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Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

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MOZART : un chemin vers la lumière

Publié le : 23 Mars 2015
Voici une proposition musicale qui pourra vous surprendre : en ces jours où les chrétiens s’apprêtent à célébrer le cœur de leur foi en un Dieu mort et ressuscité par amour pour les hommes, parler d’opéra peut paraître incongru : Mozart nous aide à ne pas nous enfermer dans nos catégories trop fermement fixées, par exemple entre la musique dite profane et la musique dite sacrée.

Portrait inachevé de Mozart, Joseph Lange, 1789

En 1773, Mozart, âgé de 23 ans, met la dernière main à sa « Messe du Couronnement ». On n’est pas très sûr de la personne couronnée à cette occasion, mais là n’est pas l’important. Je vous propose d’écouter le dernier morceau de cette œuvre magnifique : l’Agnus Dei. Le ton général de cette pièce est celui de l’intimité, de la douceur, avec quelques accents plus graves discrètement exprimés ici ou là, comme un regard de pitié sur l’Agneau sacrifié. Une voix seule de soprano dialoguant avec les deux hautbois ajoute sa sonorité apaisée, que soutiennent les violoncelles en pizzicati, comme une procession lente, un chemin de Croix ? Puis survient une tension inattendue : de grands sauts mélodiques vers l’aigu, des silences dramatiques, quelle est cette attente que le musicien exprime ?

La réponse nous est donnée sur « Dona nobis pacem », chant lumineux en Do Majeur sur un thème lyrique (celui que Mozart reprend du Kyrie), auquel se joignent le ténor solo puis l’ensemble du chœur et de l’orchestre. Nous sommes ici dans la confiance de Mozart en la miséricorde divine à laquelle il croyait de toute son âme, comme il l’exprime dans la lettre à son père du 24 octobre 1777 : « J’ai toujours Dieu devant les yeux, je reconnais sa puissance et crains sa colère. Mais je connais aussi son amour, sa compassion et sa miséricorde envers ses créatures. Il n’abandonnera jamais ses serviteurs. »

J’ai choisi cet enregistrement parce qu’il a été réalisé au cours d’une célébration en Autriche, l’interprétation en est, de ce fait, assez sobre.

En 1786 est représenté pour la première fois l’opéra « Les Noces de Figaro » : où est donc le rapport avec ce qui précède ? L’intrigue tourne en partie sur les sentiments qui unissent (ou n’unissent plus) le Comte et la Comtesse, deux personnages centraux de cet opéra. Dans la scène 8 de l’acte III, la Comtesse chante l’air fameux « Dove sono i bei momenti », où elle exprime son regret du passé, temps heureux où son mari lui était fidèle :

Où sont les doux moments de douceur et de plaisir ?
Où sont les serments de ces lèvres mensongeuses ?

Pourquoi donc n’ai-je pas perdu le souvenir de cet amour
Puisque pour moi tout est changé en larmes et en peines ?

Ah ! Si seulement la constance de mon amour
Me laissait quelque espoir de changer ce cœur ingrat !

Comme toujours chez les grands compositeurs, il faut bien écouter la musique qui nous dit bien plus que le texte : elle nous introduit dans l’intime méditation de la Comtesse, peut-être même dans son inconscient. Nous connaissons la fin de l’opéra, avec l’ultime pardon de la Comtesse à la dernière scène.
Lorsqu’elle chante son air « Dove sono », elle ne sait pas ce qu’elle sera amenée à faire, mais l’idée du pardon s’insinue en elle, c’est la musique qui nous le dit : Mozart a choisi pour chanter ces paroles la musique qu’il avait écrite pour l’Agnus Dei de la messe du Couronnement. Alors surgissent les questions : on ne peut penser que Mozart a choisi cette musique par hasard ou par commodité. S’agit-il d’une assimilation de la pitié sur la Comtesse  elle-même à celle qu’exprime la soprano de la messe pour l’Agneau ? Plus profondément, le pardon dont témoignent les chrétiens dans le Notre Père (comme nous pardonnons aussi…) n’est-il qu’un reflet du pardon radical que Dieu opère en son Fils ?

Par ce premier signe discret qui annonce le pardon final, un personnage d’opéra s’approprie une musique écrite pour chanter l’Agneau de Dieu : ne voyons pas dans ce choix une « profanisation » d’une musique sacrée, mais bien la conviction chez Mozart que le sacré est présent au plus profond de chacun de nous. Par cette capacité que nous avons reçue d’accorder un véritable pardon, n’avons-nous pas la possibilité de nous élever, modestement, vers Celui qui s’est abaissé jusqu’à nous ?

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Emmanuel Bellanger

Après des études au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et à l’Institut Grégorien, Emmanuel Bellanger a mené une carrière d’organiste comme titulaire de l’orgue de Saint Honoré d’Eylau à Paris, et d’enseignant à l’Institut Catholique de Paris : Institut de Musique Liturgique et Institut des Arts Sacrés (aujourd’hui ISTA) dont il fut successivement élu directeur. Ancien responsable du département de musique au SNPLS de la Conférence des évêques de France, il est actuellement directeur du comité de rédaction de Narthex. Il s’est toujours intéressé à la musique comme un lieu d’expérience sensible que chaque personne, qu’elle se considère comme musicienne ou non, est appelée à vivre.

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