Aller au contenu. | Aller à la navigation

Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

Bonjour, notre site va bénéficier d’une refonte dans les prochains mois. L’activité de Narthex est actuellement réduite. Nous vous remercions de votre compréhension.

Lieux et racines du sacré dans l'oeuvre de Charles Chaynes

Publié le : 1er Février 2010
Charles Chaynes, né en 1925, est d'abord connu en tant que chef du Service de la Création Musicale à Radio-France (de 1975 à 1990), et a contribué au renouvellement de la musique française par une attitude ouverte et un discernement chaleureux, contribuant à révéler et à faire connaître les jeunes compositeurs.

Attiré par le domaine lyrique, auteur de quatre opéras, il a néanmoins rencontré la question du sacré à un détour de sa vie, en 1983, problématique qu’il pose dans sa suite pour orgue A la recherche du sacré. Le titre de cette œuvre m’ a interpellée car j’ai pressenti qu’elle pouvait constituer un bon point de départ pour ma réflexion : l’idée de sacré serait seulement perdue et n’aurait pas totalement disparu de l’horizon métaphysique de l’homme occidental contemporain.

 

Dans cet article, je voudrais présenter la relation que Charles Chaynes entretient avec le sacré, à travers ses souvenirs, sa vie et ses œuvres. Dans un premier temps, je verrai comment certains lieux et certaines rencontres nourrissent la dimension spirituelle de sa musique, puis dans un deuxième temps, j’évoquerai les quatre œuvres de l’abondant catalogue de Chaynes suscitées par un ou plusieurs aspects du sacré : le Concerto pour orgue (1966), les Séquences pour l’Apocalypse (1971), la suite pour orgue A la recherche du sacré (1983), enfin les Chants de l’âme (1999) : j’analyserai en détail ces deux œuvres dans un prochain article du blog.

 

I. L'homme et le sacré

A. Les racines sacrées de l'enfance


Charles Chaynes, compositeur natif de Toulouse, jeune septuagénaire, avoue d'emblée son désir de « renouer avec les racines de (s)on enfance méridionale et (de) rendre hommage à un lieu de grande spiritualité » à travers la suite pour orgue A la recherche du sacré, « au titre qui peut sembler audacieux »1 . D'emblée l'objectif est clairement avoué : l'évocation d'un lieu privilégié est pour Chaynes l'occasion de faire revivre son enfance à jamais révolue...
La jeunesse du musicien est éclairante sur sa relation avec le sacré : son parcours musical et son cheminement spirituel semblent ne faire qu'un, à partir d'une enfance qui fut le réceptacle précieux d'impressions, de sensations et d'émotions tant spirituelles qu'esthétiques. Devenu musicien « par osmose », il fut « plongé dans l'enfance dans un bain de musique »2 , grâce à un père violoniste, et à une mère pianiste et organiste, tous deux professeurs au conservatoire de Toulouse : l'enfant apprit très tôt ces deux instruments, et interprétait à l'âge de quinze ans les grandes sonates françaises pour piano et violon (Franck, Lekeu, Debussy, Ravel...), avec sa mère pour partenaire. Il allait également à l'opéra, car son père était premier violon de l'orchestre du Théâtre de Toulouse, et l'on sait quelle influence eut sur sa musique la découverte du répertoire lyrique, dans des opéras célèbres comme Erszebet (1983), Noces de sang (1986), Jocaste (1993).

