La beauté fait signe
Publié le : 23 Avril 2013J’emprunte ce titre au dernier ouvrage de Paul Valadier – La beauté fait signe. Arts morale religion, paru il y a deux mois aux éditions du Cerf - car il résume une expérience humaine essentielle : la vraie Beauté toujours nous appelle, nous retient, elle nous conduit vers des terres inconnues que nous n’imaginions même pas mais où se trouve avec certitude notre véritable lieu, le vrai pays qui nous est promis.
Et autant le Vrai et le Beau, ces universaux du Moyen-Age auxquels s’ajoute évidemment le Bien, nous font signe et nous élèvent, autant le faux et le laid ont le pouvoir de nous déprimer et de nous enfermer. J’y songeais en lisant le bien médiocre ouvrage d’Aude de Kerros, Sacré art contemporain, paru il ya quelques mois aux éditions Jean Cyrille Godefroy,où les erreurs factuelles, les inexactitudes voire les mensonges le disputent aux confusions conceptuelles et historiques, aux analyses tronquées et fausses. La controverse mérite mieux que ces approximations et exagérations.
Pour toutes les femmes et les hommes de bonne foi, pour ceux qui cherchent à faire de visu l’expérience de l’art qui s’invente et s’expose aujourd’hui dans les ateliers, les musées, et même parfois les églises - j’en connais beaucoup de ces promeneurs curieux et honnêtes- l’art contemporain se révèle aussi riche de réussites exemplaires que d’échecs, des ratages, voire parfois d’impostures.
Vitrail réalisé par Aurélie NEMOURS en 1998 dans l'Eglise Notre Dame du prieuré de Salagon (XIIe s.). Mane, Alpes de Haute Provence (04), Provence Alpes Côte d'Azur, France.
Photo: Henri GAUD/CIRIC / ADAGP 2013
Mais ce mélange disparate, où les faux prophètes se mêlent aux grands inventeurs- est vrai de toute époque, et les réserves des musées gardent des siècles passés bien des croûtes ou des objets tridimensionnels qui sont loin d’être de la vraie peinture ou de la grande sculpture ; tel tableau gauche du XVIIe siècle français n’enlève rien à l’éclatant génie de Poussin, comme aujourd’hui tel vitrail sans intérêt, qui peut même avoir été une commande de l’Eglise ou de l’Etat, n’empêche pas la réussite éclatante des créations de Soulages à Conques, d’Alberola à Nevers, de tant d’autres encore.
Certes le discernement est toujours difficile, tandis que la mécompréhension et le jugement à l’emporte pièce sont commodes. La seule voie d’accès est de prendre le temps de regarder longuement les œuvres, et surtout se laisser aussi regarder par elles, appeler.
Laissons nous guider, emporter par ces grandes créations toutes récentes qui ne cessent de nous faire signe ; je songe à la croix au fond de la Chapelle Saint-Symphorien à Saint-Germain-des-Près, si impressionnante et juste par son évidence et sa puissance, à ce creux dans le mur où la lumière du laiton s’impose par sa retenue et sa densité ; je songe aussi à ce vitrail rouge sélénium d’Aurelie Nemours au Prieuré de Salagon (04), où s’exprime toute la concentration d’une couleur portée à son incandescence et recélant tant de mystère, de passion. La beauté fait signe, sans cri ni gesticulation ; elle murmure, elle chuchote, elle nourrit notre contemplation.
Paul-Louis Rinuy
23 Avril 2013
Merci Paul-Louis pour ce si bon et si juste billet.
Amicalement
Michel