Réflexions devant le Christ Diorite de Denis Monfleur.
Publié le : 17 Mars 2017
Deuxième semaine de Carême. Je découvre à la galerie Claude Bernard un Christ sculpté par Denis Monfleur. L’artiste est coutumier du fait. Et Paul-Louis Rinuy a déjà présenté son travail en 2010. Mais là, la force de l’œuvre dépasse, à mes yeux plus que d’habitude, l’émotion d’un chrétien devant l’image de son Dieu crucifié. A l’opposé de la catégorie « images pieuses à usage interne, » l’œuvre, comme son modèle, dérange, intrigue, inquiète nos certitudes toujours un peu pharisiennes. Elle invite à la conversion de mon regard trop facilement satisfait. Si rapidement idolâtre.
Encore une fois, un artiste ose confronter son travail à cette figure bimillénaire et fondatrice dans la culture occidentale. Sans répéter. Denis Monfleur cogne dur. Au sens littéral, puisqu’il sculpte en taille directe des pierres réputées inaccessibles. Il en émane une violence dérangeante, brutale, primitive, que la surface luisante du basalte vient parfois adoucir. La lave ici travaillée garde trace de cette puissance originaire des entrailles de la terre. Mais tempérée par la composition. Le corps taillé, entaillé, par la force contrôlée de l’artiste, croise une étrange barre émaillée rouge minium. La solidification des couleurs fondues qui caractérise l’émaillage évoque la fusion et la liquéfaction d’un processus, somme toute, bien proche de celui qui a produit la lave. Mais sur un autre temps, un autre rythme : celui des hommes et de l’art. Le fond d’acier découpé me fait face et suggère un vis-à-vis. Derrière c’est le mur de la galerie ; derrière c’est la rue, la ville, le monde… Ces superpositions de formes, de matières, de textures, de couleurs et de temps donnent d’éprouver une impressionnante profusion de sens. Elles peuvent orienter une méditation patiente, plus loin que le visible.
La barre ensanglantée m’évoque d’abord « le linteau des maisons où on mange l’agneau avec des pains sans levain et des herbes amères. » (Cf. Ex.12,7s.) Le signe du passage de Dieu qui épargne. Ce signe devient le patibulum de la Croix, émaillé, lumineux. Précieux. Déjà, le corps du Sauveur s’en détache. A la dimension du monde crucifiant.
L’artiste m’a fait remarquer l’ombre discrète d’un buste sur l’acier, diaphane évocation du Père auquel s’abandonne le Fils qui se priait abandonné.
On aimerait poursuivre le Carême accompagnés d’œuvres contemporaines aussi fortes.
- Michel Brière
Informations Pratiques
Exposition Denis Monfleur, Émaillées… - jusqu’au 15 avril 2017.
Galerie Claude Bernard / 5-7, rue des Beaux-Arts 75006 Paris
Tel. 01 43 26 97 07
Du mardi au samedi de 9h30 à 12h30 et de 14h30 à 18h30
Plus d'infos : http://www.claude-bernard.com/expo
Le travail de Denis Monfleur est très intéressant.
Mais ce qui me choque en tant que chrétien c'est qu'on "utilise" le Christ en croix comme sujet artistique intéressant à représenter.
Un tel Christ dans une église oui, mais pas au milieu d'une une exposition.
Après tout, le Christ n'est-il pas mort sur la croix entouré du regard indifférent d'une foule anonyme ?