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Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

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Noël: chemins de musique

Publié le : 29 Décembre 2014
Comme nous l’avons fait pour le temps de l’Avent, voici l’histoire étonnante d’une chanson très ancienne venue jusqu’à nous par transformations successives : en chemin, une simple mélodie populaire amasse des pierres nouvelles pour devenir un précieux joyau poétique et musical.

Une jeune fillette de noble cœur
Plaisant’ et joliette de grand’ valeur
Outre son gré on l’a rendue nonette,
Cela point ne lui haicte
(ne la réjouit point)
D’où vit en grand’ douleur.

Cette très vieille chanson se trouve dans un cahier publié en 1575 par un musicien aujourd’hui bien oublié : Jehan Chardavoine (1537-1580). Il s’agit d’une compilation de pièces traditionnelles qui nous sont ainsi parvenues : ces pages constituent le premier recueil de chansons populaires françaises de l’histoire. 

Ainsi cette chanson Une jeune fillette a cheminé au long du temps à travers toute l’Europe, sous diverses formes jusqu’à nous. En l’entendant on a l’impression de l’avoir toujours sue, elle fait partie de notre mémoire.

Selon un procédé qu’elle a beaucoup mis en œuvre, l’Eglise a christianisé ce texte dont la musique était largement répandue. De l’histoire classique d’une jeune fille enfermée dans un couvent contre son gré, on est passé à l’histoire fondatrice du christianisme : l’Annonciation :

Une jeune pucelle de noble cœur
Priant en sa chambrette son créateur,
L’ange du ciel descendant sur la terre
Lui conta le mystère de notre Salvateur.

Cette mélodie appartient au répertoire joué à Noël. Les organistes parisiens des 17ème et 18ème siècles ont popularisé ces chants dans leurs brillantes variations comme celle que nous offre un des plus célèbres d’entre eux : Louis-Claude Daquin (1694-1772). Les amateurs de cette musique se pressaient nombreux au point de provoquer de véritables bouchons aux portes des églises. Voici comment Daquin orne une jeune pucelle.

En 1571 le pasteur luthérien Joachim Magdeburg écrit un texte en allemand sur cette musique qui devient un choral encore chanté aujourd’hui en Allemagne.

Von Gott will ich nicht lassen Denn er lässt nicht von mir
Führt mich auf rechten Strassen, Da ich sonst irret sehr,
Er reicht mir seine Hand, Den Abend und den Morgen,
Tut er mich wohl versorgen Sei wo ich woll’ im Land.

De Dieu je ne me séparerai pas car il ne se sépare pas de moi
Il me conduit sur les droits chemins car sans lui je m’égarerais.
Il me tend la main le soir et le matin
Il prend soin de moi en quelque lieu que je sois.

Ce chant ouvre alors de nouvelles perspectives. La fête de Noël célèbre la naissance d’un enfant longtemps attendu et accueilli comme Dieu parmi les hommes. Mais ce n’est pas un enfant comme les autres. C’est ce que l’art nous révèle à sa manière, par exemple cette toile de Lucas Cranach l’Ancien.

C’est bien sûr la Vierge qui porte l’Enfant ; mais nous ne sommes pas seulement devant un personnage actif  (celui qui porte) et un personnage passif (celui qui est porté). L’Enfant lui aussi agit offrant à Marie un grain de raisin cueilli sur la grappe qu’elle porte elle-même. Comment dire l’insondable mystère du Tout-Puissant divin entrant dans le Tout Petit de l’existence humaine ?
« Après l’Annonciation, Marie adore Jésus en elle… mon fils, mon amour sans bruit de paroles. » écrit Olivier Messiaen en tête du 11ème des Vingt regards sur l’Enfant-Jésus pour piano, regard intitulé : Première Communion de la Vierge.

C’est bien cet Enfant « Conseillé merveilleux… Prince de la paix » selon les mots du prophète Isaïe, que Jean-Sébastien Bach nous présente dans ce prélude de choral (BWV 658). Le thème du chant est joué au pédalier, enchâssé dans une surabondance de motifs qui baignent dans la joie et même une certaine tendresse. Mais la tonalité de fa mineur (rare chez Bach) n’élimine pas la gravité qui marque toute vie.

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cdelaforest@aol.com
cdelaforest@aol.com a écrit :
15/01/2015 14:05

C.était magnifique, ce choral de Bach

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Emmanuel Bellanger

Après des études au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et à l’Institut Grégorien, Emmanuel Bellanger a mené une carrière d’organiste comme titulaire de l’orgue de Saint Honoré d’Eylau à Paris, et d’enseignant à l’Institut Catholique de Paris : Institut de Musique Liturgique et Institut des Arts Sacrés (aujourd’hui ISTA) dont il fut successivement élu directeur. Ancien responsable du département de musique au SNPLS de la Conférence des évêques de France, il est actuellement directeur du comité de rédaction de Narthex. Il s’est toujours intéressé à la musique comme un lieu d’expérience sensible que chaque personne, qu’elle se considère comme musicienne ou non, est appelée à vivre.

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