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Troisième vision du Scivias, 1ère partie, d’Hildegard von Bingen : Dieu, le Cosmos et l’Humanité

Publié le : 8 Septembre 2016
SOMMAIRE: « Que, par les choses visibles et temporelles, les invisibles et les éternelles sont manifestées (Nicht nur das Sichtbare und Zeiliche tut Gott durch seine Schöpfung kund, sondern auch das Unsichtbare) » Scivias, I, 3, 1.
La troisième vision du Scivias d’Hildegard von Bingen s’articule en quatre parties : la vision cosmique, son interprétation symbolique, la mise en garde contre Satan, la victoire du Christ sur le Mal.
La vision cosmique

La vision cosmique, sur la miniature, paraît celle d’une mandala colorée avec une zone de feu extérieur, peinte en doré, une sphère plus réduite, un éther et une zone où souffle le vent. Dans ce domaine, les vents et les lueurs sont de taille différente. Au centre de l’image se trouve un cercle de sable avec une montagne : « Après cela, je vis une immense sphère ronde et ombreuse, ayant la forme ovale, moins large au sommet, plus ample au milieu, rétrécie à la base ; ayant à sa partie extérieure un cercle de lumière étincelante, et au-dessous une enveloppe ténébreuse.

Et dans ce cercle de flamme, était un globe embrasé si grand, que toute la sphère en était illuminée, il avait au-dessus de lui, rangées avec ordre, trois étoiles qui retenaient le même globe dans son activité ignée, de peur qu'elle ne tombât peu à peu (…) Dans cette même enveloppe était un feu ténébreux, qui inspirait une si grande horreur, que je ne pouvais le regarder ; et qui,  plein de troubles, de tempêtes et de pierres aigues, grandes et petites, agitait cette enveloppe de toute sa puissance. »

L’interprétation symbolique

Cependant la voix divine révèle à Hildegard que la vision doit être prise dans un sens symbolique. Tout l’univers représente la toute-puissance divine : « Et j'entendis de nouveau une voix du ciel qui me disait : Dieu qui a fait toutes choses par sa volonté, les a créées pour la connaissance et l'honneur de son nom ; non seulement pour montrer en elles les choses visibles et temporelles, mais pour manifester en elles les choses invisibles et éternelles (per visibilia et invisibilia). Ce qui est démontré par la vision que tu contemples. Car cette immense sphère ronde et ombreuse que tu vois, ayant la forme ovale, moins évasée au sommet, plus ample au milieu, et rétrécie à la base, signifie fidèlement, le Dieu tout-puissant, incompréhensible en sa majesté, et inestimable dans ses mystères, l'espoir de tous les fidèles. »

La zone de feu extérieur signifie l’action divine, avec en-dessous, les incroyants, au-dessus, les croyants : « Sur la partie extérieure, tout autour, se trouve une flamme lumineuse, environnée d'une enveloppe d'ombre. Elle désigne ceux qui étant hors de la foi, sont consumés par le feu de la vengeance de Dieu ; ceux au contraire qui demeurent dans la foi catholique, Dieu les purifie par le feu de sa consolation ; déjouant ainsi les desseins ténébreux de Satan. »

Le soleil représente symboliquement le Fils de Dieu, le soleil du Jugement dernier. Au-dessus, les trois lumières, les trois planètes, symbolisent la Sainte Trinité : « Et dans cette flamme le globe d'un feu étincelant d'une grandeur telle,  qu'il éclaire toute la sphère, montre, par la splendeur de sa clarté, ce qu'est dans Dieu le Père, son Fils unique ineffable, le soleil de justice embrasé de l'ardente charité, et possédant une gloire si grande, que toute créature est illuminée par la clarté de sa lumière. Il a au-dessus de lui trois étoiles, rangées avec ordre, qui retiennent le globe dans le rayonnement de leur flamme, c’est-à-dire la Trinité qui assujettit toutes choses à son administration ; elles démontrent que le Fils de Dieu, descendant du ciel sur la terre, délaissant les anges dans les cieux, manifesta même aux hommes qui ont un corps et une âme les choses célestes (…) »

La mise en garde contre Satan

Ce soleil rayonnant, symbole du Christ, est à opposer à la vision suivante remplie de feu, règne de Satan, des paroles mauvaises et de la Mort : « Et de cette enveloppe qui l'environne, un autre souffle impétueux fait rage avec ses tourbillons, parce que de la colère de Satan, qui ignorant Dieu ne le craint pas, sort la mauvaise renommée avec les discours insensés, qui se répandent en tous sens sur la sphère ; car dans le siècle, des rumeurs utiles ou inutiles se mêlent de diverses manières, parmi les peuples (…) Ce feu était plein de grondements de tempêtes, et de pierres aiguisées grandes et petites : parce que l'homicide se mêle à l'avarice, à l'ivresse et aux plus cruelles méchancetés qui, sans miséricorde, se mettent en furie pour l'homicide et les crimes moins iniques. »