 

Un autre aspect de son enfance fut également fondateur dans sa relation à un « ailleurs » : l’amour de la nature, à travers le jardin de sa maison natale où l’enfant se sentait en osmose, où il aimait venir rêver, lire, se ressourcer. Il s’était construit une cabane qui était son « domaine réservé »3, son jardin secret où il se retrouvait dans une solitude bienfaisante, régénératrice. Dans ses souvenirs, il conserve précieusement cette cabane, comme un espace propice à la dimension sacrée de son être et de son inspiration.
De plus, aussi loin qu'il remonte dans sa mémoire, il reconnaît la présence inconsciente et privilégiée d’un aspect du sacré, lorsqu'il affirme :
 


« (...) mon premier souvenir est lié à l'orgue, qui m'inspirait beaucoup d'admiration, mais aussi pas mal de terreur par ses sonorités immenses, pleines, écrasantes... »4

 

Ses premières impressions musicales sont liées à l'orgue et à l'église, lieu d'une primordiale expérience du sacré : « admiration » et « terreur » envahissent le jeune auditeur, fasciné par « les sonorités fracassantes » de l'orgue maternel. On peut reconnaître dans ces sentiments d'admiration et de crainte des états affectifs conduisant au sentiment du sacré : ce sont les deux pôles opposés et complémentaires du numineux analysé par Rudolf Otto5 , d'une part le mysterium tremendum, sentiment de crainte et de terreur devant une puissance surhumaine ; d'autre part, le mysterium fascinans, qui est la fascination devant le sublime, le grandiose. Loin de se réduire à une idée abstraite ou à une notion rationnelle, Dieu est une puissance terrible, qui se manifeste dans la colère. Rudolf Otto en analyse le côté irrationnel dans l'expérience religieuse de l'homme, qui découvre le sentiment d'effroi devant le sacré, devant le mysterium tremendum dont la supériorité est écrasante : c'est la face externe, apparente du phénomène divin et de l'expérience religieuse.
 

Le mysterium fascinans, au contraire, en est la face interne, il est la crainte respectueuse de Dieu, en laquelle l'être déploie l'épanouissement de sa plénitude dans la rencontre avec son Dieu. Ces deux pôles de l'expérience du sacré constituent le numineux, du latin numen, « dieu », car elles révèlent une partie de la puissance divine. Le numineux est le ganz andere, c'est-à-dire le « tout-autre », qui diffère totalement de l'humain et du cosmique et vis-à-vis duquel l'homme ne se sent que « cendre et poussière », comme le disait Abraham6. Le sacré, ou le numineux analysé par Otto, recouvre une réalité radicalement distincte des réalités humaines, naturelles. Dans sa radicale altérité, il est inexprimable par le langage, les arts, la musique : seule une représentation partielle et symbolique de son essence est possible7.

 

Cette digression nous permet de mesurer l'impact de la découverte du sacré chez Chaynes. Nul doute que chez l'enfant qu'était le jeune Charles, cette première expérience ait été durablement marquante, au point de lui révéler toutes les capacités de suggestion affective et spirituelle de l'orgue, dont la suite symphonique A la recherche du sacré offre un bel exemple.
Dans sa conception de la musique, Chaynes révèle également ses convictions intimes quant à la place « à part » que cet art occupe : à propos des rencontres exceptionnelles de son père, qui a eu des contacts épistolaires avec Debussy, Ravel, Saint-Saëns, il écrit :

 

« J'étais ébloui par cette correspondance qui montrait que mon père avait été proche de ces hommes que j'admirais. Non pas tant ces musiciens-là particulièrement (...), mais parce que j'avais une telle vénération pour l'art musical, qu'un homme écrivant de la musique me semblait par nature au-delà de l'humanité. Je ressentais une grande exaltation, mêlée de fierté, à ce que mon père ait approché de tels êtres. »8

 

Sa « vénération pour l'art musical », qui assigne une place surhumaine aux compositeurs, relève bien de la fascination qu'éprouve l'homme devant la condition extraordinaire de la divinité. Le musicien, par l'exercice d'un art exceptionnel, et par la création d'une œuvre immortelle, se situe « au-delà de l'humanité ». L'accent est mis sur l'aspect créateur du sacré, à travers un chef-d'œuvre esthétique qui est l'image de la Création divine. Le musicien revit les émotions du premier Créateur, de même que le poète ou le peintre, et recrée sous forme de sons, de rythmes, de timbres, ce qu'il ressent.



