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Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

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Koinè Recherche et le vitrail contemporain dans l’action liturgique

Publié le : 8 Avril 2013
Cinquante ans après la promulgation de la Constitution liturgique « Sacrosanctum Concilium », Koinè Recherche, la branche scientifique du Salon italien, se concentre sur le thème de l’art dans les églises et plus particulièrement sur le vitrail contemporain.

La Constitution liturgique se penche avec grand intérêt sur les expressions de l’art. A partir de la réaffirmation de la liturgie comme « sommet et source » de la vie de l’Eglise et en continuant par les recommandations  « dans la construction des édifices sacrés on veillera attentivement à ce que ceux-ci se prêtent à l’accomplissement des actions liturgiques et favorisent la participation active des fidèles » (SC 124). On rappelle encore, parmi les initiatives nécessaires à promouvoir le renouvellement de l’art pour la liturgie, la formation des artistes à l’esprit de la liturgie (SC, 127) et la formation des futurs prêtres afin qu’ils deviennent des commanditaires éclairés et responsables (SC, 129). Aux architectes, aux artistes et aux prêtres, Koinè Recherche 2013 consacre un double événement – une exposition et un colloque international - qui parle de l’art à partir des vitraux, éléments familiers dans les églises anciennes et qui graduellement incarnent à nouveau, grâce à l’apport des artistes d’aujourd’hui, un lien renouvelé et dynamique de l’Eglise avec le monde contemporain.

 

Jürgen Drewer, St. Peter Kirche, Viersen-Bockert, Allemagne. Réalisation Derix Glasstudios. Image © Derix Glasstudios

 

Le liturgiste Roberto Tagliaferri, membre du Comité Scientifique de Koinè Recherche, nous parle de l’intérêt des vitraux pour la liturgie.

Les vitraux, éléments architecturaux et artistiques, à la fois matière et immatérialité, moyens d’éclairage et de décoration, initient aux chemins spirituels et théologiques de la lumière. Si d’un côté, en racontant les histoires sacrées, ils sont l’expression de la dimension communautaire et historique de la conception de la vie chrétienne, de l’autre le jeu de la lumière que le vitrail décompose, suscite efficacement les sentiments de recueillement.

Dans tous les cas, le vitrail est une réflexion visuelle. L’image tend à produire une expérience spirituelle plutôt qu’une pédagogie religieuse. La première provient de l’instantanéité du sacré, la deuxième tend à renforcer les croyances au niveau du sens.

 

Gabriel Loire, Thanks-Giving Chapel, Dallas, USA. Réalisation Ateliers Loire.Image © Ateliers Loire

 

Le vitrail comme symbolique du divin

La lumière joue avec l’obscurité et modifie les perceptions et les ambiances. Elle a une force symbolique importante sur nos états d’âme. Comme quand on passe de la lumière extérieure à l’obscurité d’une église romane, ou comme quand on allume une bougie dans la nuit de Pâques. Elle peut nous faire précipiter dans la désolation ou peut produire une joie irrésistible, comme quand les mineurs voient la lumière du soleil en remontant des entrailles de la terre. Le symbolisme de la lumière joue avec l’ombre comme la parole avec le silence. Une lumière qui enquête sans pitié dans tous les angles, qui révèle tous les détails, qui élimine les zones d’ombre, est une lumière plate, obsessive et opprimante. Il existe aussi une torture qui utilise la lumière pour priver du sommeil et engourdir le cerveau.

