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Le savoir-faire des orfèvres du XIème siècle

Publié le : 3 Octobre 2012
Afin de mieux comprendre la beauté des oeuvres de l'orfèvrerie des années 1280 et 1300, une petite explication sur les techniques du XIème siècle semble indispensable...
 

Saint Eloi orfèvre, Petrus Christus, 1449

 

Saint Eloi est le saint patron des orfèvres.

 
Un enseignement issu d'une tradition

Les orfèvres du XIe siècle n'étaient pas des laïcs comme cela fut le cas à partir de 1280 : c'était principalement des membres du clergé appelés "moines - orfèvres".

 

Les abbés envoyaient ces moines dans de bonnes écoles afin qu'ils recoivent un enseignement basé sur les techniques issues des traditions. L’ensemble était codifié. Cette codification nous est connue grâce à l’ouvrage du moine Théophile, intitulé Diversarum artium schedula. L’origine de cet ouvrage demeure incertaine mais deux pays s’en attribuent l’origine : l’Italie et l’Allemagne.

 

Ce recueil est très complet dans la mesure où tous les domaines artistiques sont mis en valeur, telle la peinture, l’enluminure, la fabrication et le travail du verre et du métal.

 

Le recueil : le métal

 

Le traité de ce moine met en valeur un certain nombre d’apports relatifs aux techniques mais il transmet également des conseils quant à la manière de faire et la dangerosité des produits et techniques. Ainsi dans la « manière de poser l’argent et l’or » au chapitre XXIV de son traité sur la peinture, il n’hésite pas à notifier le fait de retenir sa respiration afin de ne pas égarer la feuille. Il met en place des systèmes de compensation quant aux éventuels manques de matériaux ainsi, pour remplacer les feuilles d’or et d’argent, il se propose l’alternative de réaliser le travail à l’aide d’une feuille d’étain.

 

Cet ouvrage met en lumière le problème de l'utilisation de l’or : ainsi, avec l’aide de l’alchimie, ce métal subit des transformations. Le fait d’allier ce métal à un autre pour le rendre plus solide, incita certains artisans à la fraude. Afin de limiter les malfaçons, des contrôles furent mis en place, ce qui aboutit à une réglementation particulière pour l’or au sein du Livre des Métiers. Sa technique s’inspire de celle de l’Antiquité dont il garde la tradition.

 

Détail du socle de la Châsse de Saint Romain, XIIIème siècle, Paris © CD

 

Le recueil : l'ornementation

 

 


Dans son prologue, Théophile justifie l’utilisation de l’ornementation des objets d'orfèvrerie dans le but d'éduquer les fidèles. 

 

Enfin, la dernière partie de l’ouvrage est réservée aux techniques de décorations, elles représentent les chapitres LXXI à LXXIV inclus. La première est celle du travail ciselé, il se fait sur une enclume à l’aide de fers et d’un marteau, puis, les représentations étaient limées et nettoyées. La deuxième technique est celle réalisée à l’aide de point, elle se faisait à l’aide d’un poinçon. Enfin la dernière technique est celle du repoussé. Elle se réalisait à partir d’un fer. La forme à réaliser était faite sur l’arrière du métal, le tout était délicatement réalisé pour éviter que la plaque ne se fende. Une fois, la forme réalisée, la plaque était passée au feu jusqu’à ce qu’elle blanchisse. Puis, elle était frottée délicatement et l’opération s’effectuait jusqu’à obtention du relief désiré. R. Came suppose que ces techniques furent exécutées par des spécialistes différents, puisque seule l’étape du polissage leur incombait. Mais, il admet que certains orfèvres étaient capables d’effectuer ces techniques ; le traité de Théophile laisse supposer que ces artisans exécutaient ce travail.

 

La décoration des objets était réalisée à l’aide d’outils que l’on pourrait considérer comme étant à percussion. La décoration des pièces façonnées s’effectuait grâce à des matrices. Ainsi, par percussions, les ornementations ou les figurines s’imprimaient à la surface du métal. Des lames minces prenaient diverses formes par leur application au revers du métal grâce à la pression exercée.

 

La gravure était réalisée à l’aide d’un burin et consistait en l’enlèvement de matière contrairement à la ciselure qui s’effectuait en repoussant le métal, il se faisait généralement au repoussé, c’est-à-dire, sur l’envers du métal. La ciselure se réalisait à l’aide d’un burin en acier trempé à lame aiguisée.

 

atelier.jpgLes outils des orfèvres

 

Pour la technique du repoussé, l’artisan faisait les dessins aux traçoirs sur la surface de la pièce. De la main gauche, il prenait l’objet, il posait les ciselets aux endroits où il souhaitait réalisé le tracé ; puis, il frappait plus ou moins fort selon l’épaisseur qu’il voulait donner à l’ornementation.

