Un chant pour l'Avent : du fond du temps au mystère à venir
Publié le : 8 Décembre 2014
C’est dans cette basilique que commence notre histoire. Elle fut fondée à Milan en 386 par Saint Ambroise son évêque (340-397). Cette magnifique architecture romane des 11ème et 12ème siècles abrite aujourd’hui encore quelques vestiges du temps d’Ambroise, entre autres les colonnes qui soutiennent le Ciborium au-dessus de l’autel. L’évêque Ambroise, en pasteur attentif de son diocèse, a bien compris l’importance du chant pour conforter ses fidèles dans la foi. Il compose à leur intention des cantiques qu’on appelle des hymnes. Nous en avons conservé quelques-unes dont celle-ci : Veni Redemptor gentium écrite spécialement pour ce temps qui précède Noël.
Viens, Rédempteur des gentils
Montre-nous le fruit de la Vierge.
Musique admirablement conçue pour entrer facilement dans les mémoires : quatre vers de huit syllabes, quatre phrases musicales brèves aisées à chanter et donc à retenir.
Cette hymne dite ambrosienne s’est révélée d’une riche fécondité. Martin Luther (1483-1546) en excellent musicien qu’il était, a bien saisi lui aussi l’importance du chant pour nourrir la foi des fidèles. Il avait bien compris que cette foi s’enrichit et s’approfondit dans une mémoire : mémoire des textes et aussi des musiques. A partir de cette hymne ambrosienne, Luther propose un chant en langue allemande et non plus en latin afin que tous comprennent ce qu’ils chantent, en suivant la même découpe musicale en quatre phrases brèves au dessin mélodique directement issu de celui de l’hymne qui était profondément ancrée dans les mémoires. C’est ainsi que l’hymne de Saint Ambroise de Milan Veni Redemptor gentium est devenue un des chorals les plus célèbres en Allemagne : Nun komm der Heiden Heiland, Viens maintenant Sauveur des païens.
L’aventure de ce chant continue au 20ème siècle puisque ce choral a été traduit en français et est devenu un des cantiques les plus chantés dans nos églises en ce temps de l’Avent, aussi bien dans les communautés catholiques que protestantes. L’hymne ambrosienne, passée par la Réforme luthérienne est entrée dans les mémoires communes aux deux confessions.
Moins connu que son contemporain Heinrich Schütz (1585-1672), Samuel Scheidt (1587-1654) a traversé comme lui les épreuves de la Guerre de Trente ans qui a ravagé l’Allemagne de 1618 à 1648. D’un caractère instable, sa carrière fut moins sereine que celle de Schütz. Il est cependant un des grands représentants des débuts du baroque allemand.
Voici une page tirée de ses Geistliche Konzerte, Concerts spirituels, (publiés entre 1631 et 1640) sur ce choral de l’Avent Nun komm der Heiden Heiland. Les parties chantées alternent avec les instruments (ici quatre trombones) en un dialogue musical somptueux à l’image de ce qu’écrivait son collègue Schütz. Le ton général de cette musique où domine la gravité nous rappelle qu’un chant liturgique n’est pas désincarné : selon la conception de Luther lui-même, le chant donne aux mots de ne pas rester dans le domaine de la pensée mais d’être chair des chanteurs, des instrumentistes et des auditeurs, chair douloureuse blessée par les stigmates de la guerre, mais aussi chair illuminée dans l’espérance du jour où s’accomplira la Promesse.