Aller au contenu. | Aller à la navigation

Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

Bonjour, notre site va bénéficier d’une refonte dans les prochains mois. L’activité de Narthex est actuellement réduite. Nous vous remercions de votre compréhension.

L'église Saint-Louis de Vincennes : Une église de proximité

Publié le : 29 Juin 2012
Rendant compte de la cérémonie de bénédiction, le 9 novembre 1924, la Semaine religieuse de Paris décrivait ainsi la nouvelle église Saint-Louis de Vincennes : elle « fait sa prédication muette sur la voie publique, comme le ‘Poverello', dans la robe brune de sa meulière ». La simplicité franciscaine convient bien pour décrire les circonstances de la création de notre église. Elle n'a pas été conçue pour impressionner !

D’abord, le lieu où elle se trouve, ne doit pas faire illusion. Il est situé à peu près à mi-chemin entre le château de Vincennes (à 1,5 km à l’Est) et la place de la Nation à Paris, qui s’appelait place du Trône avant la Révolution de 1789 (à 2 kms à l’Ouest). Mais, à l’époque de sa construction, l’église se trouvait dans un voisinage beaucoup moins prestigieux : celui de l’enceinte dite « de Thiers », construite en 1840-1844, qui coupait Paris de la banlieue.

 

Cet ouvrage militaire aussi imposant qu’anachronique était prolongé, du côté de la banlieue, par une zone non aedificandi, la fameuse « zone » qui a nourri, parmi les parisiens, l’image d’un monde étranger commençant à leurs portes. C’est ainsi qu’un évêque écrivait en 1905 : « Autour de Paris s’étend une Chine immense … où grandit littéralement un peuple païen, sauvage, parce qu’il n’a presque plus la possibilité de nourrir sa religion au contact avec le curé et l’Église ».

 

On le sait, le boulevard périphérique a pris la place de la « zone ». L’église Saint-Louis est à 300 mètres !

 

Photo du clocher au-delà du boulevard périphérique de Paris,
vu de la porte de Montreuil (c)CDM

 

L’enceinte fortifiée, les « fortifs », a contrarié le développement naturel de Paris. C’est ainsi que le terrain choisi fin 1911 pour implanter l’église, pourtant proche de Paris, faisait partie d’une zone restée agricole jusque vers le milieu du XIXème siècle, mais ensuite subitement lotie d’immeubles et de locaux artisanaux ou industriels. De ce point de vue, Saint-Louis de Vincennes annonce les églises des banlieues ou des cités nouvelles construites tout au long du XXème siècle.

 

La raison de leur édification est rigoureusement la même : offrir aux nouveaux habitants un lieu de culte proche de leur domicile. De fait, les Archives historiques de l’archevêché de Paris (dont dépendaient alors les deux paroisses de Vincennes et Saint-Mandé) contiennent de nombreuses lettres du clergé pour appeler l’attention sur l’éloignement des habitants du nouveau quartier de la Prévoyance par rapport aux églises déjà existantes dans les centres-villes (Vincennes à 1,6 km et Saint-Mandé à 1,1 km).

 

Plan pour situer Saint-Louis de Vincennes et les deux autres églises de Vincennes
et Saint-Mandé


Qui étaient ces nouveaux habitants ? En l’absence d’une étude qu’il faudra faire, on peut penser qu’ils se caractérisaient par une certaine mixité sociale : ouvriers, petits bourgeois et quelques riches propriétaires attirés par la proximité du bois de Vincennes.

 

Nous ne savons pas bien comment ils ont été accueillis par les paroissiens des deux centres-villes, les archives paroissiales de Vincennes et Saint-Mandé pour cette période ayant disparu.

 

Tout au plus sait-on que l’abbé Charles Lerebourg, curé de Vincennes, fut un peu déçu par les résultats de la collecte qu’il avait lancée en 1907 (« je dois l’avouer, ceux qui répondirent furent peu nombreux, 497 seulement »), et qu’il renouvela en 1908 en faisant un appel tout particulier aux catholiques du quartier de la Prévoyance. Il faut dire que, dix ans auparavant, déjà pour répondre à l’augmentation de la population paroissiale, son prédécesseur, l’abbé Louis Duhamel, avait fait agrandir l’église paroissiale ; une chapelle de 100 m² avait été construite, déjà sous le patronage de Saint-Louis !

 

Mais après juin 1911, le projet d’acquisition du terrain ayant avancé, « chaque mercredi, à la messe de 8 heures, on a recommandé aux prières des fidèles l’érection de la nouvelle paroisse ».

