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Gloire et glorification chez Jean de la Croix

Publié le : 7 Novembre 2013
La gloire de Dieu se définit comme la splendeur des manifestations divines, à laquelle on rend hommage. Dans la poésie de Jean de la Croix, la gloire divine rejaillit sur la création, sur les quatre éléments : la terre et ses innombrables variétés d’animaux et de plantes, l’eau et son innombrable diversité de poissons, l’air et sa grande diversité d’oiseaux, « et l’élément du feu qui concourt avec tous à les animer et les conserver. »

Ces créatures « sont comme une trace du passage de Dieu », qui leur a donné « l’être à partir de rien », leur a apporté beauté, ordre et dépendance les unes par rapport aux autres :
« Et il ne leur a pas seulement communiqué être et grâces naturelles en les regardant, mais aussi par ce seul visage de son Fils, il les a revêtues de beauté en leur communiquant son être surnaturel, ce qui eut lieu quand il s’est fait homme, l’exaltant dans la beauté de Dieu et, par conséquent, toutes les créatures en lui, parce qu’il s’est uni avec leur nature à toutes en l’homme. » La Beauté est ainsi le sceau du Bien Aimé sur la création dans le Cantique spirituel:


O forêts et taillis
Que mon ami a de sa main plantés,
Verdoyantes prairies
De fleurs tout émaillées,
Dites si parmi vous il est passé.

Mille grâces versant,
En hâte par ces bois il est passé
Et en les regardant
Son visage a jeté
Sur eux le vêtement de la beauté.           4 et 5ème Chanson

        

Le regard divin est ainsi un « regard glorificateur », qui revêt chaque être créé de beauté et de dignité. Cependant toutes ces marques divines disséminées dans la nature ne font qu’aiguiser le désir de l’âme-Epouse du Face à face direct sans intermédiaires avec son Créateur :


Ah, qui me guérira !
Achève enfin d’entièrement t’offrir,
Ne me dépêche pas
D’envoyés pour me dire
Ce qui ne peut répondre à mon désir.

Et tous ceux-là qui errent
Me vont de toi mille grâces évoquant
Et tous plus me lacèrent
Et me laisse mourante
Je ne sais quoi qu’ils vont balbutiant.  6 et 7ème Chanson


Le regard créateur de Dieu ne porte plus seulement sur la nature mais sur l’âme, figurée par l’Epouse qui aspire de tout son être à l’union divine. La 12ème lira est une invocation à la fontaine cristalline qui cèle, dans son nom et son reflet, le visage du Christ :


Mon tourment, éteins-le
Puisqu’à l’apaiser nul ne suffira
Et que te voient mes yeux
Car tu es leur éclat
Et je ne veux les avoir que pour toi.

Cristalline fontaine,
Si, parmi tes visages argentés,
Tu figurais, soudaine,
Les yeux si désirés
Qui sont dans mes entrailles dessinés.


Jean de la Croix explique alors que l’âme « ne pouvant ainsi souffrir un tel excès en un sujet si faible, elle dit dans cette chanson : « Ami, détourne-les », à savoir tes yeux divins, parce qu’ils me font voler, me sortant de moi-même, vers une très haute contemplation, par-delà ce que peut supporter la nature. » Pourtant, ajoute l’Epoux, « la communication qu’à présent tu reçois de moi n’est pas encore cet état de gloire auquel à présent tu aspires. »


Ami, détourne-les,
Le vol me prend.
Epoux :           Colombe, reviens-moi,
Voici le cerf blessé
Qu’au tertre on aperçoit,
Qui au vent de ton vol s’aère et boit.


L’âme est ainsi entrée dans l’état d’union des fiançailles spirituelles avec le Verbe, Fils de Dieu : « Elle trouve un vrai repos et une lumière divine, goûte au plus haut point la sagesse de Dieu qui, dans l’harmonie des créatures et dans les œuvres divines, resplendit, se sent pleine de biens, vide et exempte de maux (…) Dieu étant toutes choses à l’âme. » D’où cette énumération nominale qui qualifie l’Epoux et prend des dimensions universelles, sans rien de panthéiste:


Epouse : Mon ami les montagnes
Les vallons ombragés solitaires
Les îles incroyables
Les bruissantes rivières
Les sifflements si pleins d’amour de l’air.   10ème à 13ème Chanson


Ainsi la gloire est « la pleine et entière transformation d’amour », qui est un échange entre la nature divine et humaine, « sans qu’aucune change son être ». L’éclat de gloire chasse toutes les ténèbres. C’est un état d’innocence originelle qui procure à l’âme jubilation, jouissance, suavité et joie, mais qui est proprement ineffable. L’œuvre trinitaire de glorification englobe chaque être humain et l’univers tout entier. Pour Jean de la Croix, elle culmine dès ici-bas dans l’Eucharistie, Corps glorifié du Christ ressuscité.

Pierre-Paul RUBENS, Glorification de l’Eucharistie - v.1630- Huile sur bois, 71,1X48,3 cm, Metropolitan Museum of Arts, New York, legs d’Ogden Mills (1929), copie de Gérard SEGHERS (v.1637), commande d’un ensemble de retables par le couvent des Carmes d’Anvers.
Le Christ ressuscité triomphe du péché et de la mort (serpent et squelette),  flanqué de gauche à droite par Melchisédech, Elie, Saint Paul et Saint Cyrille d’Alexandrie, tous associés à l’Eucharistie. Le calice est levé vers la colombe de l’Esprit-Saint et Dieu le Père dans une vision trinitaire, chère aux Carmes.

Bibliographie

"Gloire et glorification de l’univers chez Saint Jean de la Croix", Pierre Gouraud, Théologie historique n°107, ed.Beauchesne (1998)

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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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