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Récit de la « Transverbération » (Livre de la vie XXIX, 13)

Publié le : 4 Juin 2014
Gian Lorenzo Bernini (1598-1680), dit le Cavalier, est un artiste italien, maître du baroque, qui construisit la colonnade de la Place Saint-Pierre de Rome, le baldaquin et la Chaire de Saint Pierre. Le groupe sculpté par Le Bernin « Extase ou Transverbération de sainte Thérèse d’Avila » se trouve dans la Chapelle Cornaro de l’église Santa Maria della Victoria, à Rome.

Le BERNIN, Transverbération, Chapelle Cornaro, Santa Maria della Vittoria, Rome

La transverbération est le fait d’être transpercé, blessé au cœur. Le sculpteur trouve son inspiration dans le récit par Thérèse d’Avila de son extase dans le Livre de la vie : « C’est alors qu’il plut au Seigneur de m’accorder parfois cette vision : je voyais près de moi un ange (…) dans ses mains un long dard en or dont la pointe de fer portait, je crois, un peu de feu. Parfois, il me semblait qu’il me l’enfonçait dans le cœur plusieurs fois et qu’il m’atteignait aux entrailles. Lorsqu’il le retirait, on eût dit qu’il me les arrachait, me laissant tout embrasée d’un grand amour de Dieu. La douleur était si vive, qu’elle me faisait pousser ces plaintes dont j’ai parlé, et la douceur qu’elle me procure est si extrême, qu’on ne saurait désirer qu’elle cesse et l’âme ne peut se contenter de rien moins que de Dieu. Ce n’est pas une douleur corporelle, mais spirituelle, bien que le corps ne manque pas d’y participer un peu, et même beaucoup. Ce sont de si doux échanges entre l’âme et Dieu, que je le supplie de bien vouloir les faire goûter, dans sa bonté, à quiconque penserait que je mens… » (XXIX, 13).

La Chapelle Cornaro est située au croisillon du transept et donc très haute, ce qui va permettre au Bernin une vaste mise en scène, caractéristique de l’esthétique baroque. Au premier plan, le regard du spectateur est attiré par l’éclairage de la scène : une lumière zénithale, traversée de rayons de Gloire en bois doré, vient se refléter sur le visage de marbre blanc et dans les plis et replis de la robe de la sainte. Le visage de l’ange et le bras tenant la flèche pointée sont aussi illuminés. Les colonnes de part et d’autre des deux personnages délimitent un espace scénique. Le décor théâtral semble évoquer un combat cosmique entre la coulée de nuages qui sert de support aux personnages et le vent qui s’engouffre dans les plis des vêtements. Comme dans le théâtre baroque et l’auto sacramental de Calderon, deux mondes s’affrontent en un combat spirituel : le monde terrestre et le monde céleste. Sur la scène, un « acteur » est renversé au sol, terrassé, blessé par la flèche de l’ange au sourire mystérieux. Cependant la posture de la sainte évoque un corps en pâmoison, abandonné à son extase, dissout dans la passion mystique. Seule l’esthétique baroque pouvait avoir l’audace, en pleine église, de figurer par une jouissance physique une extase mystique. Cependant la symbolique nuptiale pour évoquer l’amour divin entre l’Ame et l’Epoux est aussi ancienne que le Cantique des Cantiques. En outre, les Exercices spirituels d’Ignace de Loyola de la Compagnie de Jésus, parus en 1548, conseillaient d’utiliser ses sens pour pénétrer les mystères divins. L’art de la Contre Réforme, orchestré par les Jésuites, vise ainsi à toucher la sensibilité du fidèle pour le ramener à Dieu.

On a tendance à isoler le groupe de ces deux sculptures du vaste programme iconographique conçu par Le Bernin pour cette chapelle. Le commanditaire en est le cardinal Frederico Cornaro, patriarche de Venise. Il demande au Bernin de le représenter avec le doge Giovanni Cornaro et six cardinaux de la famille et du siècle précédent. L’œuvre, exécutée entre 1648 et 1652, est donc achevée trente ans après la canonisation de Thérèse d’Avila en 1622. Ainsi on aperçoit, à droite et à gauche de la scène centrale, les membres de la famille Cornaro en « sainte conversation », discutant sur le Mystère de la Transverbération. Ils sont aux « premières loges » mais ne peuvent apercevoir la scène.

Cardinaux en « sainte conversation » à propos de l’Extase de sainte Thérèse, Chapelle Cornaro.


De plus, au centre de cette chapelle, en-dessous de la représentation de l’Extase, se trouve l’autel surmonté d’un bas-relief en bronze qui représente la Cène, institution par le Christ du sacrement de l’Eucharistie, présence réelle du Corps glorifié du Christ ressuscité. Au sol, deux squelettes rappellent, au-delà du Memento mori antique, l’Espérance en la Vie éternelle.

Si maintenant, le spectateur regarde vers le haut, vers la voûte en berceau, il découvre des anges adorant l’Esprit-Saint représenté par une colombe. Ils ont été peints par Abbatani sur des dessins du Bernin. « Certains ont pris du volume et ont été réalisés en stuc. C’est l’un d’entre eux qui est descendu de cet empirée, après avoir abandonné le stuc léger pour du marbre plus pesant pour transverbérer Thérèse d’Avila » écrit Nicolas Mattei dans une conférence sur l’art baroque donnée à Bastia en décembre 2009. Il évoque « la culture baroque (où) les anges passent de la peinture au stuc, du plat pictural au relief sculptural, du stuc au marbre, du léger au plus lourd finalement. Ces sauts, d’un matériau à un autre, d’un art à un autre, d’une nature à une autre, sont l’essence même de l’art baroque... »

Il était donné au génie baroque du Bernin  de représenter ainsi l’abandon à la grâce divine.

Le BERNIN, Transverbération, Chapelle Cornaro, Santa Maria della Vittoria, Rome
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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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