 

Charles Chaynes à sa table de travail, Saint-Mandé, 2004 (c) D.R

Ainsi, la relation de Charles Chaynes et du sacré prend-elle sa source au creuset de la plus tendre enfance, par l'intermédiaire d'un lieu, l'église, et d'un instrument, l'orgue. Sa foi religieuse est donc naturellement ancrée en lui-même, par son environnement familial, et se trouve enrichie par ses pérégrinations en France ou à l'étranger, qui servent de supports à ses œuvres.


B. Voyages à la source du sacré


Trois œuvres de l'abondant catalogue de Chaynes ont une source explicitement sacrée, même si de nombreuses autres pièces évoquent la lumière9, l'espérance10, ou encore une certaine mystique de la femme rêvée11.
 

La première d'entre elles est un Concerto pour orgue qui date de 1966, commande d'Erato et de l'O.R.T.F., créée par Marie-Claire Alain à la Maison de la Radio en 1968. A l'origine de cette œuvre, un voyage à Ségovie et un moment de recueillement sur la tombe de saint Jean de la Croix :

« Dans le Musée de Ségovie, se trouvent le manuscrit original du Cantique spirituel et, au-dessus du tombeau de saint Jean de la Croix, le célèbre dessin du Christ, douloureusement tourmenté, dont Salvador Dali s'est inspiré dans son tableau du même nom. »12

 

Un lieu de prédilection suscite une œuvre musicale, ce qui est courant chez Charles Chaynes. Trois poèmes du Cantique spirituel servent de cadre d'inspiration et de structure : le premier mouvement s'appuie sur la strophe initiale de L'âme et son époux divin, le second, sur les quatre derniers vers du Berger délaissé et le troisième, sur la vingt-deuxième strophe de L'âme et son époux divin. Les images hautement expressives et le mysticisme sensuel de saint Jean de la Croix ébranlèrent la sensibilité de Chaynes, qui composa à partir des poèmes la musique, suivant pas à pas les différents moments psychologiques du texte. Alors surgit l'unité de lieu, de temps, d'impressions propre au sacré : cette idée est d'importance pour saisir la démarche de A la recherche du sacré, dont le troisième volet s'appuie lui aussi sur un vers de saint Jean de la Croix.

L’orgue dialogue tour à tour avec les cordes, les percussions ou les timbales, comme un partenaire plutôt que comme un véritable soliste. Le concerto comporte trois mouvements où alternent les tempos lent et rapide, et auxquels des leitmotive servent de points de repère, repris de l’un à l’autre.


La seconde œuvre reliée au sacré est une pièce pour orgue et quintette de cuivres, les Séquences pour l'Apocalypse écrites en 1971 et créées le 2 juin 1972 au Festival de Bordeaux, par Xavier Darasse et le quintette « Ars Nova ». Le dernier livre de la Bible, L'Apocalypse, est une source d'inspiration fréquente dans la musique française, depuis l'oratorio de Jacques de La Presle L'Apocalypse de saint Jean (1922-1925).
 

Charles Chaynes fonde sa musique sur un déroulement réversible, où la fin est l'écho du commencement : c'est le temps sacré de l'éternel retour, comme nous le verrons dans A la recherche du sacré. La phrase prononcée par le Seigneur Dieu : « Je suis l'Alpha et l'Oméga »13 , sert de cadre formel à l'œuvre qui débute et s'achève dans la sérénité. Chacun des sept volets illustre l'ouverture de l'un des sceaux, avec un instrument soliste différent pour tenir le rôle principal. L'Agneau immolé, siégeant à la droite du trône, ouvre tour à tour les sept sceaux du Livre qui recèle le décret d'extermination des persécuteurs et annonce le salut des fidèles, préservés du châtiment suprême.

