Aller au contenu. | Aller à la navigation

Narthex - Art Sacré, patrimoine, création.

Bonjour, notre site va bénéficier d’une refonte dans les prochains mois. L’activité de Narthex est actuellement réduite. Nous vous remercions de votre compréhension.

Du Cantique des Cantiques à la Nuit obscure de Jean de la Croix, la structure (II)

Publié le : 22 Mai 2013
Seconde et dernière partie consacrée à l'inspiration de Jean de la Croix pour le Cantique des Cantiques.

Aux versets bibliques du Cantique des Cantiques, Jean de la Croix va préférer, dans ses poèmes, la lira castillane, ces quintils de 7/11/7/7/11 syllabes, où alternent heptasyllabes et hendécasyllabes.

 

Structure du Cantique spirituel de Jean de la Croix
Le Cantique spirituel de Jean de la Croix reprend la composition en trois temps du Cantique des Cantiques: les strophes 1 à 11 évoquent la quête de l’Epouse et son attente inquiète, les strophes 12 à 26 ses fiançailles spirituelles, les strophes 27 à 39 la parfaite union finale de l’Epoux et de l’Epouse, de l’Ame avec son Dieu.  Cependant le poème a gagné en sobriété : le chœur originel a disparu et le récit est fait à une troisième personne, au passé. Etudions les trois étapes du poème:


Dans un premier mouvement (strophes 1 à 11), l’âme à la recherche de l’Epoux franchit « forts et barrières » pour le trouver, quittant les marques sensibles de Dieu répandues dans l’univers. Cependant l’âme éprouve le tourment si intense du désir, que Dieu seul peut apaiser :
« Mon tourment, éteins-le
Puisqu’à l’apaiser nul ne suffira.
» (strophe 10)
La « cristalline fontaine » reflète alors les yeux de l’Ami, miroir de sa présence.

 

Dans le second mouvement (strophes 12 à 26), l’Epoux s’adresse avec une tendre insistance à l’âme : « Colombe, reviens-moi » (strophe 12). Les fiançailles sont célébrées parmi « les sifflements si pleins d’amour de l’air » (strophe 13). Dieu se dévoile partiellement. L’âme se meurt à elle-même, se perd pour être gagnée par l’Aimé. Elle s’enivre de «  l’amour même de son Ami qui l’infuse en elle » (commentaire de la strophe 17). Cependant il faut encore chasser les renards qui ravagent les vignes, c’est-à-dire écarter tous les troubles qui détournent de l’union à Dieu.

 

Au troisième mouvement (strophes 27 à 39) s’opère « dans le verger amène et désiré » (strophe 27) le mariage spirituel, le plus haut état d’union de l’âme à Dieu. L’âme repose dans une parfaite tranquillité, dans la joie de l’intimité, seule à Seul, tandis que tout mal paraît éloigné.                               
                         
Le passage des 39 strophes du Cantique spirituel aux 8 strophes de la Nuit obscure s’opère dans un souci de dénuement formel croissant. Au foisonnement de personnages du poème biblique, au dialogue entre l’Epouse et l’Epoux, encore présent dans le Cantique spirituel, succède dans la Nuit obscure une unique voix narrative féminine qui invite à l’écoute :

 

Nuit obscure ou Chansons de l’âme


Dans une nuit obscure
D’une fièvre d’amour tout embrasée,
O joyeuse aventure,
Dehors me suis glissée
Quand ma maison fut enfin apaisée.

Dans l’obscur et très sûre,
Par la secrète échelle déguisée
O joyeuse aventure,
Dans l’obscur et cachée
Quand ma maison fut enfin apaisée.
                                        
Dans cette nuit de joie,
Secrètement, car nul ne me voyait
Ni mes yeux rien qui soit,
Sans lumière j’allais
Autre que celle en mon cœur qui brûlait.
                 
Et elle me guidait,
Plus sûre que la lumière à midi,
Au lieu où m’attendait
Moi je savais bien qui
En un pays où nul ne paraissait.
                      
O nuit qui as conduit,
Nuit plus aimable que l’aube levée,
O nuit qui as uni
L’ami avec l’aimée
L’aimée en l’ami même transformée.
                      
Contre mon sein fleuri
Qui tout entier pour lui seul se gardait,
Il resta endormi,
Moi je le caressais,
De l’éventail des cèdres l’air venait.
                 
Du haut du créneau l’air,
Quand sous mes doigts ses cheveux s’écartaient,
Avec sa main légère
Sur mon cou me blessait
Et chacun de mes sens me ravissait.
                    
En paix je m’oubliai,
J’inclinai le visage sur l’ami,
Tout cessa, je cédai,
Délaissant mon souci
Entre les fleurs de lys parmi l’oubli. 
        

     
Ainsi cette même trame ternaire tisse la Nuit obscure ou Chansons de l’âme qui se réjouit d’avoir atteint le plus haut état de perfection qui est l’union avec Dieu par le chemin de la négation spirituelle: 1/ une femme ou une âme « embrasée d’amour » sort, de nuit, en quête de son amant (strophes 1-2), 2/ elle attend, dans l’angoisse nocturne, la rencontre (strophes 3-4), 3/ elle se fiance et s’unit au Bien Aimé (strophes 5 à 8). S’opère alors la perfection de l’échange amoureux : ô nuit qui as uni/ l’ami avec l’aimée/ l’aimée en l’ami même transformée. La strophe s’est épurée. La poésie a atteint un total dénuement.

 

Martine Petrini-Poli

Le 22 mai

Mots-clés associés :
Yann Richard
Yann Richard a écrit :
26/05/2013 00:13

De qui est cette magnifique traduction?

Monnet Sylvie
Monnet Sylvie a écrit :
28/05/2013 16:46

Quel magnifique commentaire. Un bel éclairage pour retourner à la source littéraire et biblique

Ajouter un commentaire

Vous pouvez ajouter un commentaire en complétant le formulaire ci-dessous. Le format doit être plain text. Les commentaires sont modérés.

Question: 10 - 5 ?
Your answer:
Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

Recherchez sur le site
Inscrivez-vous à la newsletter