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De l’écriture de soi à l’autobiographie : le Livre de la vie de Thérèse d’Avila

Publié le : 27 Février 2014
En préparation au Cinquième centenaire de la Naissance de Sainte Thérèse d’Avila (1515-1582) en 2015, une lecture littéraire de ses œuvres vous est proposée…

On peut se demander à la lecture du Livre de la vie paru en 1588 de Thérèse d’Avila s’il répond aux critères retenus, en 1975, dans Le Pacte autobiographique par Philippe Lejeune pour définir l’autobiographie : « Récit rétrospectif en prose qu’une personne réelle fait de sa propre existence, lorsqu’elle met l’accent sur sa vie individuelle, en particulier sur l’histoire de sa personnalité. »

Dans Le Livre de la vie, Thérèse d’Avila fait bien le récit rétrospectif de sa vie, puisqu’elle rédige cet ouvrage en 1562, à 47 ans. Il y a identité de l’auteur, du narrateur et du personnage qui s’exprime à la première personne. Cependant le but n’est pas de tracer un autoportrait, mais, à la demande de ses confesseurs, de « rapporter par écrit le mode d’oraison et les faveurs que le Seigneur (lui) a accordées. » On pense donc plutôt au récit de conversion comme les Confessions de saint Augustin lui en offraient le modèle : « Lorsque je commençai à lire les Confessions, je crus m’y reconnaître… » écrit-elle au chapitre IX. Or Augustin a hérité de la tradition antique du souci de soi tout en créant un nouveau genre littéraire.

Le souci de soi dans la philosophie antique

Il existait, dans la philosophie grecque, une tradition de l’écriture de soi. Le précepte gravé sur le fronton du temple de Delphes, que reprend Socrate, du « gnothi seauton » « connais-toi toi-même » invitait l’homme à apprécier sa propre mesure par rapport aux dieux. D’où l’invitation à pratiquer l’examen de conscience, car, écrit Platon dans l’Apologie de Socrate « Une vie à laquelle l’examen fait défaut ne mérite pas qu’on la vive. » « Je scrute ma journée entière et je mesure ce que j’ai fait et dit ; je ne me cache rien, je ne passe rien… » note Sénèque dans le De ira (De la colère).

Dans le stoïcisme, en effet, la maîtrise de ses passions et de ses représentations conduit à vivre en harmonie avec l’ordre rationnel de l’univers, le Logos, dont chaque âme fait partie. Epictète, philosophe stoïcien latin, insistera sur la fonction éthique de l’écriture associée à la méditation : « Garde ces pensées nuit et jour à la disposition. Mets-les par écrit. Fais-en la lecture. » L’écriture participe à cet entraînement moral, au dur travail sur soi qu’est l’apprentissage de la vertu. Ainsi les philosophes grecs et romains connaissent ce « souci de soi », mais l’écriture de soi ne trouve pas encore une forme codifiée et définie.

Escher, Mains dessinant, 1948, Cordon Art. Baarn, Hollande.

L’écriture de soi dans la tradition chrétienne

La patristique chrétienne, en invitant le fidèle à se tourner vers soi pour examiner ses intentions, connaître ses péchés et en faire l’aveu à Dieu, va favoriser l’émergence d’un genre littéraire, l’autobiographie, même si le terme lui-même n’apparaît qu’au début du XIXème siècle. C’est pourquoi les Confessions de saint Augustin sont un des textes fondateurs de la culture occidentale. Les treize livres, qui les composent, sont le récit de sa vie et de son itinéraire spirituel qui l’a conduit, à partir de sa rencontre personnelle de Dieu, d’une vie dissolue à une conversion.

Thérèse d’Avila, à la différence de Jean de la Croix, ne connaît pas les auteurs grecs et latins. Mais elle est passionnée de lecture et découvre les Confessions de saint Augustin, qui ont été traduites en castillan en 1554. Cette oeuvre permet à Thérèse d’Avila de trouver un modèle de formulation de son propre chemin spirituel, de faire à son tour le récit de sa propre « conversion ».  Saint Augustin et Thérèse d’Avila ont exactement le même âge, 47 ans, lors de la rédaction des Confessions (401) et de la première version du Livre de la vie (1562).

Le récit de conversion ou « confession »

Le terme de "confession" utilisé par Augustin, doit être entendu en deux sens principaux : "Aveu et louange" : aveu des péchés commis, mais aussi louange de la miséricorde et des grandeurs de Dieu. Augustin lui-même s’est expliqué sur ce terme de "confessio" : "Double est la confession : celle du péché et celle de la louange" (Commentaire sur le Psaume 29, 19). Les Confessions sont ainsi un récit de conversion ; le récit du péché est indissociable de la joie du pécheur repenti qui rend grâce à Dieu. « Quand j’en arrivai à sa conversion et que je lus comment il avait entendu une voix dans le jardin, je crus que le Seigneur me la faisait entendre à moi aussi, selon ce que sentit mon cœur ; je restai longtemps inondée de larmes, tout affligée et abattue (…) Dieu soit loué, qui m’a donné la vie, pour que je sorte d’une mort si mortelle ! » écrit Thérèse au chapitre IX, 8 du Livre de la vie.

Cependant à ce modèle masculin de la patristique, Thérèse d’Avila va joindre la figure biblique féminine de la pècheresse convertie, Marie-Madeleine : « J’avais une grande dévotion pour la glorieuse Madeleine, et maintes et maintes fois je pensais à sa conversion. » (IX, 2). Ces références servent d’argument d’autorité face à ses lecteurs.
 

 

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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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