Là encore, Chaynes crée un espace et un temps sacrés, résumés dans ces deux phrases :
« Il conduira les élus aux sources des eaux vives »14 , crée l'espace de bonheur éternel, à la fin de l'œuvre.
« Je suis Celui qui était, qui est et qui vient » 15, phrase du commencement de la partition, crée le temps sacré, qui embrasse tous les temps, et résume le sens profond de cette pièce.
Ces voyages dans le temps et l'espace révèlent une quête éperdue de l'éternel au-delà des tribulations humaines, et conduisent tout naturellement à une recherche du sacré...

Au cours de l'histoire, l'espace s'est lentement désacralisé, à la faveur de la pensée scientifique et des extraordinaires découvertes de la physique et de la chimie. Asphyxié par les effluves nauséabonds de la société industrielle, l'homme contemporain aspire à retrouver la dimension surnaturelle de l'existence, par la recréation d'un espace et d'un temps « trans-historiques » : c'est le but poursuivi par l'artiste, dont la démarche s'enracine dans le terreau des origines. Evoquons à présent les thèmes qui habitent la pièce centrale de notre étude, A la recherche du sacré, troisième partition de Chaynes liée au sacré.


C. De la colline à l'orgue, témoins du sacré


Lorsque l'on interroge Charles Chaynes sur les motivations et les origines de son œuvre A la recherche du sacré, il vous décrit avec enthousiasme la cité de Saint-Bertrand-de-Comminges, dans la Haute-Garonne, qui recèle des vestiges gallo-romains et une splendide cathédrale de style roman, puis gothique :

 

« Vous connaissez ? C'est superbe... Imaginez une majestueuse basilique romane perchée sur un piton rocheux, dominant le joyau médiéval serti de remparts; telle une colline sacrée, où l'esprit a de tous temps soufflé, le rocher escarpé nourrit ce lieu de souvenirs chargés d'histoire. Les lieux me marquent, car je suis un passionné d'histoire: quand je vois un lieu, je revis l'époque concernée. »16

 

Pour Charles Chaynes, un lieu chargé d'histoire peut se revivre aujourd'hui, grâce à la musique qui nous plonge dans un espace et un temps ressurgis. Comme chez Marcel Proust auquel Chaynes se réfère de manière explicite, le passé trouve sa substance dans la nourriture du présent, dont il constitue la matière première, le noyau, la matrice. Pour construire l'espace sacré, passé et présent s'entremêlent sans heurt et la commande du Festival de Saint-Bertrand se superpose à un souvenir d'enfance, la visite de grottes préhistoriques situées à proximité :

Basilique St-Just de Valcabrère, Saint-Bertrand du Comminges © M. Ruellan

 

« Mon imagination d'enfant a gravé ces images, et j'ai transposé là ce que je savais des cultes qui étaient célébrés en d'autres lieux, comme Lascaux par exemple. »17

 

Les célèbres fresques découvertes dans les profondeurs obscures de la montagne, qui datent d'environ quinze mille ans, révèlent la valeur sacrée donnée à l'art : les peintures de bisons, de mammouths, de rennes permettaient aux chasseurs de faire tomber en leur pouvoir les esprits de ces animaux. La peinture avait une puissance magique, celle d'agir sur les esprits naturels en les assujettissant à l'homme. Les danses et les rites primitifs vont dans le même sens, ils sont des échanges entre les hommes et les esprits qui animent la nature, dans tous les actes de la vie. La naissance, la puberté, l'initiation, le mariage, la mort, grandes étapes de l'existence humaine, mais aussi la tombée de la nuit, les changements de saisons, donnent lieu à des cultes collectifs, qui concernent la tribu entière. J’étudierai dans un prochain article comment la musique de Chaynes évoque ces « premiers rituels », enfouis dans la mémoire de l'humanité ou encore vivaces dans une grande partie de l'Afrique et dans certaines ethnies d'Asie et d'Amérique.

