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Visages de femmes de l’Evangile dans le Château intérieur ou les Demeures de l’âme de Thérèse d’Avila

Publié le : 15 Janvier 2015
Trois femmes des Evangiles ont été confondues au fil des siècles pour créer l'iconographie de Marie-Madeleine. Ainsi Thérèse d’Avila évoque, à plusieurs reprises, dans le Château intérieur, Marie-Madeleine. L’Evangile de Luc (8,2) présente « Marie, surnommée la Magdaléenne, de laquelle étaient sortis sept démons » (Luc, 8, 2). Elle accompagne les Apôtres et sera le premier témoin de la Résurrection du Christ. L’iconographie la représente se lamentant au pied de la croix ou face au Christ sorti du tombeau, qui lui ordonne de ne pas le toucher.

Le rapprochement entre cette femme guérie de sept démons avec la femme pécheresse qui versa du parfum d’un pot d’onguent sur les pieds de Jésus et les essuya de ses cheveux chez Simon le Pharisien, dans le même Evangile de Luc (Luc 7, 36-38), fut tentant. Pourtant cette femme reste anonyme. Une autre figure de femmes, demeurée anonyme dans les Evangiles, rejoint et enrichit le portrait de Marie-Madeleine. Il suffit d’un même geste de verser du parfum pour identifier Marie, sœur de Marthe et Lazare, à Béthanie, qu’évoque  l’Evangile de Jean (12, 2-3), à Marie-Madeleine. Ainsi il est habituel au XVIe siècle d’assimiler ces trois visages féminins que nous distinguons aujourd’hui. Mais au-delà du débat d’exégètes, quel rôle jouent ces trois Marie qui n’en font qu’une pour Thérèse d’Avila comme pour ses contemporains ? La prieure conserve les aspects de Marie-Madeleine, retenus par toute l’iconographie qui la représente avant le XVIe siècle comme une courtisane ou une princesse et avec le courant baroque comme une pécheresse repentie, vêtue de sa seule chevelure dans la grotte provençale de la Sainte Baume, où elle aurait vécu selon la légende.

« Madeleine calomniée » est évoquée à deux reprises par la prieure. D’abord, dans la VIe Demeure :

« Sa Majesté donne du courage dès qu’elle voit qu’on en a besoin, et elle défend en tous points ces âmes-là et répond pour elles si on les persécute ou qu’on les calomnie, comme elle l’a fait pour Madeleine » VI, XI, 11.

Et, plus loin, Marie, sœur de Marthe, subit les calomnies de Simon le Pharisien :

« Croyez- moi, il faut que Marthe et Marie restent ensemble pour accueillir le Seigneur et lui tenir sans cesse compagnie (…) Marie avait déjà rempli l’office de Marthe lorsque, aux petits soins pour le Seigneur, elle lui avait lavé les pieds et les avait frottés avec ses cheveux. Et pensez-vous que ce devait être une petite mortification pour une dame comme elle d’aller, seule peut-être, par ces rues, sans avoir le cœur de se préoccuper de son apparence et d’entrer où elle n’était jamais entrée, et de subir les médisances du Pharisien…» VII, IV, 13.

La calomnie est source de mortifications salutaires, que poursuivra  « Madeleine pénitente » : « On est frappé par les grandes pénitences que se sont infligées de nombreux saints - en particulier la glorieuse Madeleine, tellement choyée dans son jeune âge » VII, IV, 11. C’est à ce prix que le Seigneur accorde ses faveurs : « Je vous assure, mes sœurs que « la meilleure part » venait après maintes épreuves et mortifications» VII, IV, 13.

 

Thérèse d’Avila révèle alors le secret ultime du for intérieur : l’union mystique de Madeleine au Sauveur.

« Il m’est revenu à l’esprit que cette salutation du Seigneur aux Apôtres devait être de plus d’importance qu’il n’y paraît, et de même la parole adressée à la glorieuse Madeleine, lorsqu’il lui a dit d’aller en paix (…) car il est bien certain qu’en évacuant de notre âme tout ce qui est créature et en l’en détachant pour l’amour de Dieu, le Seigneur en personne l’emplira de lui» VII, II, 7.

Mais quel but le Seigneur poursuit-il ? C’est dans l’ultime chapitre du Château intérieur que la prieure répond à cette question : « Où en terminant, elle donne à entendre quel est, à son avis, le but que poursuit Notre-Seigneur en faisant à l’âme de si hautes faveurs, et combien il est nécessaire que Marthe et Marie marchent la main dans la main. Chapitre très profitable

« C’est pour cela, mes filles, qu’est faite l’oraison ; c’est à cela que sert ce mariage spirituel : qu’il en naisse des oeuvres, encore et toujours des œuvres » VII, IV, 6. Il ne s’agit pas seulement de jouir des faveurs du Seigneur, mais d’acquérir la force de servir.

 

 

Bartolomeo-di-Giovanni, Sainte Marie-Madeleine, XVe siècle, huile sur bois, 145X61 cm, Lille, Palais des Beaux-Arts.

 

En fait, ces visages de femmes de l’Evangile tracent un autoportrait de Thérèse d’Avila qui fut à la fois une grande contemplative mais aussi une remarquable femme d’action au service de l’Eglise. Ces portraits évangéliques ont une valeur de modèle pour toute moniale, en particulier carmélite : « Ce serait une étrange nouveauté de penser qu’on obtiendra de Dieu ces faveurs en prenant un autre chemin que celui qu’il a parcouru, et qu’ont suivi tous les saints » VII, IV, 12.

C’est ainsi que se termine ce traité sur l’oraison, le Château intérieur ou les Demeures de l’âme. Ce 23e  article du blog sur les écrits mystiques de Thérèse d’Avila clôt le cycle d’études littéraires sur ses oeuvres, qui a commencé par l’analyse du Livre de la Vie et du Livre des Fondations. Le 28 mars 2015 sera fêté le  cinquième centenaire de la naissance de Thérèse d’Avila (1515-1582). Les articles suivants seront consacrés à l’étude des Exercices Spirituels d’Ignace de Loyola. La Madre évoque ces âmes que « le démon a perdues grâce aux fondateurs d’ordres, et celles qu’il perd de nos jours grâce au P. Ignace, qui a fondé la Compagnie de Jésus » V, IV, 6.

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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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