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4e vision du Livre des Œuvres divines d’Hildegard von Bingen

Publié le : 4 Mai 2017
Le Livre des Oeuvres divines, qui nous est parvenu par le Manuscrit de Lucca, Liber divinorum operum, daté de 1230 environ, est le troisième et dernier livre des visions d’Hildegard. Il est achevé en 1174, après 11 ans d’un travail harassant. Il montre la toute-puissance divine à l’œuvre dans la création et la place de l’homme dans l’univers. Il distingue, après un prologue, dix visions successives accompagnées d’une miniature en pleine page. Les miniatures font une place à la visionnaire elle-même, représentée dans sa cellule en train de recevoir ses révélations et de les transcrire sur des tablettes de cire. Elle est assise, lève les yeux vers l’objet de sa vision, dans le champ extérieur à l’image cosmique qu’elle contemple. Les dix visions vont conduire de l’œuvre divine de la Création, symbolisée par le cercle du macrocosme englobant le Fils de Dieu, puis l’homme (visions 2,3,4), à la Cité de Dieu, figurée par un carré (visions 6,7,8,9).

La quatrième vision du Livre des Œuvres divines reproduit une fois encore la figure du cercle. La représentation centrale de l’homme a disparu, et la roue de la terre déborde sur la zone aérienne qui l’entoure occupant toute l’image. La terre est divisée en quarts présentant les activités agricoles, soumises aux influences contrastées du ciel (vent, pluie, humidité, chaleur). 

Si l’on trace une ligne horizontale pour diviser le cercle, on aperçoit en haut à gauche : une première image automnale avec un homme torse nu qui mange un fruit, assis sous un arbre perdant ses feuilles ; dans la scène hivernale suivante, l’arbre n’a plus de feuilles et semble mort ; à ses pieds, l’homme est couché, nu, comme mort.

Hildegard von Bingen, Liber divinorum operum, Codex latinus 1942 (vers 1230), Lucques, Bibliothèque d’Etat (vision 4, fol. 38)

Dans la vignette printanière qui suit, l’arbre a de nouveau des feuilles ; à son pied, l’homme est assis, appuyé sur un outil, pensif ; puis il se lève et s’appuie sur sa houe.

Dans le quart du bas suivant, la couleur des vapeurs célestes fonce avec l’arrivée de l’été ; l’homme est assis, habillé, au pied d’un arbre, à côté d’une corbeille de fruits. Le dernier quart montre un faucheur, puis un moissonneur coupant une gerbe de blé à la faucille. Ainsi est représenté le cycle des saisons (automne, hiver, printemps, été), ce cycle régulier de la nature dont l’homme lui-même porte l’empreinte : « Dieu a donc consigné dans l’homme toutes les créatures. Il a aussi reproduit en lui l’ordre des différents moments de l’année. L’été correspond à l’homme éveillé, l’hiver à l’homme qui dort. Le sommeil réconforte le dormeur, pour qu’il soit rapidement apte à certaines œuvres, quand ses énergies s’éveillent. Il a donc distingué en lui les mois, discernant les qualités et les vertus… » p.115-116.

Les douze mois ont une influence respective sur le corps de l’homme. L’iconographie de la vision fait des emprunts à celle des mois, par exemple l’image du faucheur ou du moissonneur, comme on en trouve dans de nombreux calendriers rustiques.

Calendrier rustique, Pierre de Crescent, Traité d’agriculture enluminé, 1306, Bologne

Cependant la vision d’Hildegard ne se limite pas au simple cycle de la végétation, elle lui donne une signification cosmique et morale plus générale, en se référant à la notion de « viridité » (viriditas), mot-clef de sa pensée qui exprime « le jaillissement de la sève et la germination en même temps que l’éclosion des forces spirituelles qui rapprochent l’homme de Dieu » : « Je vis aussi comme un brouillard qui s’échappait du feu noir et qui atteignait les terres : il asséchait la viridité terrestre, il réduisait l’humidité des champs (…) L’air blanc dense et lumineux dégageait lui aussi un autre brouillard en direction des terres : il envoyait sur les hommes et sur les troupeaux une grande peste. Nombreux étaient ceux qui encouraient bien des maladies, et légion ceux que la mort frappait ».

Mais prévaut toujours l’équilibre nécessaire des contraires : « L’air aqueux quant à lui s’opposait à ce brouillard ; il le tempérait, afin qu’il n’apportât pas aux créatures de blessures excessives. Je vis aussi une humeur qui jaillissait en bouillonnant de l’air mince et qui se répandait sur terre : elle y suscitait la viridité, elle provoquait la germination de tous les fruits… » p.68.

Les influences célestes de la lune et du soleil, qui pèsent sur l’homme, sont commentées à partir d’une citation des psaumes : « Il a fait la lune pour marquer les temps, le soleil connaît son coucher (Psaume 104, 19). Entendons-le ainsi : Dieu a décrété que la lune changeât selon le temps, afin de nourrir tous les moments du temps, comme une mère nourrit ses enfants, de lait d’abord, puis d’une nourriture solide. Quand elle décroît, la lune n’a pas de forces, elle nourrit donc le temps avec du lait, en quelque sorte. Quand elle croît, la nourriture qu’elle procure est solide. Dieu a décidé que le soleil luirait au-dessus de la terre, avant de se cacher sous la terre. De même l’homme veille le jour, les yeux ouverts, et la nuit, il dort, les yeux fermés. L’homme est donc terrestre de par sa chair, céleste de par son âme, conformément aux créatures inférieures et aux créatures supérieures, respectivement. L’homme connaît l’évolution du temps qui scande le mouvement et la vie universels. »

 

Au début de la 4e vision, Hildegard établit une identité entre le firmament et la tête de l’homme, entre le ciel empyrée qui enveloppe le firmament et le corps entier de l’homme : « C'est que Dieu a façonné l'homme sur le modèle du firmament et il a conforté son énergie par des forces élémentaires. » Cependant souvent les forces charnelles rivalisent avec les forces spirituelles en oubliant que « l'âme joue le rôle d'une maîtresse de maison. En elle, Dieu forma toutes les demeures dont elle doit prendre possession. Personne ne peut la voir, de même qu'elle ne peut voir Dieu tant qu'elle demeure dans le corps, à moins qu'elle ne le voie et le connaisse dans la foi. Dans l'homme, elle oeuvre en compagnie de toutes les créatures qui sourdent de Dieu, de même que l'abeille édifie dans sa ruche le rayon de son miel. L'homme réalise son oeuvre, comme un rayon de miel, avec cette science de l'âme qui est en quelque sorte le miel liquide. »

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Martine Petrini-Poli

Martine Petrini-Poli, professeur de lettres (titulaire du CAPES et du Doctorat de 3ème cycle) en classes préparatoires HEC au Lycée de Chartreux et à l’Ecole des Avocats de Lyon (EDA), rédactrice à Espace prépas, Ellipses et Studyrama. Responsable de la Pastorale du Tourisme (PRTL 71).

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