 

Le choc provoqué chez Chaynes par la visite des grottes préhistoriques et par la Basilique de Saint-Bertrand-de-Comminges devient prétexte à une œuvre musicale, laissant son empreinte indélébile dans le climat créé... Le compositeur crée une unité de lieu, par le timbre puissant de l'orgue qui résonne sous les voûtes de la basilique romane ; la recherche de sonorités rares, de combinaisons raffinées, l'expressionnisme coloré de certaines mixtures contrastant avec le feutré mystérieux d'autres passages, illustrent l'amour du timbre et de la couleur chez le musicien, mais aussi la création d'un espace sacré à la structure unifiée et à la vie autonome par rapport au lieu profane.

Avant de conclure, je voudrais dire quelques mots des Chants de l’âme, pièce qui date de 1999. Dédiée à Pierre Lacroix, ce « chant d’amour mystique »18 pour voix de baryton et orgue fut créé le 14 juillet 1999, dans le cadre du Festival de Saint-Bertrand de Comminges. Charles Chaynes l’avait composé un an auparavant, sur quatre poèmes de saint Jean de la Croix : La nuit obscure de l’âme, La vive flamme d’amour, Le berger délaissé. Le dernier est un sonnet anonyme, attribué à Jean de la Croix ou à Thérèse d’Avila, Exil. Le musicien approfondit sa quête spirituelle, restant fidèle au mysticisme de Jean de la Croix, après son Concerto pour orgue et sa suite A la recherche du sacré, qui contenait un extrait du poème Nuit obscure. A propos de ses Chants de l’âme, il écrit :

 

« Le titre général, regroupant ces quatre poèmes de saint Jean de la Croix, me paraît très approprié et traduit le grand élan mystique qui a guidé l’écriture de l’œuvre. (…) La mise en musique a été pour moi une grande période de joie intérieure. Joie au sens de satisfaction profonde puisque se rencontrent ici des sentiments très divers : attente inquiète, angoisse, exaltation, déception ; le tout dominé par une immense confiance et une grande espérance. (…) Dans une de ses maximes saint Jean de la Croix nous dit : « Réjouissez-vous continuellement en Dieu qui est votre salut ». C’est la phrase qu’il convient de mettre en exergue de cette partition ; phrase qui m’a guidé au long de mon travail musical. »19

 

L’intitulé de cette œuvre est le même que celui des Canciones d’Edith Canat de Chizy (1992), dont je vous parlerai aussi ultérieurement. La spiritualité carmélitaine qui nourrit la pièce repose sur la recherche d’une intimité totale entre l’âme et son Dieu, aboutissement de l’oraison, après une succession d’étapes au cours desquelles le cœur apprend à se dépouiller de ses passions et désirs humains. Comme le souligne Charles Chaynes dans l’extrait de son commentaire sur cette pièce, la confiance et l’espérance sont plus fortes que les sentiments d’attente et d’anxiété, abolis et dépassés par la certitude intérieure de rencontrer l’Epoux divin, allégorie de Dieu.

 

L’écriture musicale des Chants de l’âme est « réduite à l’essentiel »20 et vit « avec et pour le texte »21, selon les termes du musicien lui-même. Chaynes tend à une concision et une sobriété du langage, visant à mettre en valeur la quintesssence du texte poétique, sans nuire à la clarté des paroles ni à la profondeur de leur message. Le premier poème, La nuit obscure de l’âme, est traduit par une musique de tempo lent qui jaillit de l’intérieur « comme un chant intime de libération »22 . La nuance globale est piano, avec des élans plus soutenus dans les passages où les sentiments s’intensifient : le sommet du poème correspond au point culminant de la musique, après un crescendo en deux temps, sur les vers « O nuit qui m’as guidée,/ nuit plus aimable encore que la robe blanche du jour, / O nuit qui as uni/l’amante au bien-aimé,/ qui as fondu l’aimé en son amante ! » Le second chant, de tempo « très ardent »23 , est dominé par un langage coloré d’une grande vivacité, à l’unisson des images et des figures du poème. Le troisième épisode est une « sorte de chant contemplatif »24 proche d’une « complainte, parfois monodique, du baryton »25 . La partie centrale est plus animée, pour exprimer la mort du Christ en croix, « dans un ineffable don d’amour »26 . L’ultime chant est habité par l’angoisse et la souffrance mystique. La fin ramène l’espérance et la sérénité, dans la « chaleureuse couleur tonale »27 de Do majeur.

