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Oui, un enfant nous est né

Publié le : 21 Décembre 2015
Cette parole du prophète Isaïe (chap. 9) que nous entendons au cours de la messe de minuit devrait résonner d’une manière particulière alors que nous avons vécu des évènements tragiques. La musique nous révèle à sa manière la force de cette prophétie : la joie de la crèche ne masque pas la gravité de cette naissance pas comme les autres. Ouvrons nos oreilles à une musique que nous croyons bien connaître.

Gentile Da Fabriano, La Nativité,  1423, Florence, Galerie des Offices © Wikimedia Commons

Je vous propose de nous arrêter sur une œuvre musicale bien connue, peut-être la plus connue du plus grand nombre : le Messie de Händel. C’est un peu comme le Nouveau-Né de Noël : nous connaissons dans tous ses détails son histoire et pourtant, l’essentiel n’est pas dans l’anecdote : comme dans l’oratorio de Händel, l’essentiel ne serait-il pas caché aux oreilles inattentives ? Nous nous pencherons sur deux extraits de ce chef-d’œuvre.
Le premier se situe à peu près aux deux tiers de la première partie : il chante la prophétie d’Isaïe annonçant la venue d’un Sauveur. Voici le texte :

For unto us a child is born,                        Un enfant nous est né
unto us a Son is given                                 un Fils nous est donné,
and the government shall                          et l’empire est posé
be upon His shoulder,                                sur ses épaules,
and His name shall be colled                    et son nom sera
WONdeful, CONsellor,                               Merveilleux, Conseiller,
the averlasting Father,                             le Père éternel,
the Prince of Peace.                                   Le Prince de la paix.

Händel nous prépare merveilleusement à recevoir la force de ce message en ménageant son discours musical, c’est ce que je vous invite à entendre :

La première partie du texte est traitée en fugue : les voix entrent les unes après les autres avec allégresse. Nous recevons l’information – un enfant nous est né – la musique enveloppe ces mots d’un grand charme. La longue vocalise sur « born » devrait nous alerter : cette naissance est comme une promesse qui ouvre sur un avenir qu’il nous faudra vivre.

Une écoute attentive nous fait percevoir une augmentation progressive de l’intensité sonore, les voix se superposent les unes aux autres renforçant le son, nos tympans s’ouvrent jusqu’à l’éclat de la suite :

Les mots WONdeful, CONsellor explosent, projetés sur leur première syllabe, imposés avec force. Qu’est-ce donc que ce frêle enfant ?  La musique impose ces mots comme une évidence, elle veut nous en convaincre. Elle nous révèle aussi que la puissance divine n’est pas celle du monde : elle se donne dans l’humilité d’une naissance pauvre et discrète, mais elle se manifeste aux yeux et aux oreilles de ceux qui peuvent voir et entendre. Les mots d’Isaïe ne sont pas que des mots : la musique nous donne d’entrer en résonance avec toute la force qu’ils contiennent.

Le numéro suivant de la partition est la fameuse pastorale en UT Majeur qui évoque l’évènement proprement dit de la naissance. Nous connaissons tous cette musique. Juste une remarque : le Messie de Händel est composé 59 numéros répartis en trois grandes parties. Une seule est purement instrumentale, sans aucune parole, c’est cette pastorale intitulé Pifa qui évoque le chalumeau des bergers italiens.

Le vrai silence, celui de la crèche tel qu’Händel nous le donne à entendre, est le silence ouvert à l’écoute d’une voix discrète au cœur du monde et de chacun de ses habitants.

Quelle plus belle manière d’exprimer la faiblesse d’un enfant - infans – celui qui ne parle pas ? Lorsque l’on sait que cet enfant est le Tout-Puissant, quelle force dans cette pauvreté !
Notre époque de bruits et de fureurs cache en vérité un terrible silence : celui du vide et des questions sans réponses. Le vrai silence, celui de la crèche tel qu’Händel nous le donne à entendre, est le silence ouvert à l’écoute d’une voix discrète au cœur du monde et de chacun de ses habitants.

Emmanuel Bellanger

 

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Emmanuel Bellanger

Après des études au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et à l’Institut Grégorien, Emmanuel Bellanger a mené une carrière d’organiste comme titulaire de l’orgue de Saint Honoré d’Eylau à Paris, et d’enseignant à l’Institut Catholique de Paris : Institut de Musique Liturgique et Institut des Arts Sacrés (aujourd’hui ISTA) dont il fut successivement élu directeur. Ancien responsable du département de musique au SNPLS de la Conférence des évêques de France, il est actuellement directeur du comité de rédaction de Narthex. Il s’est toujours intéressé à la musique comme un lieu d’expérience sensible que chaque personne, qu’elle se considère comme musicienne ou non, est appelée à vivre.

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