 

Le recueil : l'atelier

 

 orfèvre.jpgL'atelier de l'orfèvre

Le moine commence la rédaction de ce traité par l’installation des orfèvres au sein d’un atelier. Une particularité se retrouve au sein du traitement du métal dans la mesure où il y a une partie de l'atelier qui est réservé au travail du cuivre, de l’étain et du plomb et de l’autre, se trouve celui de l’or et de l’argent.

 

Les matériaux utilisés pour le métal étaient tout d’abord, les enclumes. Théophile en cite des exemples variés : plane, cornue, arrondie en dessus, de différentes tailles, puis celles qui sont allongées et étroite dans la partie supérieure. Pour les cornes, il y en avait une ronde et effilée. L’extrémité se termine en pointe alors que la deuxième corne est arrondie et légèrement recourbée.

 

Les outils utilisés étaient variés. Il existait plusieurs types de marteaux avec chacun une fonction bien précise : celui à rétreindre, sa tranche est un peu arrondi, il servait essentiellement à étendre le métal pour que son épaisseur s’uniformise. Le marteau à planer servait à rectifier certains coups que les marteaux tranchants avaient pu laisser sur la surface du métal ; cette dernière était plate ou légèrement convexe. Le marteau à emboutir permettait d’aplanir le métal tout en créant un aspect convexe sur l’autre côté ; sa surface était hémisphérique. Le maillet était également utilisé puisqu’il produisait moins d’irrégularités que les autres marteaux. Il existait d’autres outillages permettant d’écolleter et d’élargir le bord supérieur. Enfin, d’autres outils faisaient parties intégrantes de l’atelier d’un orfèvre : ainsi, la resingle se composait d’une fine tige qui s’enfilait dans de petites pièces afin de rectifier les irrégularités présentes à leur surface. Cette action se faisait avec l’association commune de cette pièce avec un marteau.

 

La surface de leur plan de travail se composait d’une enclume et d’une bigorne.

 

La technique parisienne

 

 

Reliquaire d'Herckenrode, XIIIème siècle, Paris © CD

Ce reliquaire est des plus importants dans la mesure où il s'agit de la seule pièce poinçonnée du XIIIème siècle parisien. D'ailleurs, le mois prochain, je vous proposerez de découvrir plus en détail cette magnifique pièce....

 

Le traité de Théophile est un ouvrage référence pour l'étude de l'orfèvrerie puisqu'il permet d'analyser assez finement les techniques employées tout au long du Moyen-age. Entre la parution de ce traité et le XIIIème siècle, les techniques ont peu évoluées contrairement au goût esthétique qui évolue.

 

Ainsi, au XIIème – XIIIème siècle, l'or de Paris était travaillé à la « Touche de Paris ». Les vérifications se faisaient à la pierre de Touche et à la coupelle [1]. Tout en étant plus perfectionné à Paris qu'ailleurs, l'affinage de l’argent était plus précis que celle de l’or. En effet, tandis que le titre de l'or n'était que de dix-neuf carats un cinquième, l'argent contenait onze deniers douze grains de fin. Sous Philippe le Hardi, le gros tournoi remplaça comme étalon de l'argent, le sterling anglais. Les peines encourues pour une tromperie sur l'or était la prison, le pilori, amende, le retrait du poinçon, pour les époques ultérieures, l'ouvrage était obligatoirement détruit.

 

Les orfèvres gravaient également sur des pierres fines, dont la technique est connue grâce à Théophile [2]. Il s'agissait de réduire en poudre le cristal puis de le tremper dans du sang de bouc encore chaud, ce qui a pour propriété le fait de le rendre souple et aussi de le rendre éclatant. Au XIIème siècle, les ateliers étaient dans les couvents et les orfèvres des moines. Durant cette période, les membres du clergé rivalisèrent afin d’embellir leur églises, ainsi, les églises se parent d’or. Maurice de Sully fit don à son église d’un calice en or ainsi que deux cent marcs d’or dans le cadre d’une réalisation un bas-relief destiné au maître-autel.

 

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[1]« Nus orfevre ne puet ouvrer d'or à Paris qu'il ne soit à la touche de Paris ou mieudres, laquele touche passe touz les ors de quoi en oevre en nule terre. Nus orfevres ne puet ouvrer à Paris d'argent qu'il ne soit aussi bons come estelins ou mieudres ». Boileau Etienne, Le livre des Métiers, p. 38.
[2]Ce procédé fut déjà décrit auparavant par Pline.

 

Cécile Dufour, le 3 octobre 2012

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Cécile Dufour

Docteur en Histoire de l’art médiéval, ses travaux de recherche concernent l’orfèvrerie au service du culte et essentiellement les productions parisiennes de la fin du XIIème et du XIIIème siècle.

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