 

En conclusion, nous pouvons remarquer que l’orgue est le dénominateur commun qui suscite le sacré dans l’œuvre musicale chez Charles Chaynes : l’imagination du musicien est alimentée par l’évocation de cet instrument situé dans un lieu privilégié, l’église. Chaynes puise dans cet espace les images, symboles et formes de ses œuvres sacrées. La place du rêve et d’une certaine magie est primordiale dans cette approche de la dimension sacrée de l’inspiration.

 

Références : Voici les références du CD de Charles Chaynes
Séquences pour l’Apocalypse, Chants de l’âme, Vers la lumière
Quintette de cuivres d’Avignon, Jean-Marc Salzmann, baryton, Jean-Pierre Lecaudey, orgue
PAVANE, ADW 7467, 2002

 

Notes :

 

1. CHAYNES Charles, A la recherche du sacré, commentaire dactylographié, s.l.n.d., C.D.M.C., cote 5472 P.
2. ROY, Jean, “Cinq minutes avec Charles Chaynes”, interview, J.M.F., n° 180, mai 1969, p. 44.
3. CHAYNES, Charles, “Propos impromptu”, Le Courrier Musical de France n° 40, 4e trimestre 1972, p. 171.
4. ROY, Jean, op. cit., p. 44.
5. OTTO, Rudolf, Le sacré, Paris, Payot, 2/1969 (1/1929).
6. LA BIBLE DE JERUSALEM, Genèse, XVIII, 27.
7. Cf. le Chapitre I.
8. CHAYNES, Charles, “Un compositeur au service des compositeurs”, propos recueillis par Marc Texier, Jocaste, L’Avant-scène Opéra, Hors-série n° 6, 1994, pp. 4-5.
9. Vers la lumière (1991), pour orgue.
10. Au-delà de l’espérance (1989), monodrame pour mezzo-soprano et piano, sur des poèmes d’Albertine Sarrazin.
11. Litanies (1989) pour orchestre.
12. CHAYNES, Charles, Propos recueillis par Pascale Guitton-Lanquest, Saint-Mandé, 2 juin 1995.
13. LA BIBLE DE JERUSALEM, L’Apocalypse, I, 8.
14. Ibid., VII, 17.
15. Ibid. I, 8.
16. CHAYNES, Charles, Propos recueillis par Pascale Guitton-Lanquest, Saint-Mandé, 2 juin 1995.
17. Ibid.
18. CHAYNES, Charles, Chants de l’âme, texte de présentation du concert du 14 juillet 1999, Basilique Saint-Bertrand du Comminges.
19. CHAYNES, Charles, Chants de l’âme, texte de présentation du concert du 14 juillet 1999.
20. Ibid.
21. Ibid.
22. Ibid.
23. Indication de Chaynes au début de La vive flamme d’amour.
24. CHAYNES, Charles, Chants de l’âme, texte de présentation du concert du 14 juillet 1999.
25. Ibid.
26. Ibid.
27. Ibid.
 

Mots-clés associés :
Ajouter un commentaire

Vous pouvez ajouter un commentaire en complétant le formulaire ci-dessous. Le format doit être plain text. Les commentaires sont modérés.

Question: 4 + 4 ?
Your answer:

Recherchez sur le site
Inscrivez-vous à la newsletter