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Ténèbres et Lumière dans le Livre de Lamentation de Grégoire de Narek

Publié le : 19 Mai 2016
Les lieux ténébreux des enfers hantent le Livre de Lamentation, mais la descente du Christ aux enfers illumine les âmes endormies dans la mort qu’Il nourrit du Pain de Vie, Corps glorifié de sa Résurrection:

« Il descendit aux lieux ténébreux des enfers,

Arracha de leurs liens ses propres créatures prisonnières du diable

Puis, comme s’éveillant des torpeurs du sommeil,

Il écarta de lui les assauts de la mort

Se dressa, revint divinement à la vie,

Monta de terre comme le pain vivant, le berger du troupeau des brebis raisonnables » LL75, 5

C’est pourquoi, dans la Divine Liturgie arménienne (messe pour les catholiques), tout chante la Gloire des trois Personnes de la Trinité. Plusieurs éléments architecturaux de l’église arménienne y participent. La coupole représente la voûte céleste, « ciel du ciel sur la terre ».

Coupole de l’église arménienne ouverte à la lumière, « ciel du ciel sur la terre ».

« Ciel du ciel (=erkin) sur la terre (=erkir),

Figure auréolée d’un éclat lumineux (…)

Comme l’infinité de la lumière de Dieu

Baigna jadis la face du prophète (=Moïse), ainsi recouvrit-on les figures de l’Eglise ;

Comme on fuyait jadis l’éclat de ce visage,

De même on ne put supporter dans le temple l’aspect de cette gloire ;

Mais aujourd’hui, lors de la grande fête où l’on célèbre ses louanges,

Cette lumière est chantée par les chœurs (…) » LL75, 10

La gloire de Dieu empêchait jadis Moïse d’entrer dans le tabernacle, car on ne peut apercevoir cette gloire rayonnante sans se voiler la face. Dieu s’est incarné en la Personne du Fils :

« Sublime est son unique, au redoutable nom, (=le Christ)

Qui partage le même honneur, s’apparente au même mystère,

Constitue la même Trinité lumineuse en une plénitude à quoi rien ne s’ajoute. » LL75, 5

La Personne de l’Esprit-Saint, qui planait sur les eaux,  « quand la nuit enserrait le monde », est à son tour adorée :

« Nous bénissons, avec le Père et le Fils,

Celui qui jaillit d’eux sans être séparé, l’Esprit souverain qui partage leur gloire.

Il a créé toute chose et engendre tout être à la vie :

Dès le commencement,

Quand la nuit enserrait le monde, quand la brume embrassait l’univers,

Il tournoyait façonnant, figurant à l’avance,

Par l’infinie fécondité des eaux, par l’immense étendue de la mer sur la terre,

L’accomplissement du mystère présent, le saint baptême de lumière. » LL75, 6

C’est aussi l’Esprit de la Pentecôte, au cénacle, où sont réfugiés les apôtres apeurés :

« Le trésor de cette vie a pris commencement en cette salle haute (=le cénacle)

Où fut accompli le mystère. L’Esprit divin emplit ce lieu,

Il y fit éclater sa puissance au jour auguste de la Pentecôte.

La maison rayonna tout d’abord d’une magnifique apparence qui figurait le saint achèvement de la grâce

Et honorait d’avance l’accroissement de l’Eglise ici-bas,

Puis la gloire lumineuse du renouveau revêtit tous les hôtes de la demeure. » LL75, 7

Ce travail de l’Esprit se poursuit dans l’Eglise :

« …elle (=l’Eglise) accomplit cette merveille

De porter à sa perfection, d’affermir en nous de nouveau

L’image de la lumière, la forme restaurée de la gloire. » LL75, 8

Le mystère de la Trinité est évoqué par le terme de « trishagion » : « Mais c’est là le principe de l’amour céleste, de la lumière sans ombre, qui s’est révélé parmi nous,

Et qui est célébré comme Dieu sans commencement, sous l’unique couronne du trishagion. » LL13, 1

Le Trishagion est la vision de la gloire de Dieu trinitaire et de la liturgie des anges dans le ciel. La Divine Liturgie arménienne n’est pas une invention humaine, mais une réplique de l’adoration des anges dans les cieux. Ce n’est pas la simple récitation d’une prière, mais une adoration de l’Invisible. L’autel dans l’abside de l’église arménienne est surélevé par une estrade ou bem, qui sépare le fidèle du sacré. Un rideau sert de voile au rayonnement du Verbe divin. Ainsi le bem, tribune du sanctuaire bâti de main d’homme, se confond avec la demeure de « l’insondable mystère, hors d’atteinte et sans commencement, la chambre élevée où Dieu trône, entouré des anges de feu, au milieu de l’inaccessible lumière ».

Autel surélevé par le bem (estrade), Cathédrale d’Etchmiadzin, siège de l’église apostolique arménienne.

C’est pourquoi le prêtre lui-même s’habille de cette lumière. La somptuosité de ses vêtements est l’image matérielle de la gloire qui entoure le Dieu Tout-Puissant.
Cette liturgie riche et complexe dérive de la liturgie primitive de saint Basile et de saint Jean Chrysostome, avec des emprunts à la tradition syriaque. Saint Grégoire de Narek écrit dans son Ode sur l’Église universelle que, dans ces cérémonies, « le ciel est sur la terre et la terre est aux cieux ».

Mosaïque de la Chapelle du Palais à Palerme, vers 1150, Saint Basile et Saint Jean Chrysostome, auteurs de Divines Liturgies.
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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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