Monteverdi : musique de contemplation
Publié le : 31 Juillet 2017
Les cieux proclament la gloire de Dieu,
le firmament raconte l’ouvrage de ses mains.
Le jour au jour en livre le récit
et la nuit à la nuit en donne connaissance.
Pas de paroles dans ce récit,
pas de voix qui s’entende ;
mais sur toute la terre en paraît le message
et la nouvelle aux limites du monde.
Ces premiers versets du psaume 18 sonnent d’une manière toute particulière aux oreilles du musicien et aux mains de tout artiste : n’y trouve-t-on pas décrit le cœur du mystère de l’art ? Au-delà de toute parole mais plus profondément et réellement « aux limites » du visible et de l’audible. Voici comment Jean-Sébastien Bach chante ces versets dans sa cantate n° 16 qui date de 1723.
La gloire de Dieu, la sainteté de Dieu, nul ne les ont contemplées et pourtant les artistes lèvent une mystérieuse partie du voile de cette splendeur du Dieu Saint comme le décrit le prophète Isaïe dans sa célèbre vision au chapitre 6 :
Je vis le Seigneur qui siégeait sur un trône très élevé ; les pans de son manteau remplissaient le Temple. Des séraphins se tenaient au-dessus de lui. Ils avaient chacun six ailes : deux pour se couvrir le visage, deux pour couvrir les pieds et deux pour voler. Ils se criaient l’un à l’autre : « Saint ! Saint ! Saint, le Seigneur de l’univers ! Toute la terre est remplie de sa gloire. »
C’est bien cette sainteté de Dieu que la mosaïque de l’église de Germigny-des-Prés dans le Loiret nous montre : Dieu n’est pas représentable mais présent dans l’Arche qu’entourent les anges se lançant l’un à l’autre « Saint ! Saint ! Saint ! ».
Le chant du Sanctus que nous proclamons au cours de la messe nous unit mystérieusement à cette réalité de la contemplation éternelle de la sainteté de Dieu : comment ne pas éprouver un sentiment de gravité en prenant conscience de cette expérience spirituelle qui nous projette au-delà du temps et de l’espace ? C’est ce que l’on peut entendre par exemple dans le « Sanctus » de la messe Aeterna Christi Munera de Palestrina : gravité, mouvement et immobilité, un magnifique exemple de cette prima prattica que Monteverdi va faire évoluer.
Nos oreilles sont maintenant préparées à entendre la surprenante nouveauté qu’apporte Monteverdi : au centre des Vêpres de la Vierge qui furent écrites en 1610 nous est donné à entendre ce chant des séraphins évoqué par Isaïe. De longues et souples vocalises lancent le mot Sanctus à travers l’espace, les mots s’entrechoquent et rebondissent en de nouvelles envolées : le temps et l’espace ouvrent à un sentiment nouveau d’éternité. Puis la musique soudain se recueille, passant au registre de la théologie sur les mots : Pater, Verbum et Spiritus Sanctus, et hi tres unum sunt – le Père, le Verbe et l’Esprit-Saint et ces trois ne font qu’un. La musique qui emplissait tout l’espace se réduit à une seule note (en musique cela s’appelle un unisson) à peine audible : nous sommes au cœur du mystère divin.
Que cet été vous apporte l’occasion d’une halte contemplative. Le ciel, où que l’on se trouve, est toujours devant nos yeux et il est parfois si beau…
- Emmanuel Bellanger
in coelum