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Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

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Chanter la lumière et le feu

Publié le : 16 Mai 2016
L’iconographie traditionnelle nous a habitués à considérer l’évènement de la Pentecôte exclusivement sous la forme de langues de feu tombant sur la tête des Apôtres. Mais l’Ecriture Sainte présente cet évènement d’abord comme un surgissement sonore. La musique, dans sa nature de souffle et de durée, ne serait-elle pas une expression privilégiée qui nous révèle quelque chose de la nature même de l’Esprit ?

« Soudain un bruit survint dans le ciel comme un violent coup de vent : la maison où ils étaient assis en fut remplie toute entière » nous racontent les Actes des Apôtres (2,2).
L’Esprit de Dieu se manifeste d’abord dans sa soudaineté et sa violence envahissante qui emplit tout l’espace. C’est bien une image de ce qu’est la vie qui nous est décrite : la vie est souffle essentiellement. C’est aussi ce que nous montre le tympan célèbre de Vézelay :

Certes les rayons de l’Esprit sont bien présents, envoyés par le Christ sur les têtes des Apôtres. Mais un autre détail est riche de sens : regardez le bas des robes des Apôtres, comme soulevées en plis légers qui les emportent vers la lumière. L’image que nous avons de la Pentecôte d’un feu descendant du ciel nous est présentée ici dans un mouvement ascendant. Ayant reçu ce souffle divin, les Apôtres sont mis en mouvement dont nous sentons bien qu’il ne s’arrêtera pas au bas des robes mais qu’il les emportera tout entiers.
L’antienne grégorienne de Communion pour le jour de la Pentecôte ne dit pas autre chose. C’est le texte même des Actes des Apôtres qui est chanté : en trois notes (SOL, RE, FA) la mélodie propulse les chanteurs de la note la plus grave à la plus aigüe. Le sommet mélodique sur le mot « sonus » « un bruit » nous fait entendre sa violence. Puis la mélodie plane autour du RE supérieur comme pour traduire l’effet de transformation qu’opère l’Esprit de Dieu sur les mots « et repleti sunt omnes – ils furent tous remplis ».  Ils peuvent alors proclamer les merveilles de Dieu comme le chante l’antienne en ornant le mot « magnalia – les merveilles » d’une manière particulièrement riche.

Un texte comme celui-là ne pouvait pas ne pas inspirer les compositeurs. Voici une version d’un musicien relativement peu connu : Gregor AICHINGER (1564/65 – 1628). Né à Ratisbonne, il mena une carrière d’organiste à Saint-Ulrich d’Augsbourg où il mourut. Nous ne possédons aucun portrait de lui, mais le buffet de l’orgue qu’il servit existe encore, buffet construit dans les premières années du 17ème siècle, il l’a donc connu :

Son œuvre est particulièrement intéressante parce qu’elle se trouve à la charnière de deux esthétiques : la musique polyphonique à la manière de Palestrina et la musique nouvelle qu’il a découverte en Italie, particulièrement à Venise avec Gabrieli, une musique plus lyrique et expressive dont on peut entendre des traces dans son bref motet sur le même texte des Actes des Apôtres.
Ce motet est destiné à être chanté au cours de la liturgie, il obéit donc aux canons prescrits : l’intervalle initial de l’antienne grégorienne nourrit l’ensemble de cette belle page. On reconnaît facilement la filiation de cette composition. Mais le musicien met en évidence certains mots qui vibrent en lui plus profondément : par exemple « de caelo – du ciel » comme de multiples langues de feu tombant en quartes innombrables sur nos oreilles. Ou encore la belle cadence en mineur sur « vehementis » : ce n’est pas la violence du vent que traduit la musique mais le silence étonné des Apôtres dans leur attitude de réception recueillie.

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Emmanuel Bellanger

Après des études au Conservatoire National Supérieur de Musique de Paris et à l’Institut Grégorien, Emmanuel Bellanger a mené une carrière d’organiste comme titulaire de l’orgue de Saint Honoré d’Eylau à Paris, et d’enseignant à l’Institut Catholique de Paris : Institut de Musique Liturgique et Institut des Arts Sacrés (aujourd’hui ISTA) dont il fut successivement élu directeur. Ancien responsable du département de musique au SNPLS de la Conférence des évêques de France, il est actuellement directeur du comité de rédaction de Narthex. Il s’est toujours intéressé à la musique comme un lieu d’expérience sensible que chaque personne, qu’elle se considère comme musicienne ou non, est appelée à vivre.

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