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Petite pièce de vers de Jean de la Croix sur le dessin du Mont Carmel.

Publié le : 24 Octobre 2013
La montagne du Carmel est à la fois un lieu réel, symbolique et biblique. Le mont Carmel se trouve en Palestine, au-dessus du port d’Haïfa. C’est là qu’à la suite du prophète Elie se seraient installés dès le Moyen Age des ermites, avant la naissance de l’ordre des Carmes au XIIIème siècle, sous le signe d’Elie et le patronage de Marie.


             
      

A gauche, dessin à la plume de la « montagne de perfection » portant la « Petite pièce de vers » (Bibliothèque Nationale d’Espagne, ms.6296, f°7), transcription probable d’un autographe de Jean de la Croix dédié à Mère Madeleine du Saint-Esprit. A droite, interprétation moderne de l’édition française Lucien-Marie (1943), sans la pièce de vers.


Jean de la Croix a esquissé un dessin qui porte le titre de « monte carmelo » (mont carmel), qui nécessite quelques explications. De part et d’autre du chemin médian qui monte droit vers le cercle central, nous apercevons deux collines. A droite, ce sont les biens de la terre, chemin de l’esprit égaré, où il est écrit «goût ni celui-là, liberté ni celle-là, honneur ni celui-là, science ni celle-là, repos ni celui-là », tous ces biens sensibles sont illusoires. A gauche, ce sont les biens du ciel, chemin de l’esprit imparfait, où il est écrit : « gloire ni celle-ci, sécurité ni celle-ci, joies ni celles-ci, consolations ni celles-ci, savoir ni celui-ci », toutes ces consolations spirituelles n’ont pas encore atteint leur perfection. Au centre, un chemin étroit monte tout droit : c’est le sentier du mont Carmel, de l’esprit de perfection qui part du NADA de la condition humaine, mot répété six fois, au TODO, au Tout divin, inscrit dans le cercle par cette formule « Seuls l’honneur et la gloire de Dieu habitent sur cette montagne. » Le cercle lui-même est formé par la phrase  latine suivante : « Introduxi vos in terram carmeli ut comederetis fructum ejus et optima illius » (Je vous ai introduit sur la terre du carmel « pour vous rassasier de ses fruits et de ses biens » Jérémie, 2,7). Ces fruits sont disséminés comme des pétales autour du cercle : paix, joie, goût, allégresse, sagesse (au point central), justice, force, charité, pitié, dons de l’Esprit-Saint. Aussi l’âme peut-elle chanter : « ne me da gtia nada » (plus rien ne me donne joie), « ne me da pena nada » (plus rien ne me peine), « Depuis que je ne veux rien tout m’est donné sans le chercher. Depuis que je suis placé dans le rien je trouve que rien ne me manque. » Enfin une phrase surplombe l’ensemble de ce dessin : « Il n’y a pas de chemin par ici parce qu’il n’y a pas de loi pour le juste ». La « Petite pièce de vers » constitue, quant à elle, la base du dessin.


Petite pièce en vers (versillos) portée sur le dessin de la montagne de perfection :


Pour en venir à goûter tout
Ne veuille avoir de goût en rien,
Pour en venir à savoir tout
Ne veuille avoir savoir en rien,
Pour venir à posséder tout
Ne veuille possession de rien,
Pour en venir à être tout
Ne veuille être de chose en rien.

Pour en venir à ce que point ne goûtes
Tu iras où tu n’as de goût,
Pour venir à ce que ne sais
Tu iras par où tu ne sais,
Pour venir à posséder ce que ne possèdes,
Tu iras par où rien ne possède
Pour en venir à ce que tu n’es pas
Tu iras par où tu n’es pas.

Quand tu t’arrêtes à une chose
Tu cesses de te jeter au tout,
Pour en venir du tout au tout
Tu te nieras du tout au tout,
Et quand tu en viendras à tout avoir
Tu l’auras sans ne rien vouloir.


Cette petite pièce de vers est composée de deux huitains et d’un sizain de décasyllabes où le rythme est donné par une série d’antithèses de rimes alternées à la 1ère strophe (tout/rien), et de répétitions (goûter, savoir, posséder, être) dans les rimes suivies de la 2ème strophe. La rime de la 3ème strophe est la même, en « o », avec une accentuation mise sur « todo » ; seules les deux derniers vers apportent une nouvelle rime « todo a tener/ sin nada querer » (tout avoir sans ne rien vouloir), qui résume parfaitement l’esprit du poème, qui est celui du détachement de tout pour tout gagner dans ce chemin de perfection. L’effet chantant est encore accentué par les anaphores de l’expression du but « pour en venir » alternant avec les impératifs « ne veuille » à la 1ère strophe. Une variante apparaît à la 2ème strophe : le but « pour en venir » alterne avec la 2ème personne du futur du verbe être « has de ir por donde» (tu iras (par) où). Dans ce poème, il n’y a guère de mot qui ne soit pas répété ou antithétique. On croirait lire des séries d’apophtegmes, ces paroles mémorables ayant valeur de maximes, indépendantes les unes des autres. Cependant on atteint un sommet avec les deux vers de chute, où la dépossession est paradoxalement  comblée par la plus haute possession qui soit.



 

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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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