 

Ces progrès étaient dus à la Foi missionnaire d’un certain nombre de généreux donateurs, de Vincennes, Saint-Mandé, Paris ou ailleurs.

 

De ce point de vue, l’éclosion du projet de l’église Saint-Louis de Vincennes est un exemple, parmi beaucoup d’autres, de l’ingéniosité des circuits financiers utilisant les mécanismes du capitalisme et ceux du syndicalisme que l’Église du XIXème siècle avait développés pour récolter et valoriser les fruits de la générosité privée. Leur étude reste à entreprendre, elle serait passionnante.

 

Ne serait-ce qu’à Vincennes, il existait, au début du XXème siècle, deux sociétés anonymes, la S.A La Protection et la S.A des Écoles Libres qui possédaient les immeubles de plusieurs établissements d’enseignement catholique et les louaient … au curé ou à un vicaire, comme s’il s’agissait de simples logements. Ces locataires, malgré tout un peu particuliers, réglaient les loyers avec les contributions des parents et les produits de quêtes faites à domicile. Ce dispositif permettait en principe aux actionnaires de percevoir des dividendes ! Jusqu’à la loi de Séparation des Églises et de l’État du 9 décembre 1905, l’Église catholique avait ainsi édifié de multiples centres d’activités paroissiales ou d’enseignement, en dehors du contrôle de l’État sur le budget des fabriques.

 

En 1901, dans le contexte des relations de plus en plus tendues entre l’Église et l’État, Mgr Fages avait créé, en accord avec le cardinal Richard, archevêque de Paris, l’Œuvre des Chapelles de Secours. Il s’agissait, cette fois, d’une sorte de « caisse de secours » directement gérée par l’archevêché, et qui collectait des fonds auprès de Dames Patronnesses fortunées, afin de prendre le relais du budget public des cultes pour la construction des églises – un type d’opérations beaucoup plus lourdes que celles réalisées par les sociétés anonymes.

 

Le vote de la loi de 1905 avait confirmé le bien-fondé de cette intuition. Mais le refus par le pape Pie X de la formule des associations cultuelles prescrites par la loi pour tout organisme ayant pour objet l’exercice d’un culte, dissuada l’archevêché de transformer en association l’Œuvre de Mgr Fages. Celle-ci ne put donc devenir la propriétaire légale des édifices à construire.

 

En 1907, puis en 1910, furent alors créées deux sociétés anonymes immobilières, la Société Immobilière de la Région Parisienne et la société La Française, dont le rôle était d’acheter les terrains et de construire les églises, puis de les louer à des membres du clergé qui acquittaient les loyers avec les fonds reçus de … l’Œuvre des Chapelles de Secours !

 

L’archevêché de Paris était au centre de ce dispositif complexe, mais remarquablement efficace. A l’époque du projet de Saint-Louis de Vincennes, le chef d’orchestre de la politique de construction de nouvelles églises était le chanoine Jules Lapalme, vicaire général, directeur de l’administration temporelle du culte et, en même temps, directeur de l’Œuvre des Chapelles de Secours. Grâce à cette grande figure encore méconnue de l’Église parisienne, on voyait sortir de terre, en 1912, 10 nouvelles chapelles ou églises dans Paris et 15 en banlieue.

 

1914 aurait vu jaillir aussi Saint-Louis de Vincennes, si la Grande Guerre n’avait pas tout bouleversé, à Vincennes et Saint-Mandé comme ailleurs !

 

Photo du caveau où repose Jules Lapalme, au cimetière de Montrouge, lui aussi en bordure du boulevard périphérique (entre les portes de Chatillon et de Montrouge) (c)CDM

 

Claude de Martel,

Le 29 juin 2012

Ajouter un commentaire

Vous pouvez ajouter un commentaire en complétant le formulaire ci-dessous. Le format doit être plain text. Les commentaires sont modérés.

Question: 10 + 4 ?
Your answer:
AMIVALE

« L’Association pour la mise en valeur de l'église Saint-Louis de Vincennes et Saint-Mandé » porte conjointement le projet de restauration de l'église Saint-Louis et le projet de construction de l'orgue en liaison avec la paroisse et le Diocèse de Créteil, propriétaire de l'édifice. A cet égard, une équipe de trois personnes formera le noyau des contributeurs au blog : Paul Guillaumat pour ce qui concerne l'église, son histoire et sa restauration ; Claude de Martel, Président de l'Association, pour ce qui concerne l'ingénierie des projets et leur portage associatif et François Mazouër pour le projet d'orgue et la vie culturelle associée.

Recherchez sur le site
Inscrivez-vous à la newsletter