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Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

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La saveur dans Glose en style divin de Jean de la Croix, poème attribué

Publié le : 17 Septembre 2013
A travers ce poème, Jean de la Croix nous montre combien la beauté divine surpasse toutes les autres formes de beauté que perçoivent nos sens.

Pour la tout entière beauté
Ne risquerai quoi que ce soit
Sinon pour un je ne sais quoi
Que d’aventure on peut trouver.

Saveur d’un bien qui est fini
Ne peut rien donner, si ce n’est
De vous fatiguer l’appétit
Et vous ravager le palais ;
Ainsi pour douceur savourée
Ne risquerai quoi que ce soit,
Sinon pour un je ne sais quoi
Que d’aventure on peut trouver.

Qui possède un cœur généreux
Jamais ne craint de s’arrêter
A l’endroit où l’on peut passer
Si ce n’est au plus périlleux ;
Rien ne lui cause satiété
Et elle monte tant sa foi
Qu’il goûte à un je ne sais quoi
Que d’aventure on peut trouver.

Celui qui d’amour a douleur,
Que l’être divin a touché,
Son goût en est si transformé
Qu’il refuse toute saveur,
Comme qui de fièvre est brûlé
A le dégoût des mets qu’il voit
Et désire un je ne sais quoi
Que d’aventure il peut trouver.

Rien d’étonnant en la matière
Que le goût demeure tel quel,
Car la raison du mal est telle
Qu’à tout le reste est étrangère ;
Et ainsi tout être créé
Privé de lui-même se voit
Et il goûte un je ne sais quoi
Que d’aventure on peut trouver.

Car en étant la volonté
Par la divinité touchée,
Elle ne peut être payée
Sinon par la divinité ;
Mais si est telle sa beauté
Que ne peut se voir que par foi,
La goûte en un je ne sais quoi
Que d’aventure on peut trouver.

Or d’un tel être en sa passion
Dites-moi si aurez douleur
De ce qu’il ne trouve saveur
Parmi toute la création,
De forme et figure privé,
Seul, sans appui ni sol qui soit,
Goûtant là un je ne sais quoi
Que d’aventure on peut trouver.

Ne pensez pas que l’intérieur
Qui est de tout autre excellence
Trouve allégresse et jouissance
En ce qui donne ici saveur ;
Mais, par-delà toute beauté
Et ce qui fut, est et sera,
Là il goûte un je ne sais quoi
Que d’aventure on peut trouver.

Un plus grand soin il donnera,
Celui qui veut s’avantager,
A cela qui est à gagner
Qu’à ce qu’il a gagné déjà ;
Ainsi pour le plus élevé
J’inclinerai à chaque fois,
Surtout pour un je ne sais quoi
Que d’aventure on peut trouver.

Pour toutes choses qu’ici-bas
Le sens peut aider à comprendre
Et pour tout ce qui peut s’entendre,
Quelque élevé que ce sera,
Ni pour la grâce ou la beauté
Ne risquerai quoi que ce soit,
sinon pour un je ne sais quoi
Que d’aventure on peut trouver.

Ce poème est composé d’un quatrain et de neuf huitains d’octosyllabes avec un refrain. L’ensemble des rimes est embrassé sauf aux quatre premiers vers du 1er huitain, où elles sont croisées. Le sujet porte sur la beauté divine qui a le charme d’un je ne sais quoi et surpasse toute forme de beauté perçue par les sens (strophe 2). La Foi l’emporte sur la connaissance (strophe 3), car le contact amoureux avec l’Etre divin est si intense qu’il fait perdre saveur à tout le reste (strophe 4). L’âme est ainsi comme étrangère au monde (strophe 5). La volonté se soumet à cette beauté divine, guidée par la foi (strophe 6). L’être désire alors la solitude, car la foi l’a libéré des formes et des figures (strophe 7). Ayant touché l’illimité, il y trouve son gain (strophes 8, 9) et ne se risquera pour rien d’autre au monde si ce n’est pour « un je ne sais quoi » de la Beauté divine (strophe 10).

