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Hicham Berrada, maître du temps à l’abbaye de Maubuisson

Publié le : 11 Octobre 2017
Jusqu’au 24 juin 2018, l’abbaye de Maubuisson reçoit Hicham Berrada pour son exposition personnelle intitulée 74803 jours. En s’appuyant sur des connaissances scientifiques, l’artiste propose dans son travail une poésie de la nature, des éléments, des énergies et du temps.

C’est une règle d’or : à l’abbaye de Maubuisson, sous l’égide de sa directrice Isabelle Gabach, on laisse l’artiste prendre son temps. Une longue préparation pour une longue exposition : l’essentiel est que l’artiste puisse apprivoiser l’architecture à la fois austère et sublime de ces bâtiments cisterciens plusieurs fois centenaires. Hicham Berrada y est parvenu avec maestria. Quel meilleur endroit qu’une abbaye, lieu où le temps semble suspendu, pour un artiste qui, par son travail, accélère les effets du temps ?

Les sciences au service de l’art

Hicham Berrada est un « artiste-laborantin » ; d’une part car il est en premier lieu de culture scientifique et d’autre part car il expérimente énormément ses protocoles en laboratoire, avant de trouver la forme qu’il souhaite donner à ses œuvres. Combinant les métaux, les éléments chimiques, les molécules, en maitrisant les paramètres de température et de temps, le chimiste laisse place à l’artiste lorsque les paysages naissent de ces savants amalgames. « J’aide la nature à accomplir des choses qu’elle sait faire, mais qu’elle fait rarement » nous dit Hicham Berrada, et c’est ce que l’on ressent puissamment en se confrontant aux trois pièces inédites présentées à Maubuisson.

HICHAM BERRADA, Jardin inaltérable, 2017 - ABBAYE DE MAUBUISSON © CATHERINE BROSSAIS/ CONSEIL DÉPARTEMENTAL DU VAL-D'OISE.

Entropie

L’un des maîtres mots de cette exposition est celui d’entropie : « Fonction mathématique exprimant le principe de la dégradation de l’énergie, qui se traduit par un état de désordre toujours croissant de la matière » selon le Petit Robert. En des termes plus simples, il s’agit de la propension qu’a la nature à tendre vers la désorganisation.

Avec son Jardin inaltérable, Hicham Berrada entend donc s’opposer à l’entropie à l’œuvre sur un bel olivier en pot, dans une sorte de chambre stérile (dans laquelle il faudra d’ailleurs pénétrer équipé de protections pour minimiser la contamination bactérienne). Dans ce macro-environnement, tout est fait pour que l’arbre poursuive son œuvre de photosynthèse, grâce à une lampe à vapeur de sodium et des lampes à UV, tout en confinant son tronc par l’entremise de la feuille d’or, seul matériau qui ne subit pas l’entropie. Cet intérêt pour l’immuabilité se retrouve, dans ce même espace, sur un écran rythmé par le mouvement constant des vagues, qui sont en fait une projection en trois dimensions d’une série d’algorithmes complexes, rendus ainsi tangibles.

74803 jours en 6 mois

Dans la salle du chapitre plongée dans l’obscurité, Hicham Berrada a installé un immense aquarium seulement éclairé par un spot. On peut y voir deux sculptures se faisant face, baignant dans un mélange électrolytique. Le courant électrique qui parcourt ce microcosme aquatique provoque l’érosion lente de l’une des deux sculptures de bronze, appelée martyr. Cette décomposition s’opère lentement, visible à l’œil nu par les nuées de particules qui s’échappent en volutes, tandis que la deuxième sculpture, appelée masse, tire profit de cette situation pour se régénérer infiniment.

HICHAM BERRADA, 74803 jours, 2017 - ABBAYE DE MAUBUISSON © CATHERINE BROSSAIS/ CONSEIL DÉPARTEMENTAL DU VAL-D'OISE.

Puissante métaphore de notre insignifiance face à la force indomptable et implacable du Temps, cette installation tente de nous donner à voir un phénomène qui aurait mis 74803 jours à se produire dans des conditions classiques en milieu naturel. Le travail de l’artiste, perceptible en tension dans cette œuvre, s’apparente à celui du démiurge qui maîtrise toutes les dimensions de l’espace et du temps.

Impatience

La Nature face à la nature humaine : dans la salle des religieuses, deux temporalités s’affrontent. Face à la beauté de cette salle, Hicham Berrada tente de réconcilier ces puissances à deux vitesses. Après avoir capté pendant 24 heures en time-lapse (image par image) grâce à huit caméras les variations lumineuses dues à la course du soleil à travers les vitraux de la salle, il en propose un dispositif de restitution, à travers huit écrans, du phénomène en accéléré (x240). Nul doute que le visiteur saisit ainsi pleinement toute la beauté des mouvements de la lumière et de sa lente évolution au fil de la journée, sans passer par l’attente et l’immobilité qu’exigeraient la contemplation du phénomène « au naturel ».

HICHAM BERRADA, Méditation x 240, 2017 - ABBAYE DE MAUBUISSON © CATHERINE BROSSAIS/ CONSEIL DÉPARTEMENTAL DU VAL-D'OISE.

 

Hicham Berrada donne toutes ses lettres de noblesse à l’usage des sciences au service de l’art. La beauté et la poésie sont dans la Nature, nous le savons depuis bien longtemps, mais par son travail, il se fait l’ « activateur » de nouvelles formes éclatantes et sublimes, qui nous auraient échappé en milieu naturel, alors que nous sommes réduits à notre temporalité toute relative d’êtres humains.

- La rédaction de Narthex

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