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Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

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L’espace de la résonance

Publié le : 19 Janvier 2015
Un évènement musical exceptionnel vient d’avoir lieu à Paris : il n’est pas si fréquent qu’une nouvelle salle de concert ouvre ses portes, surtout de la qualité de la nouvelle Philharmonie. Le concert d’inauguration comportait une œuvre du compositeur Henri Dutilleux, décédé en 2013. La question du rapport son/espace est au cœur de sa recherche, particulièrement TIMBRES, ESPACE, MOUVEMENT que je vous propose de découvrir.

 

Grande Salle de la Philharmonie de Paris

Tout a été pensé dans cette nouvelle salle au service du son : fidélité de sa propagation, justesse de l’écho, équilibre de l’ensemble. L’œuvre de Dutilleux est particulièrement bienvenue dans un tel espace.
Timbres, espace, mouvement a été créé en 1978, d’abord à Washington puis à Paris. Ce poème musical est né de la contemplation d’un tableau de Van Gogh : La nuit étoilée. Henri Dutilleux, arrière-petit-fils du peintre Constant Dutilleux (1807-1865), aimait rappeler combien la peinture était pour lui une nourriture.

Van Gogh Vincent, La Nuit étoilée (1889)

Voici comment le compositeur voit ce tableau :

« Souvenez-vous : tout se passe dans le ciel et le seul lien avec la terre est marqué au premier plan, par une petite église et un cyprès dans le même mouvement ascensionnel, ce qui est déjà symbolique. Entre eux et la voûte céleste, une vertigineuse impression d’espace, de vide même. »

Les mots qu’utilise Dutilleux révèlent les résonances presque religieuses que fait naître en lui cette peinture : le vide, l’église dans le même mouvement vers le haut que le cyprès, à quoi on peut ajouter la pénombre d’en bas tendue vers l’immensité lumineuse, image de l’interrogation éternelle de l’homme sur le sens de la vie et de la création.
Chaque œuvre d’Henri Dutilleux est comme un reflet de ce qu’il porte en lui, c’est ce qu’il exprime par les sous-titres, par exemple : la 2ème symphonie le Double, le concerto pour violoncelle Tout un Monde Lointain, le quatuor à cordes Ainsi la Nuit, le concerto pour violon l’Arbre des Songes.

Timbres, espace, mouvement, qui ne veut en aucun cas être un commentaire du tableau de Van Gogh mais un surgissement musical né de sa contemplation, est bâtie autour de deux idées sonores : une note insistante presqu’obsédante (un sol #) tour à tour dans une sonorité douce ou perçante, et un tournoiement de cellules musicales d’une grande complexité – Mouvement – projetant l’auditeur dans un univers sans limites – Espace – aux couleurs d’une extrême subtilité – Timbres.

Comment ne pas entendre dans cette musique les propres questionnements du musicien ? Questionnements personnels certes, mais sans doute aussi écho des interrogations du monde : c’est le rôle de l’artiste dans la société de faire venir au jour ce qui habite ses frères les hommes : « Je dirais plutôt qu’il se dégage de mes œuvres une certaine forme de philosophie. Un côté contemplatif, et aussi une sorte de reflet, sans doute inconscient,  du monde actuel et éternel, de ses angoisses certes, mais aussi de ses aspirations vers l’infini. L’on y trouve aussi une certaine interrogation. », ainsi Henri Dutilleux cherche-t-il à nous faire entrer dans sa musique.

En définitive, l’espace de résonance n’est-il pas en réalité l’espace intérieur de l’auditeur comme son observation du tableau est regard intérieur ? A chacun de vivre sa propre Philharmonie.  Myriam Soumagnac dans son texte de présentation de cette composition lors de sa création écrivait ceci : « l’œuvre de Van Gogh est une, et cette musique est autre de par la nature des disciplines et la différence des tempéraments, mais si l’on a la connaissance de l’une on peut écouter l’autre différemment et si l’on entend cette musique, on peut revoir la toile de Van Gogh différemment. »

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Emmanuel Bellanger

Après des études au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et à l’Institut Grégorien, Emmanuel Bellanger a mené une carrière d’organiste comme titulaire de l’orgue de Saint Honoré d’Eylau à Paris, et d’enseignant à l’Institut Catholique de Paris : Institut de Musique Liturgique et Institut des Arts Sacrés (aujourd’hui ISTA) dont il fut successivement élu directeur. Ancien responsable du département de musique au SNPLS de la Conférence des évêques de France, il est actuellement directeur du comité de rédaction de Narthex. Il s’est toujours intéressé à la musique comme un lieu d’expérience sensible que chaque personne, qu’elle se considère comme musicienne ou non, est appelée à vivre.

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