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Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

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La musique: dévoilement

Publié le : 2 Janvier 2017
La fête de l’Epiphanie ne rappelle pas seulement un évènement passé – la visite des Mages – elle célèbre la manifestation au monde, que représentent ces savants étrangers, de la venue d’un Enfant : Dieu entre dans notre humanité et se rend visible. Mais ce monde que représentent les Mages, où est-il en vérité ? En quoi cela nous concerne-t-il personnellement ? Que nous en dit un Jean-Sébastien Bach ?

On a coutume de dire que l’Oratorio de Noël de Jean-Sébastien Bach est composé de six cantates ; en réalité il s’agit d’une seule et même œuvre composée de six parties destinées à être jouées pendant six jours autour de la fête de Noël. Ces six parties ont été créées en 1734/35 selon le calendrier suivant :

I - 25 décembre 1734 : recensement à Bethléem et naissance de Jésus.
II - 26 décembre : annonce aux bergers.
III - 27 décembre : adoration des bergers.
IV - 1er janvier 1735: circoncision de Jésus.
V - 2 janvier : arrivée des Mages à Jérusalem.
VI – 6 janvier : adoration des Mages.

Ce sont les parties V et VI que je vous propose d’écouter.

Hans Memling (1433 - 1494), Adoration des Mages, panneau central du triptyque (c.1470-72), Huile sur panneau, Madrid, Musée du Prado

La définition habituelle d’un oratorio est la suivante : un opéra sur un sujet religieux et seulement exécuté en musique sans représentation scénique. Mais il ne s’agit pas que d’une représentation en musique dans laquelle les auditeurs resteraient extérieurs à l’action dramatique. Il s’agit de proposer une véritable expérience religieuse dans laquelle le parcours musical soit en réalité un cheminement spirituel. C’était bien le projet de saint Philippe Néri, fondateur de l’Oratoire d’où vient le mot d’oratorio. C’était bien aussi le projet de Jean-Sébastien Bach. L’Oratorio de Noël est d’abord dans l’esprit de son compositeur une œuvre liturgique. Il importe de percevoir le fonctionnement de cette musique du point de vue d’un rituel musical pour entrer pleinement dans sa beauté propre.

A chacun son rôle, a-t-on coutume de dire, à chacun sa musique peut-on ajouter, c’est ainsi que Bach attribue aux différents musiciens sa fonction liturgique :
= le ténor est chargé de proclamer le texte évangélique en style de récitatif, c’est-à-dire simple profération du texte discrètement accompagné du continuo (viole de gambe et clavier),

= les solistes sont chargés de prolonger le texte entendu par une méditation lyrique : comment ces évènements rapportés trouvent en moi un écho nourrissant ? La voix d’alto ou de soprano remplit un rôle particulier dans une forme intermédiaire qu’on appelle arioso, sorte de prolongement déjà lyrique du récitatif.

= le chœur chargé de développer la méditation et de conduire l’assemblée à la prière. Il remplit dans la partie V un rôle dramatique dans le déroulement du récit.

= l’assemblée qui s’exprime directement par le chant des chorals, qui sont des cantiques tirés des recueils utilisés à chaque culte.

Pour nous guider dans l’audition de ces deux parties, voici quelques repères :

Cinquième partie :

MUSIQUE TEXTE FONCTION LITURGIQUE
Chœur Gloire à toi, mon Dieu, nous te rendons grâce… Louange introductive
Récitatif : Arrivée des Mages Mt 2, 1 Récit des évènements
chœur : « où est le roi des Juifs ? » rôle dramatique
arioso : C’est en mon cœur qu’il habite Méditation intériorisation…
chœur : suite du récit « nous avons vu son étoile » Mt 2,2 image des Mages, l’un suivant l’autre…
Arioso : Mon Sauveur, c’est Toi la lumière… méditation
Choral : Ton éclat absorbe les ténèbres Prière confiante de l’assemblée.
Aria de ténor : Ta parole sera pour moi flambeau lumineux… Chant du soliste au nom de l’assemblée.
récitatif : « Hérode prit peur » Mt 2,3 suite du récit
arioso : Pourquoi vous effrayer ? c’est à nous que ce récit s’adresse.
récitatif : « Il convoqua les Grands Prêtres… Mt 2, 4-5 suite du récit
Terzetto (soprane, ténor, alto) Quand viendra le temps prédit ? Il est déjà là… Le message épiphanique est pour aujourd’hui.
Arioso : Mon Bien-Aimé règne déjà Méditation
choral : Mon cœur n’est pas un beau palais… Prière confiante de conclusion.

Sixième partie :

MUSIQUE TEXTE FONCTION LITURGIQUE
Chœur : En toi seul, nous mettons notre confiance… Acte de foi introductif.
Récitatif : Hérode s’informe Mt 2, 7-8 Récit des évènements.
arioso : Traitre, ton cœur est bien connu… méditation : Dieu triomphe du mensonge…
Récitatif : Adoration des Mages Mt 2, 9-11. Suite du récit.
choral : Je me tiens près de ton berceau, Jésus… le chrétien à la suite des Mages…
Récitatif : Ils rentrèrent par un autre chemin Mt 2, 12 Suite du récit.
Arioso : Je me vouerai à Lui de tout mon cœur… Confiance intérieure
Aria ténor : Mon Sauveur demeure en moi… confiance…
Arioso à 4 voix : Nous nous remettons entre les mains de Jésus Les 4 voix en écho les unes des autres affirment ainsi la confiance des chrétiens.
Choral de conclusion Maintenant ne craignez plus Confession de foi : Dieu est avec nous, nous sommes auprès de Lui.

Ainsi c’est au plus secret de notre cœur que le Dieu de l’Epiphanie révèle Sa présence. C’était la conviction profonde de Jean-Sébastien Bach. Sa musique n’est-elle pas en elle-même une épiphanie, une révélation, une manifestation de ce qui se cache au plus profond de nous et que nous ignorons souvent ?
Bonne et belle « fête des Rois ».

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Emmanuel Bellanger

Après des études au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et à l’Institut Grégorien, Emmanuel Bellanger a mené une carrière d’organiste comme titulaire de l’orgue de Saint Honoré d’Eylau à Paris, et d’enseignant à l’Institut Catholique de Paris : Institut de Musique Liturgique et Institut des Arts Sacrés (aujourd’hui ISTA) dont il fut successivement élu directeur. Ancien responsable du département de musique au SNPLS de la Conférence des évêques de France, il est actuellement directeur du comité de rédaction de Narthex. Il s’est toujours intéressé à la musique comme un lieu d’expérience sensible que chaque personne, qu’elle se considère comme musicienne ou non, est appelée à vivre.

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