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Structure du récit dans le Livre des Fondations de Thérèse d’Avila.

Publié le : 31 Juillet 2014
Parmi les recherches de la linguistique structurale, deux types d’analyse offrent un outil d’étude du Livre des Fondations.
Le schéma quinaire hérité du linguiste russe Propp et le schéma actantiel créé par A.J. Greimas en 1966 permettent en effet d’analyser les étapes que l’on rencontre à chaque fondation d’un Carmel réformé par Thérèse d’Avila.

Toutes les histoires, selon Propp, présentent toujours la même structure : un personnage cherche à réaliser un but et doit, pour cela, affronter une série d’obstacles. Le récit se définit ainsi comme le passage d’un état à un autre. L’intrigue répond au modèle suivant, présenté sous le nom de « schéma quinaire », car il offre cinq étapes : un état initial d’équilibre, un élément  déclencheur, une action effective, un épisode qui clôt le processus et un état final d’équilibre. Cette reconstruction de la logique du récit permet de saisir les intentions narratives.

 

Le récit du Livre des Fondations débute par un état d’équilibre, de quiétude dans la vie religieuse de Thérèse d’Avila : « Je suis restée cinq ans à Saint-Joseph d’Avila après sa fondation. Je le vois bien aujourd’hui : ces années-là auront été les plus paisibles de ma vie ; il arrive souvent à mon âme de regretter ce calme et cette quiétude » (FI, 1).  Cependant la voix divine sert d’élément déclencheur, lorsque Thérèse est invitée par « Sa Majesté » à fonder un monastère : « Quand le Seigneur décide que je dois fonder un de ces couvents, aucune difficulté ne me paraît capable de me faire renoncer » (FIII, 4).

L’action est alors constituée de toutes sortes d’obstacles à surmonter: autorisations des autorités ecclésiastiques et civiles à obtenir, aide pécuniaire de donateurs à trouver, maison à louer, voyage éprouvant, arrivée nocturne sur les lieux, travaux à entreprendre. Le lieu est nettoyé, orné et la messe est célébrée aux premières heures du jour. Puis on recherche une maison définitive, et le déménagement se fait un peu plus tard.

L’épisode qui clôt le processus est la fondation qui a vraiment lieu au moment où le Très Saint Sacrement est posé solennellement : « J’éprouve toujours une extrême consolation à voir une église de plus où réside le Très Saint Sacrement » (FIII, 10).

L’état final d’équilibre est retrouvé lorsque la clôture est installée et que commence une nouvelle vie communautaire et liturgique : « On arrangea les choses de telle sorte que nous pûmes y rester plusieurs années dans de bonnes conditions » (FIII, 15).

 

Tandis que le schéma quinaire explique l’intrigue, le schéma actantiel met plutôt l’accent sur les personnages. Tout récit étant fondé sur un conflit, deux personnages au moins sont présents dans tout récit : le sujet et son adversaire. Selon Greimas, ceux qui agissent dans un récit sont au nombre de six : sujet-objet, opposant-adjuvant, destinateur-destinataire. Tout récit se définit comme la quête d’un objet par un sujet. Les obstacles rencontrés sont autant d’épreuves qui font surgir des opposants que le sujet affronte à l’aide d’adjuvants. La quête a, de plus, une origine (le destinateur) et une finalité pouvant concerner différents personnages (les destinataires).

Appliquons ce schéma au Livre des Fondations. Le sujet est ici Thérèse d’Avila, et son objet est la fondation de carmels réformés. Le destinateur est Sa Majesté qui s’adresse directement à elle, mais c’est aussi le Père Général d’Avila qui l’autorise à fonder, et maître Ripalda, recteur des jésuites de Salamanque, puis le Père Gracian qui l’incitent à écrire. Thérèse d’Avila est soutenue, à chaque étape de la fondation de Medina del Campo, par toutes sortes d’adjuvants : ses anciens confesseurs jésuites (P.Baltazar Alvarez) ou dominicains (maître Domingo Banez), des carmes  (frère Antonio de Heredia et Jean de la Croix), un prêtre d’Arévalo, un marchand, et aussi une demoiselle très vertueuse ou une dame toute dévouée (Elena de Quiroga).

Cependant les opposants sont nombreux : « Quand on apprit la nouvelle à Avila, les commentaires ne manquèrent pas. Les uns disaient que j’étais folle ; d’autres attendaient de voir comment finirait cette extravagance. » Puis, ce sont les monastères augustins qui s’opposent à leur installation. De plus, Thérèse d’Avila se sent une responsabilité vis-à-vis des sœurs qu’elle a entraînées dans cette aventure, en particulier deux religieuses de l’Incarnation d’Avila (dont la supérieure), « de bonne famille, qui étaient venues contre la volonté de leurs parents qui pensaient que c’était de la folie » (FIII, 4).

Les destinataires sont ceux à qui la fondation va profiter, donc à la fois cette population citadine qu’il a fallu convaincre du bien-fondé de l’entreprise, mais aussi les sœurs elles-mêmes qui l’ont accompagnée, les futures prieures, les lecteurs de tous temps, et, en fin de compte, le Seigneur qui sera ainsi mieux servi.

 

« Devant toutes ces préoccupations, je décidai de faire appel aux pères de la Compagnie de Jésus, qui avaient beaucoup de crédit dans cette ville, Medina (…). Nous arrivâmes à Medina del Campo, la veille de l'Assomption, à minuit (…). Grâce à la miséricorde de Dieu, bien qu’à cette heure-là on enfermât des taureaux pour la course du lendemain, nous n’en trouvâmes aucun sur notre route (…). En  arrivant à la maison, nous entrâmes dans la cour. Il me sembla que les murs n’étaient pas très solides (…). Quand la messe fut terminée, je m’approchai d'une fenêtre pour voir la cour et je m'aperçus que tous les murs étaient éboulés par endroits. Ah, mon Dieu ! Quand je vis Sa Majesté exposée en pleine rue, à une époque aussi dangereuse que la nôtre à cause de ces luthériens, quelle angoisse me serra le cœur ! » (F III,1,8,10).
     

Patio de la Fondation du Monastère Saint-Joseph (15 août 1567) à Medina del Campo

Cette fondation féminine de Medina del Campo va entraîner celle des Carmes déchaux : « Le prieur de Medina me promit d’être le premier à se déchausser (…) et m’affirma que, depuis longtemps, le Seigneur l’appelait à une vie plus sévère (…). Peu après, on vit arriver à Medina un père très jeune étudiant à Salamanque (…). Il s’appelle Jean de la Croix. Ses propos me plurent beaucoup et il m’apprit qu’il voulait lui aussi aller chez les Chartreux » (FIII, 16-17).Thérèse d’Avila lui démontre « qu’il serait préférable, s’il tenait à mener une vie plus austère, de le faire dans un monastère de son ordre. » 

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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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