Le chant et l'archet
Publié le : 21 Août 2017Rappelons-nous le récit rapporté dans l’évangile de saint Luc au chapitre 7 versets 36 à 38 :
Survint une femme de la ville, une pécheresse. Ayant appris que Jésus était attablé dans la maison du pharisien, elle avait apporté un flacon d’albâtre contenant un parfum. Tout en pleurs, elle se tenait derrière lui, près de ses pieds et elle se mit à mouiller de ses larmes les pieds de Jésus. Elle les essuyait avec ses cheveux, les couvrait de baisers et répandait sur eux le parfum.
Les Evangiles évoquent aussi d’autres femmes qui accomplirent ce même geste, par exemple, Marie la sœur de Lazare en Jean 12, 2-3. Mais rien ne dit qu’il s’agit de la même personne, pas plus que la Marie-Madeleine premier témoin de la résurrection du Christ (Jean 20, 11-18). Par un cheminement que nous ignorons, la mémoire chrétienne a réuni ces différents personnages en une seule Marie-Madeleine, sans doute parce qu’elle est perçue comme proche de nous à la fois par sa vie livrée à ses passions et par sa soif d’un idéal qu’elle a senti incarné dans la personne du Christ.
C’est autour des années 1700 qu’Antonio Caldara compose son oratorio Maddalena ai piedi di Cristo. Il était alors « maestro di cappella, da chiesa e del teatro » à Mantoue. Sa carrière l’a conduit de Venise où il est né et a reçu sa formation de musicien (principalement à la basilique saint Marc) jusqu’à Vienne où il a exercé les fonctions de vice-maître de chapelle de la Cour de l’Empereur Charles IV.
Il pratiqua divers instruments comme le faisaient les musiciens de son époque, mais principalement le violoncelle. Voici par exemple ce que sa connaissance approfondie de cet instrument lui a permis de créer : le lyrisme si humain du violoncelle mais aussi sa légèreté, ses bondissements aériens dans les mouvements rapides tissent la toile musicale de cette sonate n° 5 en Fa Majeur pour violoncelle et clavecin.
Le violoncelle joue une partie importante dans l’oratorio Maddalena ai piedi di Cristo. Le passage sans doute le plus impressionnant est l’air n°18 Pompe inutili. Il dialogue avec la soprano qui chante la vanité du monde, de ses pompes et de ses fastes trompeurs.
Le violoncelle épouse pas à pas le lamento de Marie-Madeleine : il prolonge son chant ou l’anticipe. Sa présence continue tout au long de cet air magnifique unit plus étroitement l’auditeur à la plainte chantée sur un thème inexorablement incliné vers le grave, ou au contraire crié en élancements violents vers le ciel, ou encore longuement répandu en vocalises interminables, désespérées, implorantes.
Emmanuel Bellanger