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Le bestiaire dans le Château intérieur ou les Demeures de l’âme de Thérèse d’Avila

Publié le : 20 Novembre 2014
On est frappé, à la lecture des deux premières Demeures du Château intérieur, par l’abondance du vocabulaire animal. Il est question de « bestioles et de bêtes brutes qui vivent aux abords du Château » (I, I, 6), de « sales bêtes qui se glissent dans les premières pièces » (I, II, 8).

Ces bêtes sont grouillantes, venimeuses, elles obstruent le passage de la lumière, car elles se complaisent près des eaux noirâtres et nauséabondes : « Presque rien de la lumière qui parvient du palais où se tient le Roi » ne touche l’âme, à cause d’un « fléau de couleuvres et de vipères et autres bestioles venimeuses qui ne laissent pas l’âme profiter de la lumière » (I, II, 14). Ce sont « les couleuvres des choses du monde » et de ses vanités, dont la fréquentation est si dangereuse qu’il est impossible de ne pas se faire mordre.

Gustave Moreau, Apollon vainqueur du serpent Python, avant 1885, huile sur acajou, 23,1X16,5 cm, Musée des Beaux Arts du Canada, Ottawa.

Cette vision imagée, dominée par la couleur noire et l’absence de lumière, est allégorique du mal et du péché : « Il n’est pas de ténèbres plus ténébreuses, rien de si sombre et de si noir. » D’ailleurs, le démon se définit comme « les ténèbres en personne » (I, II, 1).

Toutes ces bêtes empêchent l’âme de se connaître elle-même, de rentrer en soi, de pratiquer l’oraison et elles refroidissent l’amour et la charité des uns envers les autres. Elles sont toujours une occasion de chute et elles entretiennent nos vices, qui sont l’habitude du mal. « Voilà ce qu’ont fait ces poisons que nous pratiquons ; c’est comme lorsqu’une vipère vous mord, le venin se répand et tout se boursoufle » (II, I, 5).

Cependant la prieure poursuit : « Même de cette chute Dieu tirera du bien pour vous, comme le fait le vendeur de thériaque qui, pour s’assurer de l’effet de cet antidote, commence par absorber un breuvage empoisonné » (II, I, 9).

Elle conclut par la nécessité de placer sa confiance en la miséricorde de Dieu et non en soi, et ces âmes « verront comme sa Majesté les mène de demeure en demeure, jusqu’à les faire aborder au pays où les bêtes sauvages ne pourront ni les atteindre ni les harceler » (II, I, 9). En effet, plus on avance dans les Demeures du Château intérieur, plus la lumière filtre et plus l’âme se trouve apaisée.

A l’opposé des ces reptiles qui évoquent le serpent de la tentation, l’âme est représentée, à partir des Troisièmes Demeures, par l’image de l’oiseau : « Il semble que l’envol (des grands spirituels) nous donne l’audace de prendre notre essor, comme le font les petits des oiseaux quand ils apprennent à voler ; ils ne se lancent pas d’entrée dans un vol au long cours, mais imitent peu à peu leurs parents » (III, II, 12).

A partir des Cinquièmes Demeures, l’image de la colombe se mêle, de façon alternative et indistincte, à celle du papillon, en une métaphore filée de l’âme. N’oublions pas que l’Andalousie est le pays de la sériciculture et Thérèse d’Avila nous montre comment de la chrysalide du ver à soie jaillit le papillon. Ce ver commence à vivre « à la chaleur de l’Esprit-Saint », il se nourrit des sacrements et construit la maison où il doit mourir pour que Sa Majesté elle-même soit sa demeure.

Le chapitre II des Cinquièmes Demeures fait une description détaillée de cette métamorphose : « Voyons maintenant, car c’est pour en arriver là que j’ai dit tout le reste, ce que devient notre petit ver qui, alors qu’il est bien mort au monde dans le cocon de l’oraison, en sort transformé en papillon blanc. Oh, grandeur de Dieu ! »

« Mais revenons à notre petite colombe et voyons un peu ce que Dieu lui accorde en cet état. Il est bien entendu qu’elle doit toujours tâcher d’aller plus avant dans le service de Notre-Seigneur et dans la connaissance de soi » (V, III, 1). « Je crois que vous avez envie de savoir ce que devient notre petite colombe et où elle niche… Cependant je ne puis satisfaire votre souhait avant la dernière demeure » (V, IV, 1). « On va croire que nous avons bien négligé notre jolie colombe : eh bien, non, point du tout car ce sont ces épreuves qui la font voler plus haut » (VI, II, 1).

La prieure énumère alors ces épreuves : persiflage des gens ou, au contraire, excès d’éloges, très grave maladie, ce qui n’est rien par rapport aux peines intérieures.  « Avec tous les tracas que l’on a dits, et tout le reste, quelle paix peut donc trouver le pauvre petit papillon ? » (VI, IV, 1). Cependant la plainte se transforme en prière : « Oh, pauvre petit papillon qu’entravent tant de chaînes qui t’empêchent de voler autant que tu voudrais ! Ayez-en pitié, mon Dieu, faites en sorte qu’il puisse réaliser quelque peu ses désirs pour votre honneur et votre gloire » (VI, VI, 4).

La double métaphore de la colombe et du papillon montre les différents états d’oraison par lesquels passe l’âme éprise de Dieu : « Est-ce que toutes ces faveurs que l’Epoux a faites à l’âme auront suffi pour que la petite colombe (ou le petit papillon, comme je dis aussi, et ne pensez pas que j’oublie) soit satisfaite… ? » (VI, XI, 1). En fait, le désir de Dieu s’accroît avec une telle intensité qu’il deviendrait une peine insurmontable sans le secours divin. L’âme-papillon est alors au seuil des Septièmes Demeures et de l’union mystique.

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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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