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Poésie et mystique chrétienne chez Jean de la Croix

Publié le : 12 Février 2014
On trouve dans le Dictionnaire philosophique de Morfaux la définition suivante : « Mysticisme : croyance à un ordre de réalités surnaturelles et à la possibilité d’une union intime et directe avec Dieu sur un mode d’existence et de connaissance radicalement distinct de l’existence sensible et de la connaissance rationnelle. »

Cependant aujourd’hui le terme de mystique l’emporte sur celui de mysticisme, il s’est largement étendu, non seulement à l’ensemble des autres religions (mystiques musulmanes, hindouistes, bouddhistes.. .), mais également à d’autres champs du savoir (philosophie politique, histoire…). Les angles d’analyse sont aussi devenus très variés, depuis que les sciences humaines ont envahi ce domaine. La question se pose, même à l’intérieur du Christianisme, de la légitimité de l’écrit mystique qui relate de telles expériences.

Comment, au terme de cette étude, caractériser la poésie mystique de Jean de la Croix ?

Le thème de la « mystique » chrétienne est celui de l’union d’amour à Dieu, de la relation de personne à Personne. Le point de départ de l’écrit mystique est, en effet, une expérience indicible, ineffable, sans intermédiaire, de Dieu, et un aveu d’impuissance à la relater. C’est donc, d’emblée, une écriture paradoxale :

« De piété, de quiétude

C’était là science parfaite,

Au profond d’une solitude

Une voie entendue directe ;

C’était là chose si secrète

Que suis resté balbutiant,

Toute science dépassant »

écrit Jean de la Croix dans ses Couplets sur une extase de haute contemplation.

La question qui se pose est de savoir si la mystique ne concurrence pas la Parole révélée de la Bible. Or précisément la poésie de Jean de la Croix est, par ses images, ancrée dans une profonde tradition biblique et patristique, qui l’éloigne de tout l’illuminisme des alumbrados, ces communautés de laïcs au spiritualisme radical, rejetant les sacrements, l’Eglise et toute référence au Christ.

D’ailleurs cette poésie est bien incarnée dans son siècle, au carrefour de courants littéraires (fin’amor, courtoisie, pastorale), qu’elle transpose volontiers « a la divino », comme on le fait fréquemment en Espagne au XVIème siècle. Elle possède le génie musical de la langue espagnole, particulièrement de la lira castillane de la Chanson d’amour. C’est une poésie suggestive, concise, élégante du « no sé qué » où l’être accepte de se perdre pour se trouver.

Cette poésie conduit, en effet, de la nuit obscure à la nuit sereine qui unit « l’ami avec l’aimée, l’aimée en l’ami même transformée. » Cependant Dieu ne se confond pas avec les créatures. Dieu invite l’homme à s’unir à Lui par participation, « comme la vitre est rayon et lumière par participation, l’âme est Dieu par participation. » La voie mystique n’est ni une initiation (comme dans les religions à mystères de l’Antiquité) ni une gnose (dans laquelle le mouvement de connaissance va de l’homme à Dieu). Dans le Christianisme, c’est Dieu qui se révèle à l’homme et s’incarne, et le salut offert est universel.

De même, si on note un éclatement des limites spatiotemporelles dans la poésie de Jean de la Croix, celle-ci est cependant éloignée de tout panthéisme. Dieu reste le Créateur de la Nature. Il ne s’opère pas de fusion avec l’ensemble indifférencié de la Nature, du Grand Tout.

Dieu est à la fois proche et Tout Autre, « Deus absconditus ». Jamais l’homme n’aura une claire connaissance de « la Ténèbre divine » en cette vie, car « il n’y a pas de paroles pour expliquer les choses de Dieu si élevées, telles que celles qui passent en ces âmes ; le langage qui leur est propre est que celui qui les possède les comprenne et les sente pour soi, qu’il en jouisse et qu’il les taise. » Lhama 2, 21.

C’est pourquoi, paradoxalement, la poésie, art du langage, est la plus amène pour en parler…

« En effet, qui pourra écrire ce que (l’Esprit du Seigneur) donne à entendre aux âmes amoureuses en qui il demeure ? Et qui pourra manifester par des mots ce qu’il leur fait sentir ? Et qui, finalement, ce qu’il leur fait désirer ? Certainement, nul ne le peut et, certainement, pas celles en qui cela se passe ne le peuvent. Car telle est la cause pour laquelle c’est avec des figures, des comparaisons et des similitudes qu’elles déversent un peu de ce qu’elles sentent et de l’abondance de l’esprit répandent secrets et mystères, plutôt qu’elles ne les expliquent avec des raisons » écrit Jean de la Croix dans son Prologue au Cantique spirituel. Le poète distingue alors « la théologie scolastique par laquelle on comprend les vérités divines » de « la théologie mystique, qui se sait par amour et où ces vérités non seulement se savent, mais conjointement se goûtent. »

Ainsi la poésie mystique recourt aux figures rhétoriques propres à la poésie: emploi de la négation, oxymore, énumération, répétition, comparaison, métaphore, symbole… Toutes cherchent à évoquer le Verbe divin.

Coupole de la Chapelle consacrée à Thérèse d’Avila et Jean de la Croix, Monastère de l’Incarnation, Avila
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geoffray
geoffray a écrit :
13/01/2019 11:23

pouvez vous préciser la référence Lhama 2,21?
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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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