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Thérapie de l’âme dans le Livre de Lamentation de Grégoire de Narek

Publié le : 5 Mai 2016
Au Seuil de son ouvrage, Grégoire de Narek évoque son dessein d’instaurer une thérapie pour l’âme pécheresse. La confession sincère des péchés permet ainsi de trouver « baume, remède et guérison » aux maux de l’âme :

« Des paroles salutaires, aux multiples requêtes,

Des conseils profitables à l’âme,

Des reproches à soi-même, des règles d’une pénitence vivifiante,

Librement acceptée,

Où l’invisible se révèle

Dans la confession des péchés :

Dénonciation des secrets,

Divulgation des actes cachés,

Réprobation des faits dissimulés,

Baume puissant des plaies inguérissables,

Remède souverain des indicibles maux,

Guérison des périls aux multiples douleurs,

Répondant aux besoins de toutes les natures

Pour provoquer les larmes, inciter aux prières (…) »

Mais le doute surgit parfois  sur la perspective du salut :

« Est-il possible que tu n’accordes pas la totalité du salut,

Que tu ne portes pas remède à mes blessures,

Que tu n’appliques pas de baume sur mes plaies,

Que tu ne guérisses pas ma faiblesse. » LL2, 5

En effet, le seul médecin appelé au chevet de la faiblesse de la nature humaine est le Christ Sauveur qui peut restaurer une nature déchue par le péché originel :

« Rappelle-toi, Seigneur, Seigneur de compassion,

Dieu sincère, épris de justice,

Considère à nouveau ma nature, mon essence toujours coupable,

Examine en moi m’irriguant de partout,

Les veines où circule mon sang ;

Viens constater en médecin,

Que je suis un esprit brutal, un homme confirmé dans les projets pervers (…)

Notre engeance est maligne, notre faute est congénitale (…) LL79, 1

Pierre de Grauw, Job en discussion avec ses amis, sculptures de cuivre, 230X110X130cm, 1996, installées en 2015 à l’Espace Pierre de Grauw, Pont Scorff, Morbihan : « La nouvelle de tous les maux qui avaient frappé Job parvint à ses trois amis…Ils décidèrent d’aller le plaindre et le consoler. » Job2, 11-13.

« Qu’elle se crée de neuf, la nature de mon être,

Sous l’abri charnel de mon corps ! » LL78, 4

Le vocabulaire médical abondant est une reprise de l’image biblique du Christ thaumaturge et des guérisons évangéliques qui se réalisent selon la plus ou moins grande distance physique de la personne du Christ. Ainsi le lépreux se prosterne aux pieds du Christ, tandis que les aveugles le suivent à sa voix. Le serviteur du centurion, lui, est guéri de loin, sur la parole du Seigneur. Le moine partage les maux physiques et moraux des pécheurs de l’évangile :

« M’associant maintenant à celui dont le corps souffrait cruellement des douleurs de la lèpre,

Je te supplie encore pour mon âme en péril :

Seigneur, si tu le veux, tu peux me purifier !

Partageant l’affliction des aveugles qui vont en tâtonnant dans leur nuit perpétuelle,

Je crie vers toi à haute voix (…)

Je n’attends pas seulement que tu étendes la main pour me toucher,

Ô Dieu si proche en ta miséricorde,

Mais même de très loin, à très grande distance,

J’espère ma guérison de la force de ta parole (…)

Enonce ta parole et je serai guéri. » LL17, 3

Cependant le Christ, remonté vers le Père, n’abandonne pas les hommes à leur solitude existentielle. Il leur laisse l’Esprit-Saint, présent dans les sacrements. Ainsi les hommes disposent du remède de la pénitence. Le Livre de Lamentation est d’ailleurs conçu comme un sacramentel, une purification de la conscience, préparant à l’union eucharistique. Les sacrements sont un viatique, pas seulement au moment de l’agonie, qu’accompagne tout le rituel arménien pour la guérison des malades. Ce n’est pas non plus un exercice spirituel destiné aux seuls moines. Le souci de Grégoire de Narek est d’atteindre l’humanité tout entière.

C’est une invitation à méditer sur le Christ de la Passion, le Christ aux outrages, dans un travail de mémoire, où, à chaque outrage, est associée la guérison d’un péché, par la puissance de la Rédemption :

« Je t’en supplie, éloigne de moi,

Par ta croix lumineuse, le lacet pernicieux,

Par l’angoisse de ton agonie, le chagrin de mes doutes,

Par la couronne d’épines, les ronces de mon péché,

Par la flagellation, l’atteinte de ma mort,

Par le souvenir des soufflets, les morsures de ma honte,

Par l’outrage des crachats, ma misérable turpitude,

Par le breuvage de fiel, l’amertume de mon âme ! » LL37, 4

La contemplation du Christ souffrant de la Passion conduit à l’union mystique dans l’Eucharistie :

« Par tes savants remèdes et ton art éprouvé

Tu donnes la vie incorruptible,

Puissant roi des cieux, Seigneur Jésus-Christ,

Dieu de tous les êtres spirituels ou visibles.

Maintenant viens en moi, comme dit le prophète

Evoquant la nouvelle alliance,

Pour que, par l’accord harmonieux de ces mots qui m’unissent à toi,

Je sois illuminé, restauré dans la vie de l’âme et de la chair,

Dieu invincible et suffisant à tout !

Car tu n’as nul besoin d’onguents

Pour panser les blessures de mon âme,

Ni du moyen, ni du moment,

Ni de l’étendue des journées,

Ni de la variété des soins, ni de brûlures, ni d’opérations,

Semblables aux remèdes terrestres,

Toujours menacés par l’échec,

Balancés du doute à l’erreur. » LL43, 1

Enluminure du monastère de Skevra, 1173, Matenadaran, Erevan : Grégoire le Veilleur en dialogue avec le Christ.
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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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