Mobile / Immobile : de l’utopie à la dystopie
Publié le : 20 Mars 2019
Épreuve chromogène laminée diasec sur aluminium, GALERIE GP&N VALLOIS, PARIS
© Alain Bublex
L’idée du progrès moderne est indissociable de la fascination de la vitesse et de l’essor des déplacements et de la mobilité depuis le XIXe et le XXe siècles. Les formes futuristes des locomotives américaines de Raymond Loewy dans les années 1940, l’allure profilée des avions, des trains et des voitures traduisent cette esthétique de la nouveauté et de la rapidité, l’attrait pour la « mobilité spatiale » et la « Liquid Modernity », emblème d’une liberté de mouvement absolue et d’un changement radical des modes de vie.
Toujours plus loin, toujours plus vite...
Sept années de recherches art-sciences
Fruit de sept années de recherches art-sciences menées par le Forum Vies Mobiles, l’exposition Mobile/Immobile explore de façon historique, sensible et scientifique le présent, le passé et le futur de notre mobilité. Associant les regards d’artistes contemporains, de chercheurs en sciences sociales et le fonds des Archives nationales, ce parcours a été conçu avec le concours d’Hélène Jagot (directrice du Musée de la Roche-sur-Yon) et François Michaud (conservateur au Musée d’art moderne de la Ville de Paris).
des paysages qui se déshumanisent au profit des flux automobiles
TIRAGE COULEUR SOUS DIASEC, GALERIE LES FILLES DU CALVAIRE
© CATHERINE PONCIN
Ambivalence des mobilités modernes
De l’utopie à la dystopie, du rêve au cauchemar, les deux revers de la médaille sont illustrés avec pertinence et créativité par les artistes contemporains dont les visions singulières sont autant de pistes de réflexion sur l’homme et son avenir face à l’omniprésence de la mobilité et à ses ambivalences. La vitesse et le mouvement sont tour à tour perçus comme source de liberté ou risque d’aliénation, dans une cadence infernale qui se traduit par des rythmes de vie plus intenses, comme en témoignent les foules tokyoïtes de Sylvie Bonnot, ou les flots de travailleurs soumis aux bruits stridents de la circulation mis en scène par Wang Gongxin. A la fois belle et inquiétante, la pollution nimbe les grandes villes de brouillard, comme dans les photographies de métropoles chinoises de Tim Franco, leur conférant une luminosité hypnotique. Tous ces flux humains (migrants, vagabonds, réfugiés, travailleurs étrangers) sont soumis à d’incessantes opérations de contrôle, tandis qu’émergent d’autres modèles sociétaux, avec les néonomades observés par Ferjeux van der Stigghel.
l’incarnation d’une société qui ne sait plus ralentir
Décélérer le temps
Emblématique, Le Plan Voisin de Le Corbusier est réinterprété par Alain Bublex, remettant en question cette vision de Paris comme cité idéale moderniste, entièrement construite sur la liberté conférée par l’automobile. Avec la pollution et le réchauffement climatique inexorable se présente le grand défi d’un monde après les énergies fossiles, symbolisé par « La montagne immobile », saisissante photo de casse automobile de l’artiste canadienne Elinor Whidden. A Pierrefitte-sur-Seine, sept projets art-sciences sont présentés par la plateforme digitale d’Artistic Lab avec des travaux d’artistes de tous horizons (photographes, acousticiens, plasticiens…) sur une galerie d’exposition en ligne.
Ouvrant la voie vers une autre vision du monde, et une forme d’espérance dans un avenir meilleur, l’Horloge de Marie Velardi fondée sur le temps lunaire, propose une démarche poétique de tenter, quelque peu, de ralentir le temps, afin de sortir de cet engrenage et de retrouver un nouveau rythme pour la créativité humaine.