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Les génériques de film, un genre à part ?

Publié le : 30 Décembre 2015
Bientôt la salle va se rallumer. Certains préparent bruyamment leurs affaires, d’autres, une fois disparue la dernière image de l’écran se lèvent brusquement en vous cachant la vue. Et puis il y a ceux qui goûtent le générique, bien calés au fond de leur siège, émus, pleins de rêve dans les yeux, tachant de saisir au passage des noms, des références, des lieux, des titres de chansons…

Ceux pour qui le cinéma c’est des gens derrière la toile. Générique de fin qui tout en douceur sépare des images et fait transiter vers la réalité de notre vie au-delà de l’écran. Générique de début que l’on savoure comme des préliminaires en amour, instant qui nous plonge dans la rencontre intime avec le film, un papier cadeau que l’on ouvre. Notre rapport au générique porte la marque ou non de notre cinéphilie.

Saul Bass © D.R.

Générique qui ramène à l’origine, à la première étape de création. D’où viennent les images ? Le générique c’est comme le troisième élément ! 3ème élément entre l’image et moi-même, l’équipe du film qui est rendue présente. En s’intéressant à la conception d’une oeuvre, le spectateur se veut attentif à la production d’une image, aux éléments indispensables à la compréhension du cinéma comme septième art. L’image n’est pas un produit de consommation immédiate, comme un macdo , elle m’est montrée comme acte de création, comme élément de ré-flexion parce que la perception du réalisateur me renvoie à mon existence, à ma propre pensée. Les plans ont été imaginés, composés; ils viennent de loin, depuis l’esprit du réalisateur jusqu’au montage. Incomparable le plaisir de goûter un film quand on connaît le chemin qu’il a parcouru ou ceux qui ont du le créer ! Le cinéma devient alors une rencontre avec des artistes, une histoire humaine qui laisse deviner le tournage, la réalisation du film, une épopée faite de découragements profonds et de joies intenses.

Image tirée du générique du film Catch me if you can de S.Spielberg, ©Dreamworks, 2002.

Faisons un rapide flash-back : jusque dans les années 50 le générique donne sur quelques cartons les noms principaux au début du film (exemple type La vie est belle de F. Capra). Au terme du film, apparaît le sacro-saint mot FIN ou THE END. Puis le générique évolue, devient plus élaboré, il se met en mouvement. On a tous dans nos souvenirs  ces films qui commencent par un livre qui s’ouvre et on tourne les pages. Walt Disney s’en servait beaucoup dans les premiers longs métrages style Belle au bois dormant.

Petit à petit on voit apparaître un courant qui fait du générique un genre en lui-même, un spectacle à lui tout seul. Sans connaître forcément son nom, on peut citer ici Saul Bass. Issu de l’imagerie publicitaire, cet américain a fait rentrer le dessin animé dans le générique de cinéma.  On lui doit des génériques aussi connus que Vertigo d’A. Hitchcock en 1958 par exemple. Maurice Binder, lui, signa ceux de James Bond ou encore De Pathie et Freleng ceux de La Panthère Rose de B. Edwards en 1964. En France, des comédies comme celles de Molinaro, de Hunebelle ou de Girault avec De Funes usent aussi d’un générique en animation pour augmenter l’effet comique. On pense par exemple au film Jo de Jean Girault.

© D.R.

Autre forme de générique : les images apparaissent d’emblée à l’écran et le générique distille au fur et à mesure les informations techniques et artistiques. Ce fut le cas des super-productions en panavision, des premiers westerns qui s’annonçaient triomphalement à l’écran. Exception notable pour 2001 de Kubrick qui lui démarre dans le noir total avec seulement la musique de Ligeti. L’inconvénient majeur de cette école était la longueur des génériques (très net aussi dans les séries américaines des années 70-80 à la télévision comme Columbo où le générique d’introduction occupe une grande place).

Autre style enfin : l’absence totale de générique de début si ce n’est le titre du film ou l’empreinte du distributeur. Nous sommes directement plongés dans l’action du film. le générique existe seulement à la fin. C’est le cas de Lars Von Trier avec son dogme et de bien des cinéastes dits d’auteurs; récemment on a pu constater par exemple que Gangs of New York de Scorcese n’avait pas de générique de début.

Actuellement ne serions-nous pas en train de constater un retour du genre, une sorte de film dans le film, une présentation originale qui donne au film sa marque de fabrique, son look ? Une modernisation du genre due entre autre à l’utilisation du numérique, à l’exigence nouvelle du public et aux ressorts du marketing. Le générique doit créer le désir. Il permet aussi de mettre en valeur les bandes originales et leurs compositeurs qui représentent un marché porteur. Phénomène à la mode, les block-busters style Matrix insèrent en générique de fin la reprise d’un tube de rock pour attirer le jeune public en vue de la vente du CD. Si le générique vous rend trépignant, vous fait un effet jubilatoire, c’est dans la poche ! Cette modernisation du générique visible dans le cinéma américain s’observe de plus en plus dans le cinéma français. Pour les films américains citons par exemple Spider Man, La Planète des singes ou encore Hulk. Prenons ce dernier film, Hulk réalisé par Ang Lee: le générique donne déjà les ingrédients majeurs du film, la musique de Dany Elfman, la patte du réalisateur, le condensé en vignettes rappelant le comics. En France des films comme Vidock suivent ce courant américain pour le meilleur comme pour le pire. Des génériques parfois très travaillés et bourrés d’images numériques. Spielberg récemment a confié à des français la création de l’excellent générique de Catch me if you can.

Le générique, un genre artistique ? La question reste posée. Symptôme d’un cinéma de la mode, un cinéma de l’effet, de la forme plus que du fond ? Peut être pas tant que ça… Le générique agit comme moteur et laisse pris au piège du grand spectacle fascinant dans sa puissance d’évocation. Les génériques d’ouverture soignés que l’on voit aujourd’hui (Mrs Henderson presents en est un bon exemple) confirment ce retour à l’exercice de style cinématographique, envisageable pour lui-même. Alors pourquoi bouder ce petit plaisir de cinéphile, cette mise en bouche qui conduit au coeur du film ? 

Pierre Vaccaro

Auteur du webzine www.sacrecinema.com

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Pierre Vaccaro

Titulaire d’une maîtrise d’Histoire du cinéma à l’Université de Tours et d’un master en Communication au Celsa, Pierre Vaccaro a aussi étudié la théologie à l’Institut Catholique de Paris. Le cinéma représente pour lui une passion depuis de nombreuses années. Plusieurs travaux de recherches et de rédactions, notamment pour la revue 1895 de l’Association Française de Recherche sur l’Histoire du Cinéma, pour des sites de cinéma, ou encore pour Le Courrier Français via le groupe Bayard lui ont valu de collaborer pendant quelques années au Jury œcuménique au Festival de Cannes.

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