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La métaphore de l’eau dans le Château intérieur ou les Demeures de l’âme de Thérèse d’Avila

Publié le : 18 Décembre 2014
Seule la poésie, semble-t-il, peut, par le jeu de ses rythmes et de ses métaphores, rendre compte de l’expérience vécue de l’union intime à Dieu. Ainsi l’image biblique de l’eau se transforme, sous la plume de Thérèse d’Avila, entre la quatrième et la sixième demeure.

A la quatrième demeure, il est question des deux bassins d’une fontaine pour évoquer l’approche de Dieu par ses propres moyens par comparaison avec la grâce divine : « Imaginons, pour mieux comprendre l’oraison de quiétude, que nous voyons deux fontaines avec deux bassins qui se remplissent d’eau : je ne trouve rien de mieux approprié que cette comparaison de l’eau pour donner à voir certaines choses de l’esprit (…). Ces deux bassins se remplissent d’eau de manière différente ». L’un se remplit par de nombreux engins et canalisations, fruit de nos efforts et du travail intellectuel, à grand renfort de bruit. « Dans l’autre bassin, l’eau arrive directement de sa source, qui est Dieu, de sorte que lorsque Sa Majesté veut bien faire quelque faveur surnaturelle, elle la délivre avec une paix, une quiétude et une douceur extraordinaires, au plus intime de nous-mêmes » IV, II, 2-4.

L’image de l’eau se poursuit au chapitre III en une métaphore filée, car Thérèse d’Avila aime tellement cet élément qu’elle l’a observé plus attentivement que d’autres. Elle évoque les effets que reçoit l’âme à qui Dieu accorde l’oraison de quiétude: « L’âme ressent alors clairement qu’elle s’épanouit et gagne en amplitude ; c’est comme si l’eau qui sourd dans une fontaine n’avait pas de cours où se déverser, mais que cette fontaine était bâtie de telle sorte que son bassin s’agrandit à mesure que l’eau monte. Ainsi en est-il, à ce qu’il semble, dans cette oraison, avec de nombreux prodiges que Dieu fait dans l’âme, la disposant et lui donnant vocation à pouvoir tout abriter en elle » IV, III, 9.

L’âme s’épanouit alors, commence à s’affranchir de ses peurs et doit persévérer dans une oraison raisonnable. C’est, en effet, dans la quatrième demeure, que la prieure fait une double mise en garde à ses moniales : ne jamais abandonner la prière en risquant d’entraîner d’autres âmes à sa suite et ne pas se plonger dans des oraisons excessives, particulièrement les femmes « parce que nous sommes plus faibles » et plus sujettes à l’imagination.

Rembrandt, Le Christ dans la tempête sur la mer de Galilée, 1633, Huile sur toile 160X128 cm, Isabella Stewart Gardner Museum, Boston, Etats-Unis.

Cependant, à la sixième demeure, le ton des remontrances disparaît, le rythme de la phrase s’amplifie pour évoquer le ravissement de l’âme. C’est la « vague puissante et impétueuse » de la grâce divine qui enlève et ravit l’esprit : « Vous savez ce bassin, dont nous avons parlé –dans la quatrième demeure, je crois, je ne me rappelle pas bien- qui s’emplissait d’eau, doux et calme, je veux dire sans aucun remous : on dirait tout à fait que ce grand Dieu, lui qui retient les eaux des sources et empêche la mer de sortir de ses limites, a donné libre cours aux sources qui l’alimentent, formant une vague si puissante et impétueuse qu’elle projette en l’air la petite nacelle de notre âme (…) » VI, V, 3.

Thérèse d’Avila aborde alors le problème délicat de la sècheresse dans la prière et des larmes versées « au moindre petit mot que les âmes entendent de Dieu » (VI, VI, 7) et elle dispense ses conseils : « Quant aux larmes, qu’elles viennent si Dieu nous en envoie sans que nous ayons, nous, à nous appliquer à les faire venir : elles arroseront l’aridité de notre terre pour la mettre en valeur et la faire fructifier (…). Celle que nous puisons en nous éreintant à creuser n’a rien à voir avec cette eau féconde (…). Que Dieu nous donne ce qu’il voudra, que ce soit de l’eau ou de la sécheresse. C’est lui qui sait le mieux ce qui nous convient. Et, de la sorte, notre chemin sera de tout repos (…) » VI, VI, 9.

Puis, à la septième demeure, l’âme éprouve enfin la paix intérieure : « C’est là donner à la biche blessée de l’eau en abondance. Là sont ses délices, dans le tabernacle de Dieu. C’est là que la colombe, que Noé avait envoyée pour voir si la tempête était terminée, trouve le rameau d’olivier, signe qu’elle a trouvé la terre ferme au milieu des eaux et des tempêtes du monde » VII, III, 13. L’excès de faveurs divines provoque, en effet, une angoisse qui fait craindre aux âmes que, « comme sombre à pic un navire surchargé, il n’en aille de même pour elles. »

Nous retrouvons, dans ces images bibliques, l’ambivalence des éléments naturels : l’eau se déverse dans le bassin d’une fontaine ou jaillit comme une source désaltérante, elle fait fructifier la terre, mais elle peut aussi symboliser les obstacles liés à l’orgueil et à la vanité de l’homme ou les « tempêtes du monde » qui assaillent sans cesse l’âme, avant qu’elle ne trouve le repos. « O Jésus, qu’il serait bon de connaître toutes ces chose que dit l’Ecriture, pour faire connaître cette paix de l’âme ! Oh, mon Dieu, vous voyez combien elle nous importe, alors faites que les chrétiens s’emploient à la rechercher ! » VII, III, 13.

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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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