L’architecture a besoin de la lumière et de la couleur. Les vitraux colorent la lumière comme un arc-en-ciel. Ils sont une réceptivité pure, une ivresse pareille au rêve. Celui qui regarde un vitrail devient lui-même couleur, dans une expérience de fusion cosmique décrite par Benjamin dans le dialogue sur la fantaisie entre Georg et Margarethe « Je n’étais que regard. Tous les autres sens étaient oubliés, évanouis. Je n’existais plus, même mon esprit, qui me révèle les choses d’après les images sensibles, n’existait plus. Je n’étais plus quelqu’un qui regardait, j’étais le regard. Et ce que je voyais, n’était plus des choses, Georg, c’était des couleurs. Et moi-même j’étais de la couleur dans ce paysage ». Dans l’expérience de l’arc-en-ciel, c'est-à-dire de la lumière avec des couleurs, comme l’expriment les vitraux, la distinction entre sujet et objet disparait parce que «  les couleurs sont une mise en abîme, en elles est la vision pure. Elles sont en même temps l’objet et l’œil qui le perçoit ».  Dans cette fusion il y a l’expérience mystique, l’expérience de transcendance à laquelle tend toute la performance rituelle.

 

Michel van Overbeeke, RK St. Barbara Kerk, Nieuwegein, Pays-Bas.  Paesi Bassi. Réalisation GBB - Glas Bewerkingsbedrijf Brabant. Image ©GBB

 

La dimension sensorielle dans la liturgie du Concile Vatican II

La Constitution conciliaire « Sacrosanctum Concilium » modifie la théologie classique sur la liturgie parce qu’elle souligne l’importance des langages rituels, multiples, qui prennent part à la célébration. Seulement la matière et la forme ne suffisent plus. Parmi les langages en action, il y a un code visuel qui se manifeste sous différentes formes : le programme iconographique, les vitraux, l’éclairage, etc… La réalisation de la réforme postconciliaire a privilégié le place de la parole qui, si d’un côté a apporté la richesse des leçons bibliques, d’un autre a limité le pouvoir performatif des langages esthétiques impliqués dans le rite.

Il est désormais évident que « l’esprit de la liturgie » n’est pas passé, comme le récitent les documents officiels ; parce que l’efficacité du rite s’est perdue au bénéfice de la didascalie et du moralisme.  L’architecture des églises elle-même tend à exagérer cette tendance rationalisante.

Au contraire,  l’attention au langage de la perception esthétique, permettrait une expérience christique  moins idéologisée et plus profonde.  L’analyse visuelle et les vitraux peuvent favoriser cette pragmatique de la foi parce que le langage des images pénètre en profondeur jusque dans le très-fond de notre conscience où l’on peut ressentir la présence de l’Esprit Saint.

 

Mario Schosser, Chapelle de l’hôpital des frères de la Miséricorde [Barmherzige Brüder], Straubing, Allemagne Réalisation Mayer of Munich. Image  © Mayer of Munich

 

David Freedberg par exemple écrit « En Occident, on tend à se débarrasser de la présence dans les images du type de pouvoir qu’autrefois on appelait divin , surtout quand on perçoit le déploiement de capacité artistique et d’habileté dans la réalisation de l’objet : mais ceci advient seulement à cause de nos préjudices culturels  à faveur de ce que nous croyons être un jugement esthétique désintéressé et non, parce que Dieu aurait abandonné son image ».

L’attitude hostile envers l’image porteuse de présence, ne peut cependant se débarrasser du poids du passé, qui nous a consigné ce patrimoine de sacralité. Et Freedberg le soutient en toutes lettres : « Même si nous ignorions ou minimisions les preuves de réactions aux images dans lesquelles des pouvoirs semblables à ceux de la vie semblent se concentrer, et même si, dans nos propres réactions, nous ne percevions plus les conséquences d’un tel phénomène,  nous devrions prendre encore en considération le poids du passé dans leur formation. Si, supposons, autrefois, les images étaient investies de pouvoirs vitaux et surnaturels, il serait extravagant de suggérer qu’une quelconque perception successive de l’œuvre d’art puisse se libérer complètement de son histoire. »

Père Roberto Tagliaferri,
membre du Comité Scientifique de Koinè Recherche, professeur à l’institut de Liturgie Pastorale « Santa Giustina » de Padoue.

Padoue, mars 2013

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