Ce qui frappe, dans ce poème, c’est l’abondance du vocabulaire de la saveur  qui se déploie dans une métaphore filée: appétit, palais, savouré, satiété, goût, saveur, dégoût. Le verbe goûter est employé cinq fois, le substantif goût trois et son synonyme saveur deux. La saveur est cette qualité perçue par le sens du goût, et aussi la qualité de ce qui est agréable, plaisant. Les biens finis fatiguent l’appétit et ravagent le palais. Ils ne peuvent contenter un cœur généreux et insatiable, surtout s’il a eu le privilège d’être touché par la grâce. « Son goût en est si transformé » qu’il est comme le malade, atteint de fièvre, qui ne supporte plus aucun aliment. Sa volonté est comme annihilée, car la beauté divine n’est goûtée que par la foi, dans la solitude sans appui intellectuel. La saveur d’en haut est en effet illimitée, éternelle, elle surpasse tout en beauté avec son charme secret, son « no sé qué ». Le refrain paraît exprimer toute la distance entre l’ici-bas insipide et les délices de l’au-delà :

« Pour toutes choses (qu’) ici-bas (…)
Ne risquerai quoi que ce soit,
Sinon pour un je ne sais quoi
Que d’aventure on peut trouver.
»

A ce goût de la douceur de l’amour divin s’oppose « l’amertume de l’absinthe ou du fiel, ce  qui  signifie la privation de Dieu qui est la mort de l’âme ». Ainsi « dans les prémices et les saveurs nouvelles (de l’amour), il est très facile que le vin d’amour manque aux amants et qu’alors se perdent à nouveau ferveur et saveur (…) Les vieux amants qui sont déjà exercés et éprouvés au service de l’époux sont comme le vin vieux qui n’a plus, une fois cuite la lie, ces bouillonnements sensibles (…), et ils goûtent la douceur du vin en sa substance, déjà cuit et versé tout au fond de l’âme. » Cantique spirituel, explication 16.
L’âme entre alors au « profond du cellier de son ami » et franchit les sept degrés d’amour qui sont les dons du Saint Esprit. Rares sont les âmes qui atteignent ce stade du mariage spirituel, où « l’âme boit l’amour même de son ami qui l’infuse en elle ».

 

Grappe de raisin - Source Wikicommons de Picdrops
 

Martine Petrini-Poli

Le 24 septembre 2013

Mots-clés associés :
lux
lux a écrit :
29/09/2013 13:27

mON DIMANCHE SERA BEAU GRÄCE a ce poeme et a la decouverte de ce blog. Merci

fouquet
fouquet a écrit :
04/01/2014 14:14

Magnifique ! Et touchant car c'est le fruit d'une expérience qui peut être partagé - au moins temporairement-.
Pourrait-on l'avoir dans la langue originel, afin d'écouter la musicalité et la puissance du rythme qui, comme vous le suggérer, est importante ( "no sé qué") ?
En tout les cas, merci ! Jn-Cl. Fouquet

Martine Petrini-Poli
Martine Petrini-Poli a écrit :
06/01/2014 09:28

Glosa a lo divino
Por toda la hermosura/nunca yo me perderé/sino por un no sé qué/que se alcanza por ventura/
Sabor de bien que es finito/lo mas que puede llegar/es cansar el apetito/y estragar el paladar/y asi por toda dulzura/nunca yo me perderé/sino por un no sé qué/que se halla por ventura/
El corazon generoso/nunca cura de parar/donde se puede pasar/sino en mas dificultoso/nada le causa hartura/y sube tanto su fe/que gusta de un no sé qué/que se halla por ventura/
El que de amor adolece/del divino ser tocado/tiene el gusto tan trocado/que a los gustos desfallece/como el que con calentura/fastidia el manjar que ve/y apetece un no sé qué/que se halla por ventura/
No os maravilléis de aquesto/que el gusto se quede tal/porque es la causa del mal/ajena de todo el resto/y asi toda criatura/enjenada se ve/y gusta de un no sé qué/que se halla por ventura/
Quo estando la voluntad/de divinidad tocada/no puede quedar pagada/sino con divinidad/mas por ser tal hermosura:que solo se ve por fe/gustala en un no sé qué/que se halla por ventura/
Pues de tal enamorado/decidme si habréis dolor/pues que no tiene sabor/entre todo lo criado/solo sin forma y figura/sin hallar arrimo y pie/gustando alla un no sé qué/que se halla por ventura/
No penséis que el interior/que es de mucha mas valia/halla gozo y alegria/en lo que aca da sabor/mas sobre toda hermosura/y lo que es y sera y fue/gusta de alla un no sé qué/que se halla por ventura/
Mas emplea su cuidado/quien se quiere aventajar/en lo que esta por ganar/que en lo que tiene ganado/y asi para mas altura/yo siempre me inclinaré/sobre todo a un no sé qué/que se halla por ventura/
Por lo que por el sentido/pueda aca comprehenderse/y todo lo que entenderse/aunque sea muy subido/ni por gracia y hermosura/yo nunca me perderé/sino por un no sé qué/que se halla por ventura/.

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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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