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"Signes" de M. Night Shyamalan (2001), quand la science-fiction côtoie la spiritualité

Publié le : 21 Mars 2017
A l'occasion de la sortie en salles de Split, le nouveau film du réalisateur M. Night Shyamalan, découvrez ou redécouvrez "Signes", un classique du même réalisateur, sorti en 2001. Un film de science-fiction très maîtrisé visuellement et un personnage en proie à une angoisse existentielle.

Affiche du film Signes de M. Night Shyamalan © TOUCHSTONE PICTURES, BLINDING EDGE PICTURES, THE KENNEDY/MARSHALL COMPANY

La bande annonce, comme c’est souvent le cas, ne reflète pas l’intelligence et la force visuelle du film de N. Shyamalan. Un film à explorer dans le détail de toute sa richesse. Rappelons qu'il est le réalisateur de Split, à voir en ce moment en salles. Sa nationalité indienne et son indépendance par rapport aux studios américains (il a écrit, réalisé et produit lui-même le film) lui permettent de bâtir un film très personnel et imprégné de spiritualité.

Mel Gibson et Rory Culkin © Touchstone Pictures, Blinding Edge Pictures, The Kennedy/Marshall Company

Ce qui frappe d’abord dans Signes : la puissance visuelle que dégage ce film qui rappelle celle des films de S. Kubrick. Faisant appel à nos sentiments les plus profonds (la peur, le rire, le rêve), il atteint un degré d’émotion que l’on voit rarement au cinéma. Chaque plan minutieusement travaillé (cf. Hitchcock) guide l’œil du spectateur et le porte à voir juste ce qu’il faut, sans jouer sur le spectaculaire. Les scènes sont très souvent filmées à hauteur des sujets, nous partageons la vision des personnages eux-mêmes. Au travers de l’usage particulièrement fin du son et de la musique - la bande sonore expérimentale du film souligne l’émotion juste quand et comme il faut, en jouant sur les contrastes d’intensité - Signes est un film « à la force silencieuse », parfois terriblement angoissant si on se laisse prendre dans les filets de cette histoire d’invasion extraterrestre. Qu’on se rassure ! Il est bien question de cinéma. On est ici plus proche de Alien de Ridley Scott que de Independance Day d’Emmerich !

MEL GIBSON ET Joaquin Phoenix © TOUCHSTONE PICTURES, BLINDING EDGE PICTURES, THE KENNEDY/MARSHALL COMPANY

Shyamalan ne fait pas de cette force visuelle et de son réel talent de mise en scène un prétexte purement fictionnel et commercial pour se situer dans la lignée des productions américaines à grand spectacle. Son art est totalement au service du fond de son propos : l’altérité de l’image et du mal, extérieurs à l’homme. L’image « altère » l’homme, elle s’impose à lui du dehors, venant perturber son équilibre ; elle sème en lui la division. C’est de cette division à l’intérieur de l’homme entre le monde de l’image et le monde réel que parle le film et de la lutte qu’elle provoque en l’être humain pour rechercher le vrai, le bon.

Le personnage principal du film est un pasteur joué par Mel Gibson qui a perdu la foi suite au décès de sa femme : c’est à ce moment que l’étrange voire l’ « Etranger » s’immiscent dans sa vie et celle de son entourage, ses deux enfants et son frère cadet. Des signes surnaturels annoncent l’arrivée d’extraterrestres pas du tout gentils. Mais, en fait, le vrai personnage de ce film est « l’image » et plus précisément la télévision, constamment présente tout au long du film. Elle diffuse les mêmes images sur toutes les chaînes (comme pour le 11 septembre) et impose à la famille une vision unique des événements. A cette diffusion uniformisée des images d’envahisseurs, s’oppose les images personnelles du pasteur qui constate et vérifie par lui-même la réalité de ce qui se passe (les découvertes et la rencontre qu’il fait dans le champ de maïs, la rencontre de celui qui a provoqué la mort de sa femme dans un accident de voiture). Il essaie donc de faire face à la réalité des événements, ce qui existe devant lui, ni plus ni moins, comme St Thomas devant le Christ.

Ce face à face avec le réel (symbolique du combat spirituel intérieur) atteint son point culminant à la fin du film dans l’enfermement de la cave puis dans le face à face avec l’extraterrestre qui apparaît, bien réel, dans le reflet de la télévision cette fois éteinte. Ce combat spirituel évoque l’affrontement de l’homme avec le mal qui est en-dehors lui, avec le réel de son existence. Plusieurs points le soulignent : d’abord, le monde des enfants opposé à celui des adultes ; ce sont eux, les enfants, qui comprennent dès le départ la gravité de ce qui se passe dans l’intimité du huis clos familial et leur père doit affronter leur réaction, il doit rester père même s’il ne veut plus être « Père ». Le pasteur doit affronter aussi la mort de sa femme, la figure de l’épouse et de la mère étant absente du film. Il affronte également la maladie de son petit garçon ; lors d’une scène très forte, le père « accouche » son fils asthmatique et lui redonne la vie en lui faisant faire des exercices de respiration. Le tout de ce combat étant vécu dans l’enfermement de la famille signifié par le barricadement dans la cave pour se protéger de l’agression étrangère.

MEL GIBSON, RORY CULKIN et Joaquin Phoenix © TOUCHSTONE PICTURES, BLINDING EDGE PICTURES, THE KENNEDY/MARSHALL COMPANY

Le pasteur sort victorieux de ce combat. Il est sauvé par le faire mémoire de son existence, en rappelant à ses enfants le jour de leur naissance, en se remémorant les paroles de sa femme sur le point de mourir, les événements et les rencontres vécus depuis (cf. très beau flash-back de la fin). C’est donc sa capacité à faire du sens, à relier les moments de son histoire qui vont lui permettre de sauver son fils et de retrouver la foi et l’espérance. Il n’appartient plus à un monde totalement livré au hasard. Cet instant spirituel de basculement où sa vie change, où il relit le passé et où il peut alors réenvisager l’avenir lui est donné : le don de la grâce de Dieu dirait-on sûrement en spectateur chrétien.

Ce qui sauve l’enfant du poison que veut lui insuffler l’extraterrestre, figure du démon, c’est la fragilité de ses poumons qui se sont fermés à cause de la crise d’asthme, empêchant ainsi « le mal » d’entrer. C’est donc sa condition de créé (exprimé à travers l’asthme), c’est-à-dire sa fragilité physique naturelle et donc symboliquement humaine, qui le sauve indirectement. Voilà pourquoi le père peut, en pensant à sa femme qui a été la mère de son petit garçon, répondre à son fils dans une grande paix: «Oui quelqu’un t’a sauvé ».

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Pierre Vaccaro

Titulaire d’une maîtrise d’Histoire du cinéma à l’Université de Tours et d’un master en Communication au Celsa, Pierre Vaccaro a aussi étudié la théologie à l’Institut Catholique de Paris. Le cinéma représente pour lui une passion depuis de nombreuses années. Plusieurs travaux de recherches et de rédactions, notamment pour la revue 1895 de l’Association Française de Recherche sur l’Histoire du Cinéma, pour des sites de cinéma, ou encore pour Le Courrier Français via le groupe Bayard lui ont valu de collaborer pendant quelques années au Jury œcuménique au Festival de Cannes.

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