Histoire de la construction de Saint-Louis de Vincennes II : La décoration de l'église
Publié le : 26 Septembre 2012Droz et Marrast font appel en 1921 à deux peintres, Maurice Denis et Henri Marret.
Maurice Denis, alors âgé de 50 ans, est un peintre connu, qui a fondé trente ans auparavant le groupe des Nabis, en réaction contre l’académisme de la peinture ; devenu le chantre du symbolisme, Denis a effectué au tournant du siècle un retour au classicisme et s’est découvert un réel talent de décorateur ; c’est aussi un homme de foi, l’un des chefs de file du renouveau de l’art chrétien, un théoricien fécond et un critique d’art au regard inspiré ; c’est enfin un homme que la vie n’a pas épargné depuis quelques années : son épouse est décédée en 1919, il souffre depuis quelques années de problèmes oculaires qui lui font craindre la cécité, et en dépit de son engagement pour l’art sacré et de sa foi profonde, l’église de France ne lui passe guère de commandes. Pour Droz et Marrast, la coopération avec un tel artiste est à la fois une chance et une consécration, même si cette collaboration ne sera pas toujours sans difficultés.
Henri Marret, moins connu que Denis, mais aussi engagé que lui au service de la foi catholique, est l’un des rénovateurs de l’art de la fresque en France. C’est un homme beaucoup plus réservé, qui apporte sa pleine coopération aux architectes de Saint-Louis.
Ceux-ci définissent avec les deux peintres leurs projets et l’emplacement qui leur sera attribué. Un accord est trouvé dès la fin mars, et Marret se met aussitôt à l’œuvre : il réalise ainsi les Evangélistes qui décorent le tambour de la lanterne, le Christ pantocrator, et son œuvre majeure qu’est le Chemin de Croix ; il y ajoutera ensuite les fresques du portail et de l’auvent, et celle du baptistère.
Avec Maurice Denis, il faudra attendre 1923, pour qu’il entreprenne les fresques des Béatitudes aux écoinçons des grands arcs ; et 1927 pour la Glorification de saint Louis, qui orne le fond de l’abside. Œuvre majeure et qui rend un hommage vibrant au saint roi et à son époque.
Le travail effectué par Denis sera entièrement financé grâce à un legs de l’abbé Marraud. Ce dernier, ami de Maurice Denis, et promoteur actif du rôle que peut jouer l’art sacré dans l’évangélisation du peuple chrétien, est mort en 1914 dans les tranchées de l’Argonne. Il avait au préalable prévu de laisser une somme d’argent pour la décoration d’une église des quartiers pauvres.
De leur côté, les architectes eux-mêmes conçoivent les crépis et les décors (frises, fonds des chapelles latérales) de la nef.
Les céramiques qui ornent le chœur et la chaire à prêcher sont confiées à Maurice Dhomme, potier devenu céramiste après sa découverte de la Toscane et de Ravenne, et qui trouve à Saint-Louis sa première occasion de faire revivre l’art des Della Robbia.
Abat-voix de la chaire, choeur de Saint-Louis de Vincennes
Décors du choeur de Saint-Louis de Vincennes
Droz et Marrast affirment leur primauté durant toute la décoration de l’église : ils refusent ainsi un projet de Maurice Denis, qui voulait coiffer le maître-autel d’un ciborium ; de même, ils refusent tout apport extérieur qui nuirait à l’unité de leur œuvre, établissent les nuances des teintes pour les décors, et dessinent dans le détail la totalité du mobilier (dallage, bancs et confessionnaux, candélabres et croix d’autel, lustres...)
Tableau représentant le projet de Ciborium
Cependant les financements se tarissent tandis que les coûts dépassent les premières estimations. Aussi l’archevêché demande-t-il à nouveau aux architectes en décembre 1922 d’effectuer encore des arbitrages, et de ne commander de nouveaux décors qu’au fur et à mesure des rentrées d’argent frais.
Quant l’église est consacrée le 9 novembre 1924, son clocher n’est qu’ébauché, aucune des statues (le Saint Louis de Sarrabezolles au porche, les deux statues de Boutrolle sur les autels latéraux, les statues de Dhomme dans la nef) n’est encore en place, pas plus que les ferronneries – confiées à Raymond Subes, magistral rénovateur de cet art tombé en déshérence -, la chaire n’a pas encore son abat-voix, et Maurice Denis n’a pas encore peint sa Glorification de saint Louis.
Peu à peu, quand arrivent des dons ou des legs, ces nouveaux décors vont être mis en œuvre, toujours sous la surveillance des architectes, et avec la collaboration, ou mieux la complicité, des deux premiers curés de la paroisse, les pères Van Acken et Filleux.
Avec l’achèvement du clocher en 1934, l’église Saint-Louis trouve enfin la silhouette définitive que le visiteur découvre aujourd’hui.
Paul Guillaumat, 26 septembre 2012
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