En quelques lignes, Hildegard présente les étapes de la vie du Christ : l’Incarnation, la Rédemption, l’Ascension :

« Et le même globe de feu s'incline parfois plus bas, et il lui vient plus de froidure, c'est pourquoi il retire aussitôt sa flamme, pour signifier que le même Fils unique de Dieu, né d'une vierge, et abaissé ainsi miséricordieusement vers la pauvreté des hommes, au milieu des misères de toutes sortes, supporta toutes les infirmités corporelles, après s'être montré corporellement au monde ; et quitta le monde, pour retourner vers son père, en présence de ses disciples « Il s'éleva en leur présence, et une nuée le ravit à leurs yeux. »(…) La sainteté de son corps s'éleva, par la puissance de sa divinité ; et, dans un miracle mystique, la nuée du secret mystère le ravit, pour le cacher aux yeux mortels ; car les éléments étaient à son service. »

L’éther pur, qui surplombe ce royaume, symbolise la Foi. Une foule de lumignons disséminés dans l’éther représentent les œuvres du Bien dans le royaume de la Foi. L’air vicié, en-dessous de l’éther, signifie l’œuvre de Satan : « Mais sur cette enveloppe le ciel est très pur et sans voile ; parce que, sous les embûches de l'antique trompeur, la foi lumineuse resplendit, dans laquelle ne se cache aucune incertitude d'infidélité ; elle ne vient pas d'elle-même, mais elle est fondée sur le Christ. Et dans ce ciel, tu vois un globe de feu brûlant, d'une grande étendue, qui désigne véritablement l'Eglise, unie dans la foi, comme te le démontre cette blancheur d'innocente clarté, qui lui forme une auréole de gloire ; et au-dessus d'elle deux étoiles placées distinctement, les deux Testaments (…) »

La création tout entière montre à l’homme sa destinée ; les éléments de la nature sont à son service : « Et au milieu de ces éléments est un globe sablonneux, d'une grande étendue, que les éléments entourent ; de telle sorte qu'il ne peut se porter dans un sens ou dans l'autre : ce qui montre manifestement, dans la puissance des créatures de Dieu, l'homme objet des profondes considérations (de la Trinité sainte), fait du limon de la terre, d'une manière admirable, en vue d'une grande gloire ; et tellement environné de la vertu des créatures, qu'il ne peut être nullement séparé d'elles. »

Cependant, par le péché originel, l’homme a perdu le sens contenu dans la création. Il a fait de la nature un absolu. C’est pourquoi la création prend, dans la vision de l’homme, la place du Créateur. De telles incompréhensions vis-à-vis de la nature conduisent l’homme vers les pratiques occultes, l’astrologie ou la magie. Pourtant, la création continue à faire signe à l’homme perdu, à partir de la lumière intérieure, et l’amour de Dieu continue à s’offrir à lui à travers la création, car « les oeuvres des ténèbres ne peuvent monter jusqu'aux oeuvres de lumière. »

L’Univers, Meister des Hildegardis – Codex 001

Tandis que les cieux chantent la louange de Dieu et que  tous les éléments créés obéissent à leur Créateur, « toi, au contraire, ô homme, tu n'observes pas mes commandements ; mais tu suis ta volonté, comme si la justice de la loi ne t'était pas démontrée et établie. Tu es dans un tel endurcissement, bien que tu ne sois que poussière, que la justice de ma loi ne te suffit pas, quoiqu'elle soit labourée et cultivée dans le sang de mon Fils, et bien triturée (comme le froment) dans mes saints de l'Ancien et du Nouveau Testament (…). Mais dans ta grande folie, tu veux te rendre maître de moi (…). »

La victoire du Christ sur la Mort et le Mal

« Le Fils de Dieu mit à mort la mort même, et brisa les portes de l'enfer (…). La grande lumière est apparue, pour le salut et la rédemption des hommes. C'est le Fils de Dieu qui a revêtu la misère du corps humain ; mais comme une étoile brillante, qui resplendit dans les ombres nocturnes, il fut ainsi placé sur le pressoir, où le vin, sans aucun ferment, devait être exprimé (…) ; il écrasa sous le pied de sa milice, la tête de l'antique serpent (…). C'est pourquoi, quiconque possède la science du Saint Esprit et les ailes de la foi, ne transgresse pas mon avis, mais il le reçoit pour en faire les délices de son âme. »

Le Christ au pressoir (mystique), XVIIe siècle, église du Salut Bogenberg, Allemagne

Note : « Le pressoir mystique (torcular christi) est une métaphore de la Crucifixion, le corps du Christ étant assimilé à une grappe de raisin dont on extrait le vin de l’Eucharistie qui régénère et guérit les âmes délivrées du péché. »


Bibliographie : texte en allemand de sœur Maura Zatonyi OSB.

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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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