Flâner, regarder, partager

Il s’agira, d’abord, de flâner.

Sans programme, sans but précis, arpenter les avenues de l’art d’aujourd’hui, tel qu’il s’invente dans les ateliers et les galeries, tel qu’il s’expose ici ou là, tel qu’il se vit et se partage en des lieux plus divers qu’on ne le croirait. Art d’aujourd’hui, dis-je, sans refuser la notion d’art contemporain en ce qu’elle porte d’exigence et d’énergie, mais en refusant d’en faire un mot d’ordre creux, une formule répétitive, un slogan qui empêche de voir l’aujourd’hui de la création artistique dans sa richesse,  dans ses promesses.

Flâner donc, et regarder, découvrir, lire aussi. Reprendre, comme ce matin, l’admirable lettre à Jean Cocteau, récemment converti, écrite par Jacques Maritain en 1926 et qui porte bien des fulgurances. Plus personne ne lit Maritain, me dira-t-on. Et pourtant ce philosophe néothomiste, qui fut avec son épouse Raïssa comme un foyer rayonnant où vinrent se réchauffer tant de grands esprits du XXe siècle, a le mérite d’avoir éclairci quantité de problèmes de l’art dans ses liens avec le sacré ou le religieux. Ainsi énonce-t-il cette distinction fondamentale : « L’art d’église, qui fait des objets devant lesquels on prie, se doit d’être religieux, théologal. Hors ce cas particulier (et éminent), il est bien vrai que Dieu ne demande pas d’ «art religieux » ou d’ «art catholique ». L’art qu’il veut pour lui, c’est l’art.  Avec toutes ses dents. »

Cet « Art avec toutes ses dents », ce refus du conformisme, de l’académisme et de la mièvrerie, cette haine de la tiédeur et de la pusillanimité, cette exigence, nous voulons dans ce blog les partager avec vous, au fil des semaines, au risque de nous tromper. 

Une première œuvre à regarder ensemble, une illumination pour préparer l’avenir : cette « Surpeinture » d’Arnulf Rainer,  tirée d’une édition illustrée de la Bible parue en 1998. Evidence d’un geste qui se suffit à lui-même. Création radicale et marquante  qui retravaille une figure héritée du patrimoine chrétien, sans qu’on puisse vraiment l’identifier. Cette invention, cruciale,  c’est  le présent de l’art contemporain, dans sa fulgurance immédiate, dans son ouverture à l’avenir.

Paul-Louis Rinuy

27 février 2013 

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