Pourquoi construire un orgue neuf à Saint-Louis de Vincennes ?

Dans les 30 années qui suivirent son inauguration, l'église Saint-Louis ne posséda que des orgues loués ou achetés d'occasion.

L'instrument actuel fut installé en 1954 par le facteur Gonzalez. Prévu initialement avec 18 jeux, cet orgue n'en comporta jamais que 9, ce depuis l'origine. Les matériaux utilisés, tant pour le buffet que pour la tuyauterie, ne font pas de cet orgue un instrument d’une grande valeur, malgré la qualité de l'harmonisation, servie par une acoustique exceptionnelle.

Vue de l'église Saint-Louis de Vincennes et de l'orgue (c) Association pour la mise en valeur de l'église Saint-Louis de Vincennes et Saint-Mandé

Dès le début des années 2000, les défauts de fiabilité de l'instrument actuel amènent à se poser la question de l'avenir de cet instrument. En effet, l'orgue a toujours eu sa place dans la liturgie, place reconnue par la communauté paroissiale.

Vue de l'église Saint-Louis de Vincennes et de l'orgue (c) Association pour la mise en valeur de l'église Saint-Louis de Vincennes et Saint-Mandé

En février 2002, la paroisse Saint-Louis de Vincennes confie à Christian Lutz, technicien-conseil agréé par l’État, la réalisation d'une étude préliminaire (bilan sanitaire et technique de l'instrument actuel).

Les conclusions de cette étude, en faveur de la construction d'un nouvel instrument en remplacement de l'instrument actuel, sont présentées aux représentants de la paroisse, aux élus municipaux et en présence de P.Dumoulin (ARIAM Ile-de-France) le 17 juin 2003, date effective de lancement du projet.

Orgue actuel (c) Association pour la mise en valeur de l'église
Saint-Louis de Vincennes et Saint-Mandé

Le choix musical pour l’orgue de Saint-Louis de Vincennes – Saint-Mandé : l’esthétique néo-classique

"L’église Saint-Louis de Vincennes a une personnalité tellement marquée que n’importe quel orgue ne pourra y prendre place. Il est indispensable que le nouvel orgue soit pensé en harmonie avec le lieu : si l’on optait pour un orgue classique français ou un orgue germanique, les sonorités seraient perçues en opposition avec l’esthétique visuelle de l’édifice. En revanche, un orgue français des années 1930, doux et coloré, serait pleinement en symbiose avec le décor. A la grande peinture murale de Maurice Denis située dans le chœur devrait faire face un instrument aux timbres en harmonie avec cette esthétique visuelle. Rappelons que Maurice Denis était très lié à la famille Alain et qu’il admirait les recherches musicales d’Albert Alain. Comment ne pas souhaiter avec les mots de Jehan Alain trouver à St-Louis de Vincennes “ces sonorités fines qu’on peut entrecroiser dans la douceur et qui donnent un tissu sonore transparent et fluide dans les doigts, comme un voile de soie”.

Orgue actuel (c) Association pour la mise en valeur de l'église
Saint-Louis de Vincennes et Saint-Mandé

Les années 1930 furent pour l’orgue français une période paradoxale : rarement il y eut en France une telle floraison de compositeurs inspirés (Messiaen, Tournemire, Alain, Duruflé, Langlais, Litaize, etc.), et rarement la qualité intrinsèque des instruments fut aussi médiocre. Ce n’est évidemment pas une coïncidence si la décadence de la facture d’orgues française est survenue à partir de 1905, au moment même où la séparation de l’Église et de l’État provoqua un effondrement du marché de la construction d’orgues. A partir de 1920, la commande de nouveaux instruments au titre des Dommages de guerre relança certes la profession, mais les mauvaises habitudes étaient prises, avec le recours systématique à des matériaux peu onéreux (zinc, contreplaqué, etc.), et il fallut près de quatre-vingts ans pour retrouver une facture d’orgues soucieuse de la qualité des matériaux utilisés. A juste titre, l’orgue néo-classique fit l’objet de critiques virulentes, qui visaient moins la prétention à jouer tout le répertoire existant avec le même instrument que la mauvaise qualité des réalisations, qui ne supportaient que très difficilement la comparaison avec les chefs-d’œuvre de Clicquot ou de Cavaillé-Coll.

Orgue actuel (c) Association pour la mise en valeur de l'église
Saint-Louis de Vincennes et Saint-Mandé

Aujourd’hui, plus personne n’ose demander la construction d’un orgue néo-classique. Mais pourquoi ne pas envisager la construction d’un orgue destiné à servir en priorité la musique française du XXe siècle, et qui aurait les qualités mécaniques et la fiabilité d’un orgue plus ancien ? La notion d’un “orgue néo-classique de qualité” paraît aujourd’hui contradictoire, mais c’est peut-être là le défi que l’on pourrait tenter de relever à l’église Saint-Louis de Vincennes.

Orgue actuel (c) Association pour la mise en valeur de l'église
Saint-Louis de Vincennes et Saint-Mandé

Un tel parti esthétique permettrait aussi au nouvel orgue de s’inscrire en complémentarité dans le paysage organistique du département du Val-de-Marne, notamment par rapport aux orgues romantiques ou symphoniques de Notre-Dame de Vincennes (Stoltz), de Saint-Pierre de Charenton (Cavaillé-Coll) et de Saint-Pierre de Montreuil (Merklin), mais aussi par rapport au nouvel orgue baroque de Notre-Dame de Saint-Mandé."

(Extraits du cahier des clauses techniques pour l’appel d’offres)

La construction d'un nouvel orgue contribuera au rayonnement de cet élément fort du patrimoine historique, artistique et religieux de l'Est parisien que constitue l'église Saint-Louis.

François Mazouër, le 16 octobre 2012

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