderne.

Les caractéristiques cinématographiques de la mythologique présente dans The Force Awakens

Au niveau de la mise en images, J.J. Abrams reprend de nombreux éléments de mise en scène qui forment cette mythologie populaire vieille de 30 ans.

Le parcours initiatique de Rey rappelle de nombreux autres : celui de l’Iliade, celui du chevalier, celui du prophète, etc. Dans l’espace et non sur la mer, avec un sabre laser et non une épée, guidée par la Force et non par la Foi. Cette quête, presque involontaire, du héros se déroule au sein d’une mise en scène classique au cinéma de la lutte du Bien contre le Mal. Les figures du Mal sont représentées par le masque noir (Kylo Ren nouveau Dark Vador), les noms (le suprême leader Snoke évoque le terme snake, le serpent), l’obsession de tout calculer (« Tout se passe comme je l’avais prévu »), la manipulation (pénétrer les pensées intimes de l’autre). Celles du Bien par la vérité du visage, le non-calcul, l’espoir, la Force au service de la maîtrise de soi, l’humour (bien présent dans cet épisode)…

Aux couleurs sombres et rouges rattachées aux mondes de Kylo Ren et de son maître, s’opposent la lumière, la verdure, la clarté des décors rattachés aux héros. Désert, montagne, forêt, mer, ciel, le film choisit l’immensité des espaces pour renforcer la dimension mythologique. Autant de lieux où se jouent les grandes quêtes de l’humanité, les récits initiatiques et héroïques.

La tragédie familiale constitue un élément central du scénario comme dans tous les autres Star Wars. On pourrait même parler de malédiction originelle. Rappelons-nous Skywalker, sur le point d’épouser sa sœur et qui doit tuer son père. Cet anathème fait écho aux malédictions qui touchent de nombreux héros des mythes grecs, à l’image d’Œdipe. Dans The Force Awakens c’est la figure du parricide qui le souligne à nouveau. Au cœur de l’intrigue familiale, les femmes tirent les ficelles et font avancer le récit.

J.J. Abrams s’est particulièrement emparée de cette dimension féministe qui colle à notre monde moderne. Il donne des rôles prépondérants à des femmes, en mettant en avant un univers féministe dans lequel l’homme n’a plus ses repères et avance maladroitement. La figure masculine apparaît gauche, pataude, presque enfantine, dominée par l’intelligence et la solidité des personnages féminins telles que Rey bien sûr mais aussi Leia, Maz Kanata ou encore Capitain Phasma. Notre vieil Han Solo va jusqu’à déclarer au jeune Finn : « une femme découvre toujours la vérité »

D’autres figures propres à la mythologie sont également visibles à l’écran : celle du labyrinthe et du monstre, comme lors de la poursuite contre des rathars, créatures en forme de pieuvre, dans les dédales d’un vaisseau. Animaux, monstres, créatures de tous les styles forment un univers visuel moderne dont s’est aussi emparé Star Wars pour se forger une identité.

The Force Awakens : une mythologie qui touche nos consciences contemporaines

Le spectateur, et à fortiori le fan qui a grandi avec la Saga, finit par se forger lui-même son propre univers de références à travers ces récits initiatiques remplis de sentiments et de passion. Nul doute qu’au-delà du film de science fiction à effets spéciaux, c’est l’émotion, les affaires familiales, ces histoires d’amour et de haine qui nous font nous passionner pour Star Wars et nous font rêver. Cela explique aussi pourquoi La Menace Fantôme ou l’Attaque des Clones ont été des ratages, jugés à juste titre comme trop froids, figés dans des décors et des personnages numériques désincarnés.

Plus que les émotions et la quête d’une conscience commune, la mythologie à l’œuvre dans The Force Awakens renvoie à l’actualité, aux forces obscures, bien réelles et présentes dans notre monde actuel comme la course à l’armement nucléaire ou le registre de la guerre. Plus frappante encore, la place particulière que tiennent la guerre psychologique et la manipulation des esprits dans ce dernier opus. Jamais les combats spirituels autour de la Force n’avaient été aussi poussés à l’extrême et filmés avec autant de conviction dans l’univers de Star Wars, excepté peut-être dans The Empire strikes back.

Le côté obscur de la Force est montré comme une puissance psychique paranormale permettant de lire dans la pensée de l’autre, de le manipuler et ainsi de l’endoctriner. Les séances de tortures rappellent bien sûr celles du nazisme ou de toute autre dictature, mais il est difficile de ne pas faire de lien avec les endoctrinements d’aujourd’hui liés aux fondamentalismes religieux où la volonté de pouvoir mental sur les faibles tient une place grandissante. Cette mise en avant du pouvoir psychique est même perçue par certains philosophes comme le signe de l’expression inconsciente « d’une faille du rationalisme occidental ».

Qui sont aujourd’hui les héros émergeants dans ce monde violent où les esprits sont retournés et pervertis ? Une pilleuse d’épave, un soldat déserteur, un pilote surdoué solitaire, une hippie mystique…l’image de certains jeunes d’aujourd’hui en somme, en décalage avec l’ordre préétabli, ne se projetant pas dans l’avenir mais idéalistes et prêts à affronter de grands enjeux, prêt à porter de lourds fardeaux…
Une génération appelée à faire partie de la « Résistance » et lutter contre toutes formes d’obscurantisme, guidés par une Force qui fait rêver des millions de spectateurs depuis des années.

Images issues du film STAR WARS: EPISODE VII - LE REVEIL DE LA FORCE - PROD DB©LUCASFILM - WALT DISNEY PICTURES/DR

Regardez ici le teaser du 7ème épisode de Star Wars, "Le réveil de la Force":

Pierre Vaccaro

Auteur du webzine www.sacrecinema.com

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Pierre Vaccaro

Titulaire d’une maîtrise d’Histoire du cinéma à l’Université de Tours et d’un master en Communication au Celsa, Pierre Vaccaro a aussi étudié la théologie à l’Institut Catholique de Paris. Le cinéma représente pour lui une passion depuis de nombreuses années. Plusieurs travaux de recherches et de rédactions, notamment pour la revue 1895 de l’Association Française de Recherche sur l’Histoire du Cinéma, pour des sites de cinéma, ou encore pour Le Courrier Français via le groupe Bayard lui ont valu de collaborer pendant quelques années au Jury œcuménique au Festival de Cannes.

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