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Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

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L'or : un métal ou une couleur ?

Publié le : 28 Mars 2012
L'orfèvrerie religieuse regroupe un certain nombre d'objets dont la caractéristique principale se trouve être leur couleur or.
Une obligation statutaire

    L’emploi de l’or au sein de l'orfèvrerie médiévale est une obligation statutaire qui trouve sa première mention en 1268 dans le Livre des métiers rédigés par Etienne Boileau.
    La réglementation établie par ce prévôt fixe plus ou moins clairement le taux d’alliage au sein de l’or afin de donner son degré de rigidité. En outre, il précise que les objets devaient être frappé « à la Touche de Paris », l’or utilisé est le plus pur sur le marché. Quant à l’argent, le plus fin était celui provenant de l’Angleterre.

 orfèvre.jpg

Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, Diderot et D’Alembert, 1765


    La nécessité de travailler l’or à la Touche de Paris était une garantie de bonne qualité du matériau, ce qui permettait également l’évaluation financière de la pièce travaillée. Ainsi, afin d’assurer la loyauté du titre, Philippe le Hardi (1214-1270) imposa le poinçon sur chaque objet et ce, dans toutes les villes du royaume.

 

Un métal exceptionnel

 

    L’utilisation de matériaux nobles et de pierres précieuses s’explique par l’aspect transcendantal que cela induit, ce qui traduit la croyance en un pouvoir mystique. D’où cette nécessité de la couleur or. Ceci est visible, déjà au XIIème siècle avec les écrits de Suger. Comme le souligne Swarenski, l'orfèvre utilise des matières précieuses pour renfermer des choses rares.

 

Couronne de Saint Louis, atelier parisien, XIIIème siècle, conservé au Musée Diocésain de Namur © C.D

    L’or est également employé pour son symbole divin mais aussi pour son aspect inaltérable. Ce métal est employé à la fois en tant que matériaux mais également en tant que couleur. La notion de couleur semble prendre tout son sens au début du Moyen Age avec le développement des reliquaires anthropomorphes, c’est le temps des pèlerinages.

Statue - reliquaire de Sainte Foy de Conques, IXème siècle, Trésor de Conques

 

    Dans l’orfèvrerie religieuse du XIIème et XIIIème siècle, cette dimension se manifeste par la multitude de petits objets tels que les reliquaires, les reliures, les patènes. Ainsi, l’or n’est plus simplement utilisé pour ces qualités chimiques mais également pour introduire une nouvelle notion en lien avec son utilisation, celle de « couleur symbolique ». Celle-ci semble traduire l’idée du divin ainsi que l’idée d’intemporalité. Cette nouvelle dimension artistique semble apparaître à travers le souhait des artistes, et en particulier des orfèvres, de représenter des scènes bibliques, telles que la Crucifixion, d’une façon intemporelle grâce à l’application du fond doré.

Christ crucifié, XIIIème siècle, Conservé au Musée Dobrée, Nantes © C.D

 


    La couleur dorée se retrouve fréquemment au Moyen-Age dans des domaines liés à la dévotion. Elle marque ainsi son omniprésence dans le domaine de l’enluminure, l’ivoire, la peinture ou dans l’orfèvrerie. Dans ce cadre, elle symbolise principalement l’intemporalité de la représentation mais aussi sa sacralité, du fait de la préciosité du métal. 
    Ce matériau est employé puisqu’il ne s’oxyde pas et résiste aux attaques chimiques. Il possède, par ailleurs, une qualité de conservation puisqu’il est le seul métal à ne rien perdre au feu ; plus il est chauffé et plus il gagne en qualité. Ceci en fait donc un matériau hors du commun. Il répond à tous les critères, aussi bien liturgique que physico-chimique.

 

La couleur dorée et ses symboles

 

    D'un point de vue cultuel, l'or est indispensable dans la fabrication des objets sacrés puisqu’il inclut une valeur symbolique forte.
    L’or est à considérer comme une couleur à part entière car ce métal était le symbole royal par excellence, en raison de la préciosité du matériau et de sa rareté. Par conséquent, l’or est à considérer comme une couleur allant au-delà du blanc, comme le souligne, il est considéré comme un « super blanc », (D. Alexandre-Bidon et C. Treffort).
    Il sert à placer une représentation hors de repère spatio-temporel ce qui implique l’idée d’intemporalité. Celle-ci est reprise dans l’orfèvrerie du XIIIème siècle, l’ensemble des iconographies prend place au sein d’un fond d’or, ce qui neutralise toutes notions de temps.

 


Evangeliary of Arenberg, Ecole mosane, circa 1160-1170

 

La couleur or sert ici à mettre en scène le sacré.

    La deuxième symbolique repose sur des exemples à suivre qui passe par les reliquaires. Les reliques de saints personnages sont considérées comme des exemples pour les fidèles, de par leur sacrifice pour servir la cause de Dieu. De ce fait, ils peuvent être considérés, dans une certaine mesure, comme des offrandes car il s’agit des dons de soi. Une telle dévotion est mise en valeur par l’emploi d’un métal précieux : l’or. Celui-ci sert à mettre en évidence la sacralité de ces saints martyrs.
    Dans ce type de scènes, une évolution s’opère à partir des années 1260. En effet, jusqu’à cette date, les reliquaires narraient toute la vie du saint. 
 

Châsse de Saint Taurin, détails, Atelier parisien, 1240 - 1255,
Conservée à l' église de Saint Taurin, Evreux © C.D

 

 

A partir de 1260, les orfèvres ne représentent que le sacrifice des saints.

 

 

 

 

 

Reliquaire des Saints Maxien, Lucien et Julien, 1261, Paris © C.D

 

 

 

 

    L’utilisation de ce métal est à mettre en lien avec le Bible puisqu’il est cité plusieurs fois. La conception de l’Arche d’Alliance justifie cet emploi de l’or au sein des reliquaires. En effet, dans l’Exode, chapitre 25, versets 10 à 16, se trouve une description de la conception de l’Arche qui s’apparente à celle des reliquaires.

 

    En cliquant sur ce lien, vous découvrirez une présentation technique du travail du métal.

 

Cécile Dufour

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Le 28 mars 2012

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Cécile Dufour

Docteur en Histoire de l’art médiéval, ses travaux de recherche concernent l’orfèvrerie au service du culte et essentiellement les productions parisiennes de la fin du XIIème et du XIIIème siècle.

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