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Fin du livre III qui clôt le Livre de Lamentation de Grégoire de Narek

Publié le : 25 Février 2016
La fin du livre III se poursuit par la prière pour les morts, afin qu’arrive « l’aurore qui présage la guérison des âmes ». Le moine veilleur intercède pour les pécheurs endurcis, aveugles ou imprévoyants, afin qu’aucun ne se perde :

« Pour prix de ces soupirs affligés par les deuils,

En longues litanies de cortèges divers,

Prends pitié de toutes les âmes,

Roi de longanime renom,

Et plus encore de celles

Qui ont perdu l’espoir de vivre ton salut ;

De celles qui, soudain, tombèrent en sommeil,

Demeurant lampe éteinte et sans huile.

Daigne t’en souvenir, Seigneur, dans ta pitié,

Reconnais-moi pour juste encore cette requête. »

Maintenant que le moine arrive au testament de ses lamentations, il lui faut se débarrasser définitivement de « l’accoutumance funeste de ses vices », obtenir le pardon de toutes ses fautes « du début, du milieu et de la fin, de l’âme et du corps, du dehors et du dedans » et parvenir à une bonne vieillesse qui n’anéantisse pas tous ses efforts antérieurs :

« Ne laisse pas sans soin le toit qui se délabre !

Que la médaille fruste ne perde pas son prix,

Non plus que l’huile, sa saveur (…) »

La prière de Grigor doit être entendue de Dieu jusque dans la mort et la Résurrection :

« Et que ta vie, ô Christ, ta grâce et ta miséricorde

Règnent dans le tombeau, trésor de mes os desséchés !

Alors, au temps du renouveau,

Dès les premiers rayons, à l’entrée du printemps,

Lorsque le jour reprendra sa splendeur,

L’âme irriguée de ta rosée,

De ton immortalité salutaire,

J’élèverai vers les hauteurs

Les indesséchables rameaux de mes biens spirituels,

J’épanouirai de neuf mon feuillage et mes fleurs (…) »

Le moine professe sa foi dans le Christ, Fils de Dieu, « clément, ami des hommes », qu’il aspire à rejoindre pour échapper au mal. La prière du soir permet alors de s’endormir dans la paix avant de recouvrer à jamais l’image inaltérable du Créateur :

« Mais qu’en moi, Créateur, soit ta miséricorde,

Que mon souffle vivant se fonde dans le tien

Dans l’infrangible lien d’une seule unité. »

Le poète fait l’éloge du simandre, cet instrument de musique arménien, auquel il apporte la symbolique chrétienne de la Résurrection. Autrefois interdit aux Arméniens d’Asie Mineure comme objet païen, l’usage de la simandre, dans la liturgie, avait été à nouveau autorisé par Basile II en 1001. La simandre est une sorte de gong en bois sacré (tilleul ou hêtre), suspendue ou mobile, que l’on frappe d’un maillet de bois et qui rythme la vie quotidienne du moine. Elle est encore utilisée dans les monastères orthodoxes, surtout la semaine de Pâques.

Simandre jouée par un moine orthodoxe Photo Rklawton

Autrefois lié au culte des dieux de la forêt, cet instrument en bois est christianisé par Grigor qui l’associe à tous les arbres de Vie de l’Ancien et du Nouveau Testament. Cette musique appelle les fidèles à l’office, elle les sort de la torpeur du péché :

« Le lent retentissement de ce bois mélodieux,

Par toi tonne l’effroi de mon sommeil torpide. »

Ce bois, dressé comme le serpent d’airain et marqué du signe de la croix et du saint chrême, est présenté à la vénération des fidèles :

« Sa figure et son origine l’apparentent au bois de la vie

Que tu as mis dans ton paradis, ô  mon Dieu. »

L’éloge du saint chrême avait, derrière lui, toute une tradition biblique que Grigor va chanter avec exaltation, dès le titre de son chapitre 93 : « Sur le saint chrême, baume de pureté et d’illumination, prière en guise de déchiffrement. » Rappelons que le saint chrême, du grec khrisma (huile), est l’huile consacrée, employée pour les onctions dans des sacrements et cérémonies des églises chrétiennes. C’est l’onction royale dans la Bible, par exemple du roi David, consacré par l’Esprit. C’est, par-dessus tout,  le Messie, l’Oint de Dieu, à qui                « l’Esprit fut donné en pleine vérité avec l’union totale à la divinité ». Cette huile n’est consacrée que par le « signe vivifiant de la croix ».

Puis la dernière prière du soir pour demander la paix du Seigneur, la délivrance « des craintes de la nuit » est suivie de l’ultime prière du matin pour fêter l’aube de la Résurrection. Ainsi  le Livre de Lamentation de Grégoire de Narek s’achève sur ce diptyque du soir et de l’aurore. Le poème nous a conduits du seuil des pénitents au jour éternel de la Résurrection qui s’effectue dans l’Eucharistie, Corps Glorifié du Christ ressuscité :

« Laisse poindre l’aurore et presse le salut !(…)

Que la terre de mon corps, apprêtée pour le jour où viendra ta lumière,

Se couvre de fleurs et de fruits

Par la coupe céleste de ton sang qui nous rend la vie :

Inépuisable offrande présentée sans relâche,

Mémorial du salut, rédemption des âmes défuntes ! »

L’Aigle d’Arménie, sculpture de Rast-Klan Toros, inaugurée le 11 avril 2015, Domaine du Parc de Sceaux, à Antony (92161), pour le centenaire du génocide arménien. L’aigle est l’emblème du royaume arménien des Bagratides au IXe siècle et des armoiries de la République arménienne. (c)Benoit Lagier
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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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