Du Livre de la vie au Livre des Fondations de Thérèse d’Avila
Publié le : 17 Juillet 2014Le Livre des Fondations nous présente la poursuite du travail entrepris dans le Livre de la vie. Pour comprendre le lien entre les deux ouvrages, il faut lire ce passage au début du Livre des Fondations, où Thérèse apprend l’arrivée en février 1576 du Père Général, frère Jean-Baptiste Rubeo (Rossi), dans la ville d’Avila.
Elle le fait venir à Saint-Joseph et lui rend compte de sa vie et de sa récente fondation : « Il fut satisfait de voir comment nous vivions ; il trouva que cela ressemblait, quoique imparfaitement, à ce qui se faisait à l’origine dans notre ordre (…). Il désirait me voir aller plus loin encore dans cette voie, et c’est pourquoi il me donna des patentes explicites pour fonder de nouveaux monastères. » (F 2, 3) Puis, réfléchissant à ce qu’il y ait aussi des frères de la même règle, elle écrivit au Père Général qui « de cette ville (l’) autorisa par lettres patentes à fonder deux couvents (masculins), montrant par là qu’il désirait pour l’ordre la plus grande perfection. » (F 2, 5)
L’œuvre des fondations du Carmel réformé avait commencé et allait s’étendre à toute la Castille et à l’Andalousie sur une période de vingt ans : de 1562 à 1582, seize couvents seront ainsi fondés. La composition du Livre des Fondations adopte un ordre chronologique qui suit les dates et lieux des fondations. Thérèse d’Avila commence la rédaction du Livre des Fondations « en l’an 1573, fête de Saint Louis, roi de France, le 24 août » : « Aujourd’hui, à Salamanque, en 1573, c’est-à-dire onze ans après (la fondation du monastère Saint-Joseph d’Avila), j’ai pour confesseur le recteur des jésuites de Salamanque, maître Ripalda. Celui-ci (…) a estimé que ce serait servir Notre-Seigneur que de parler des sept autres monastères(…). »
Elle achève son récit, le 14 novembre 1576, sur ordre du frère Jérôme Gracian, supérieur de carmes déchaux et carmélites déchaussées (FXXVII). Elle ajoutera encore quatre chapitres (28 à 31), dont le dernier relate la fondation du Carmel de Burgos, en 1582, l’année de sa mort. Le manuscrit, déposé à Saint Joseph d’Avila, fut récupéré en 1586 par Ana de Jesus, sa « fille spirituelle », puis confié au Père Luis de Leon pour une publication. Enfin, en 1592, à la demande de Philippe II, le manuscrit fut déposé à la bibliothèque royale de l’Escurial, près de Madrid, où il se trouve encore.
Ve centenaire de la naissance de Sainte Thérèse d’Avila (1515-2015) : plume de Thérèse.
Quelle est la structure du Livre des Fondations ?
On discerne trois parties : la première partie, composée en 1573, comprend les chapitres 1 à 20, et décrit les fondations suivantes : Medina del Campo en 1567 (F 3) ; Malagon (F 9) et Valladolid (F 10) en 1568; Duruelo (F 13-14) ; Tolède (F 15) et Pastrana (F 17) en 1569; Salamanque (F 18) en 1570 et Alba de Tormes (F 20) en 1571.
La deuxième partie, comprenant les chapitres 21 à 27, évoque les fondations de Ségovie (F 21) en 1574; Beas (F 22) et Séville (F 23) en 1575; Caravaca (F 27) en 1576. Cette partie est rédigée en 1576 au monastère Saint-Joseph de Tolède, où Thérèse réside alors. Elle note, au début du chapitre 28 : « Après celle de Séville, il n’y eut plus de fondations pendant plus de quatre ans. Les grandes persécutions qui commencèrent tout d’un coup contre les déchaux et les déchaussées en furent la raison. »
La troisième partie, moins composée, présente Villanueva de la Jara (F 28) et Palencia (F 29) fondées en 1580, Soria (F 30) en 1581; Grenade est fondée par Anne de Jésus, enfin Burgos sera la dernière fondation de Thérèse (F 31), en 1582. Ces récits-là sont contemporains des fondations.
Carte des Fondations du Carmel Réformé par Thérèse d’Avila de 1562 à 1582
Au cours de chaque fondation, des obstacles de toutes sortes vont surgir. Chacune est une aventure. Voilà ce qui va donner cette allure si juvénile au récit et le rapprocher parfois d’un roman d’aventure. Cependant, Thérèse d’Avila répète sans cesse que ces fondations, œuvres humaines, sont essentiellement l’œuvre de Dieu, qui a su aplanir les difficultés si nombreuses et si pénibles qu’elle-même n’aurait pu y venir à bout.
A qui s’adresse le Livre des Fondations ?
L’intention didactique de Thérèse d’Avila est sensible dans cet écrit. La Madre a maintenant acquis une expérience de prieure au couvent de l’Incarnation d’Avila où elle a été élue en octobre 1571, après 36 ans de vie religieuse. C’est pourquoi le Livre s’adresse souvent directement aux religieuses qu’elle a entraînées dans son aventure et dont elle se sent responsable. D’où le recours fréquent à l’impératif : « Voyez, mes filles, voyez la main de Dieu » (FXXVII, 12) ou la prise à témoin : « Vous avez vu, mes filles, qu’on a connu quelques épreuves » (FXXVII, 17).
Elle entend aussi former de futures prieures ou elle s’adresse à celles qui sont déjà en exercice pour les conseiller (F, IV). Enfin, chaque récit se termine par une prière à « Sa Majesté » qui guide ses actions.