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Précis sur la codification des couleurs liturgiques (1/2)

Publié le : 14 Avril 2014
Les premiers siècles de l’Église emploient des vêtements liturgiques essentiellement blancs, des textiles non teints. Diverses teintes entrent en usage au VIIe siècle, bien que le blanc soit toujours dominant. Autour de l’an mil se développe une codification symbolique des couleurs, qui s’intensifie au XIIe siècle. Une volonté s’affirme alors d’associer les couleurs aux diverses fêtes du calendrier.

À la fin du XIIe siècle, le cardinal Lothaire Segni, futur pape Innocent III, publie un traité sur la messe – De sacro sancti altaris mysterio – fixant l’usage des couleurs liturgiques tel qu’il est pratiqué dans le rite romain. Le chapitre LXV du deuxième livre, « De quatuor coloribus principalibus, quibus secundum proprietates dierum vestes sunt distinguendae » – Des quatre couleurs principales, par lesquelles il faut distinguer les vêtements selon les jours et les fêtes de l’année – édicte quatre couleurs liturgiques : le blanc, le vert, le noir et le rouge.

Le blanc, symbole de pureté et d’innocence, est lié aux fêtes des confesseurs et des vierges ou encore à l’Épiphanie ; le rouge est associé aux martyrs et aux apôtres, exprimant tour à tour le sang de leur passion ou les langues de feu de la Pentecôte ; le noir marque les jours de deuil. Le vert, quant à lui, est employé pour les jours ne sollicitant ni le blanc, ni le rouge ni le noir. Ces jours sont dits temps ordinaires.

Chasuble verte, soie, XVIIIe siècle. Trésor de la cathédrale de Notre-Dame des Doms, Avignon.

Innocent III justifie en partie l’attribution des couleurs par des sources bibliques. L’emploi du blanc pour la Résurrection, par exemple, renvoie à la robe blanche de l’ange qui l’annonça : « Son visage ressemblait à l’éclair et sa robe à la neige » (Mt 23, 3) . D’autres auteurs de la même période appliquent des considérations symboliques liées au vocabulaire végétal, tel que le lis des vierges.

Le règne d’Innocent III va tendre à unifier les pratiques liturgiques romaines – dont celles des couleurs – à l’ensemble des diocèses. Durand de Mende, à la fin du XIIIe siècle, dans son traité Rationale divinorum officiorum reprend et diffuse la codification édictée par le cardinal Lothaire. À la même époque, le violet fait son apparition en remplacement du noir lors des temps de pénitence du calendrier liturgique. Celui-ci comptabilise dès lors cinq couleurs symboliques pour l’Église d’Occident, encore en usage de nos jours.

Si le Concile de Trente réaffirme l’utilisation de ces cinq couleurs, la chasublerie de l’époque moderne fait entorse à la codification canonique et opère des accommodations. Aux XVIIe et XVIIIe siècles, les chasubliers produisent des ornements jaunes – souvent employés comme un pis-aller de l’or lorsque les finances manquent – et même des ornements orange ou bleu, qui ne respectent tout simplement pas les règles liturgiques. Les tissus d’extraction profane, ornés de fleurs et autres motifs bigarrés, développent la pratique de l’ornement multicolore : la polychromie des étoffes, à la faveur des paroisses peu argentées, permet aux vêtements d’être employés pour tous les temps liturgiques. Ces pratiques disparaissent néanmoins avec le XIXe siècle, qui voit émerger un respect plus strict de la codification des couleurs.

Chasuble rouge, destinée à la chapelle de Sainte-Thérèse de l’Enfant-Jésus et de la Sainte-Face, Hem, conception d’Alfred Manessier, exécution de Laure Plasse Le Caisne, laine, 1960-62. Collection de l’évêché de Lille. ©ADAGP, Paris 2014

Le Concile de Vatican II, suite au Concile de Trente, réaffirme l’usage des cinq couleurs liturgiques :

Le rouge est employé pour les Rameaux, la Passion, la Pentecôte, les fêtes des Apôtres et des martyrs, et l’Ordo missae de 1969 prescrit le rouge pour le Vendredi saint.

Le blanc reste la couleur liturgique la plus répandue. Il est porté pour Noël, l’Épiphanie, le Jeudi saint, la période de Pâques à la vigile de la Pentecôte, les fêtes du Saint Sacrement, du Sacré-Cœur, de la Transfiguration, les fêtes des anges, des saints non martyrs, la Toussaint, ainsi que les fêtes mariales.

Le vert est réservé aux temps ordinaires qui ne célèbrent aucun évènement spécifique.

Le noir, expression du deuil, est employé pour les funérailles.

Le violet est porté durant les temps de pénitence : l’Avent, le Carême et le temps de la Septuagésime. L’institutio generalis missalis romani de 1969, issu des réformes du Concile de Vatican II, permet de remplacer le noir par le violet lors de la messe des défunts.

 

Les couleurs subsidiaires : à lire le 29 avril 2014 !

 

Marine Ferrero, avril 2014


Source chasuble verte: Catalogue d’exposition : Merveilles d’or & de soie : trésors textiles de Notre- Dame des Doms du XVIe au XIXe siècle, 21 décembre 2000 - 4 juin 2001, Palais des Papes, Avignon.

Source chasuble rouge: Manessier, oeuvre tissé: tapisseries, vêtements liturgiques, Abbatiale - Musée de Payerne, 27 mars - 27 juin 1993, église du château de Felletin, 10 juillet - 19 septembre 1993, Musée des beaux-arts d’Arras, 25 septembre - 29 novembre 1993, Palais de Justice de Besançon, printemps 1994, Musée d’Angers - Abbaye de Ronceray, fin mai – fin octobre 1994, p.100.

 

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Josiane Pagnon et Marine Ferrero

Josiane Pagnon a été Conservatrice des antiquités et objets d'art de la Manche de 1994 à 2010 en tant qu'agent du Conseil général de la Manche. Dans ce cadre, elle a publié de nombreux ouvrages sur les objets mobiliers et les ornements liturgiques. Elle est maintenant chercheur à l'Inventaire général au Conseil régional de Languedoc-Roussillon. Originaire d’Aix-en-Provence, Marine Ferrero effectue actuellement un Doctorat d’Histoire de l’Art à l’Université Libre de Bruxelles. Elle consacre ses recherches à la modernisation de l'ornement liturgique au XXe siècle. Son mémoire de Master s’intéressait au renouveau de la paramentique des années 1900 au concile Vatican II ; sa thèse se concentre aujourd’hui sur l’influence plus spécifique de l’Art déco et de l’avant-garde artistique de l’entre-deux-guerres.

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