Paolo Véronèse : la Vénitie du XVIe siècle de passage à Londres
Publié le : 16 Mai 2014
« Si, dans la peinture, il y a un espace vide, je le décore avec des figures » : personne ne lui a demandé d’inclure des bouffons, des ivrognes, des Allemands, des nains dans Le Repas chez Levi - représentation supposée de la Dernière Cène, mais « mes consignes étaient de décorer la toile comme cela me semblait le mieux ; c’est une large toile, capable de comporter beaucoup de figures » [...] je peins mes toiles avec la convenance demandée et que mon intelligence peut comprendre ».
En 1573, Paolo Caliari - dit Véronèse en référence à la ville de Vérone où il est né - est sommé de s’expliquer devant le tribunal de l’Inquisition de Venise sur certains détails du décor exécuté pour le réfectoire de l’église Santi Giovanni e Paolo. Sa réponse participera sans doute à lui donner une image d’un peintre décorateur, un maître de la couleur dont la préoccupation majeure était d’exalter les fastes de la société vénitiennes.
L’ambition de la National Gallery est de tordre le cou aux idées reçues sur ce « maniériste italien » passionné de torsions audacieuses. Pour ce faire, l’institution londonienne va compléter la dizaine d’œuvres autographes qu’elle possède, toutes acquises aux XIXe siècle, avec une quarantaine de prêts choisis pour leur exceptionnelle qualité et leur diversité dans les genres et les époques représentés.
Ainsi, Le Martyre de saint Georges (vers 1565) prêté par l’église de San Giorgio in Braida à Vérone et Le Mariage mystique de sainte Catherine (1565-1570) de la Galleria dell’Accademia de Venise vont coexister avec les plus belles toiles profanes de Véronèse datant de la même époque. Telle la somptueuse « Famille de Darius devant Alexandre » (1565-1570) qui fut l’une des premières grandes œuvres à avoir été acquise par la National Gallery sur le continent européen.
Oil on canvas 375 × 228 cm, Santa Corona, Vicenza
© Courtesy of the Soprintendenza per i Beni Storici e Artistici ed Etnoantropolici per Verona, Rovigo e Vicenza
Le caractère unique de l’exposition tient sans doute dans la réunification d’œuvres jamais vues ensemble depuis leur départ de l’atelier de l’artiste : L’Adoration des Mages (1573), œuvre peinte pour l’église San Silvestro à Venise, considérée comme une des toiles les plus admirées de Véronèse et récemment nettoyée, sera présentée à côté d’un retable traitant du même sujet et réalisé la même année pour l’église de Santa Corona à Vicence.
Au début des années 1550, après trente ans à Vérone où il réalise d’importantes commandes pour des églises et des familles aristocratiques telles que les Canossa et Bevilacqua, il s’installe à Venise qu’il ne quittera que rarement. C’est là, aux côté d’Andrea Palladio et de Jacopo Sansovino, que Véronèse s’impose comme l’un des plus grands artistes d’Europe. Il est aussi à l’aise avec la technique de la fresque qu’avec la peinture à l’huile. Son don de la mise en scène et son imagination débordante lui permettent de répondre aux demandes de l’État, - comme la décoration des plafonds du Palais des Doges - ou encore du clergé - comme pour l’église de San Sebastiano qu’il va transformer pendant quinze ans à partir de 1555 des murs aux plafonds. Mais il travaille aussi pour des princes étrangers et de nombreux commanditaires privés.
La conversion de Marie-Madeleine, about 1548
Oil on canvas
117.5 × 163.5 cm
© The National Gallery, London
Informations pratiques:
"Veronese : Magnificence in Renaissance Venise",
National Gallery, Londres
du 19 mars au 15 juin 2014